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Présidence française de l'UE

La place privilégiée de l'Afrique sur l'agenda européen du développement

par Marie Joannidis

Article publié le 21/06/2008 Dernière mise à jour le 26/06/2008 à 15:47 TU

(Photo : Reuters)

(Photo : Reuters)

L’Union européenne reste le principal fournisseur d'aide publique dans le monde. L'Afrique occupe toujours une place de choix dans la politique de développement de l'UE, qui s'est diversifiée.

Selon le dernier rapport du Comité d’aide au développement (CAD) de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), paru en février 2008, même si l’aide publique au développement (APD) globale de ses membres a diminué en 2006, l'Union européenne reste toujours le principal bailleur de fonds. Parmi les bénéficiaires d’APD, l’Afrique a reçu 29 milliards de dollars en 2006 contre 22 milliards en 2004. Ce qui est toutefois encore loin des 50 milliards promis pour 2010 par le G8 de Gleneagles (2005).

En 2006, la valeur globale de cette aide atteignait 47 milliards d’euros, soit près de 100 euros par citoyen, contre 53 euros pour les Etats-Unis et 69 euros pour le Japon. Toujours en 2006, l’aide européenne est passée à 0,42 % du revenu national brut (RNB) alors que l’objectif fixé par l’Organisation des Nations unies (Onu) est de 0,7 %. Seuls quatre Etats membres de l’Union — le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède — ainsi que la Norvège (membre de l’Espace économique européen, sans appartenir à l’Union en tant que telle), ont atteint et même dépassé cet objectif. L’Union s’est donné jusqu’en 2015 pour y parvenir collectivement, avec une étape à 0,56 % en 2010.

Parmi les Européens, l’Irlande, l’Espagne, la Suède et la Grande-Bretagne ont enregistré des augmentations significatives de leurs aides. Celles de la France, du Danemark, de l’Allemagne, de la Grèce, du Luxembourg, des Pays-Bas et du Portugal se sont accrues de façon modérée ou ont stagné alors qu’elles ont diminué dans quatre autres pays de l’UE, dont l’Italie.

En France, renforcer la tutelle de l’Etat sur l’AFD

Aujourd'hui, au sein de l'UE, on parle plutôt d'une meilleure efficacité de l'aide et d'une meilleure coordination entre pays donateurs, ce qui correspond aux souhaits de la présidence française qui encourage également un partenariat public/privé, selon les vœux exprimés par le chef d'Etat français Nicolas Sarkozy lors de son voyage au Cap en Afrique du Sud.

Le nouveau secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, précise : « La France ne peut pas seulement être un pays qui se bat pour défendre des valeurs, quand ce sont les autres qui récupèrent les marchés », a-t-il dit. Il a présenté, le 19 juin, les 8 chantiers pour l’Afrique ouverts par son ministère : soutenir la croissance africaine, relancer l’agriculture, valoriser le rôle des femmes, multiplier par le 3 le nombre de volontaires français, augmenter la part des ONG dans l’aide, soutenir l’éducation et promouvoir la langue française, conforter l’audiovisuel extérieur français, rénover la coopération de défense.

Ses propos rejoignent les analyses faites en matière de développement dans le cadre de la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en cours en France. Selon les auteurs de l'étude, le champ de l’action extérieure a connu dans les vingt dernières années de profondes mutations, auxquelles la France doit s’adapter : les Etats sont concurrencés, à l’échelle internationale, par de nouveaux acteurs – fondations privées (dont les budgets d’intervention sont parfois supérieurs aux programmes des Nations unies), fonds souverains ou grandes ONG.

De même, de nouveaux enjeux, plus diffus, sont apparus dans le débat international comme la lutte contre le changement climatique, la sécurité énergétique et alimentaire ou la lutte contre les grandes pandémies. La réponse à ces évolutions nécessite une hiérarchisation des priorités, estiment-ils, soulignant que l’APD doit être plus concentrée géographiquement. Ils invoquent aussi des indicateurs de résultat, permettant de valoriser l’impact de l’aide.

Dans ce cadre, ils préconisent le renforcement de la tutelle stratégique de l’Etat sur l’Agence française de développement (AFD), principal opérateur de l'APD, par la présidence de l’organe de gouvernance ou d’un conseil statutaire d’orientation stratégique par le ministre chargé de la Coopération, par un contrat unique d’objectifs et de moyens avec l’Etat et par un renforcement du pouvoir de coordination et d'animation des ambassadeurs sur le terrain.

Vers des engagements pluriannuels en matière d’APD

La stratégie de l’Union européenne pour le développement international s’articule quant à elle autour de deux axes : favoriser les échanges commerciaux et ouvrir le marché communautaire, d’une part, et tirer les pays pauvres de la misère, d’autre part, grâce à une aide technique et financière directe. Mais, la Commission européenne invoque aussi de nouveaux partenariats en ce qui concerne l'Afrique, notamment avec le Japon ou même la Chine, et demande aux pays de l'UE des engagements pluriannuels en ce qui concerne l'APD.

L’évolution récente de l’APD a soulevé de nombreuses craintes parmi les organisations de solidarité internationale, y compris en France. Selon le collectif d'ONG françaises Coordination Sud, Nicolas Sarkozy n’a pas repris à son compte l’engagement de son prédécesseur de consacrer, d’ici 2012, 0,7% du Revenu national brut (RNB) de la France à l’APD, préférant s'en tenir à l’engagement européen, fixant cet objectif à 2015.

Dans une déclaration, les signataires ont déploré ce recul qui signifie, selon eux, un manque de 12 milliards d'euros d'ici 2012 pour la lutte contre la pauvreté, un des objectifs du Millénaire adopté par la communauté internationale. « Seul un engagement fort, avec l’adoption d’un calendrier contraignant fixant un objectif annuel d’APD de 2009 jusqu’en 2015, peut garantir qu’elle demeurera une priorité politique – et donc budgétaire », ont souligné les signataires, estimant que la France doit montrer l'exemple pour être crédible lorsqu’elle prendra la présidence de l’UE.

L’APD figure en bonne place sur l’agenda 2008. En septembre, le troisième forum de haut niveau d’Accra sera l’occasion, après l’adoption de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide en 2005, de tirer un premier bilan de sa mise en œuvre. Deux mois plus tard, la communauté internationale se retrouvera à Doha pour la Conférence de suivi sur le financement du développement, six ans après la Conférence de Monterrey sur le même thème. La France, qui assurera la Présidence de l’Union européenne au second semestre 2008, jouera donc un rôle-clé lors de ces deux événements.

La stratégie UE/UA pour l'Afrique


Les 53 pays africains et les 27 pays européens réunis en décembre 2007 à Lisbonne ont adopté un partenariat stratégique, un plan d’action pour 2008-2010 et une déclaration finale qui fournissent un cadre global de coopération – intégrant notamment la dimension paix et sécurité – entre l’Europe et l’Afrique. Ils ont ainsi ouvert la voie à un nouveau partenariat politique, dépassant la relation traditionnelle entre bailleurs de fonds et bénéficiaires de l'aide au développement.

Ce partenariat a formalisé la «Stratégie de l’Union européenne à l’égard de l’Afrique», y compris l’Afrique du Nord, adoptée en décembre 2005. Une stratégie qui se décline en six thèmes principaux : Paix et sécurité, Droits de l’homme et gouvernance, Aide au développement, Croissance économique et commerce, Développement humain, Partenariat avec l’Afrique. Elle permet de mieux coordonner les interventions des Etats membres de l'UE et de la Commission européenne en Afrique. Elle repose sur un dialogue politique avec les partenaires africains, notamment l’Union africaine et illustre la priorité accordée à l’Afrique par l’Union européenne, après les engagements pris d’augmenter collectivement l’aide publique au développement, à hauteur de 0,7 % du revenu national brut, d’ici 2015. La moitié de cette augmentation doit être réservée à l’Afrique.

La stratégie insiste sur la défense des droits de l’homme et sur le renforcement de la démocratie et soutient le mécanisme africain de revue par les pairs dans le cadre du Nouveau partenariat pour le développement économique de l'Afrique (Nepad), la lutte contre la corruption et en faveur de la transparence. Elle soutient aussi le renforcement des capacités africaines de gestion des crises et la Force africaine en attente. Dans la perspective des objectifs du Millénaire, l’Union européenne a pris des engagements dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la sécurité alimentaire notamment.

Le sommet du Caire (avril 2000) a été la première conférence organisée entre pays européens et africains au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.

M. J.