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Israël-Liban

Accord d’échange entre Olmert et le Hezbollah

par Monique Mas

Article publié le 30/06/2008 Dernière mise à jour le 30/06/2008 à 19:09 TU

Karim Kantar accroche le portrait de son frère Samir Kantar, libanais prisonnier en Israël, dans sa maison au Liban, le 29 juin 2008. (Photo : Reuters)

Karim Kantar accroche le portrait de son frère Samir Kantar, libanais prisonnier en Israël, dans sa maison au Liban, le 29 juin 2008.
(Photo : Reuters)

Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a fait approuver dimanche par son cabinet un accord d’échange négocié par l’intermédiaire de l’Allemagne qui prévoit la libération de cinq prisonniers libanais et d’un nombre encore indéterminé de détenus palestiniens ainsi que la restitution des restes de combattants infiltrés en Israël. En échange, le Hezbollah libanais doit rendre à Israël les corps des soldats Ehud Goldwasser et Eldad Regev, dont l’Etat hébreu avait invoqué la capture en 2006 pour justifier sa guerre au Liban. Israël obtient en outre un rapport d’enquête sur l'aviateur Ron Arad, dont la disparition au Liban après des tractations ratées à la fin des années quatre-vingt provoque toujours des remords politiques. De son côté, le Hezbollah fait valoir cet échange comme une marque de succès de sa stratégie de «résistance» armée.

Le calendrier des échanges n’est pas encore connu dans le détail. Mais il devrait se dérouler sur une quinzaine de jours sous la férule du négociateur israélien, Ofer Dekel. Israël annonce l’élargissement du «prisonnier Samir Kantar et de quatre combattants illégaux libanais», le premier engagé dans la cause palestinienne, les autres issus du Hezbollah. Ils seront libérés au Liban où seront également ramenés «les corps de plusieurs dizaines de terroristes et d’autres personnes infiltrées en Israël, dont huit membres du Hezbollah». «Après l'application de cet accord, Israël élargira des prisonniers palestiniens. La date et le nombre de ces libérations sont laissés à la discrétion d'Israël», poursuit le communiqué. Elles ne devraient pas être très nombreuses et pourraient concerner des criminels de droit commun.

Outre les dépouilles des soldats Ehud Goldwasser et d’Eldad Regev, Israël réclame toujours des informations «crédibles et solides permettant d'éclairer le sort de l'aviateur Ron Arad», donné pour mort vingt ans plus tôt, et assure que le «gouvernement ne ménagera pas ses efforts pour essayer de localiser ses soldats portés disparus et ceux dont la sépulture est inconnue». Pour sa part, Israël promet que «des informations sur quatre diplomates iraniens - disparus au Liban en 1982 - seront transmises au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon». Enfin, pour faire bonne mesure, parallèlement à ces efforts en faveur de défunts tombés au Liban, le cabinet Olmert souligne qu’il poursuit sans relâche son action pour la libération du sergent Gilad Shalit, le jeune soldat enlevé le 25 juin 2006 à la lisière de la bande de Gaza et détenu par le Hamas palestinien.

«Ramener nos fils morts ou vifs»

Si Ofer Dekel négocie la libération de Gilad Shalit au Caire, avec la médiation de l’Egypte, c’est avec un missi dominici allemand que s’est négocié l’accord d’échange avec le Hezbollah, sans contacts directs, donc. Mais nécessité fait loi et les mouvements islamistes sont sur ces dossiers là des interlocuteurs obligés, les deux parties négligeant rarement de mettre de côté les corps restés sur leurs champs d’affrontement, en vue justement d’échanges ultérieurs. Car il ne s’agit pas d’une première du genre et aux yeux des Israéliens, ce genre d’arrangement ne fait pas du Hamas palestinien ou du Hezbollah libanais les partenaires politiques incontournables qu’ils voudraient être à la table des négociations où ils ont tenté de s’imposer par la force.

Pressé par des familles en mal de funérailles, le Premier ministre Ehud Olmert a assuré urbi et orbi qu’il avait «beaucoup hésité» à négocier un tel «échange inégal», son allié travailliste , Ehud Barak, revendiquant ses qualités de «soldat, d’officier qui a commandé des combattants et de ministre de la Défense» pour assumer la «responsabilité suprême de ramener nos fils morts ou vifs». Le Hezbollah aurait pour sa part revu ses exigences à la baisse. C’est un millier de libérations qu’il réclamait au départ jusqu’à ce que les chances de revoir vivants Goldwasser et Regev s’effaçent au fil du temps et des déclarations contradictoires.

Si la guerre de 34 jours (12 juillet - 14 août) avait pour objectif affiché de ramener Goldwasser et Regev à la maison, les traces de l’incursion du Hezbollah dans laquelle ils ont disparu le 12 juillet 2006 ne laissaient pourtant guère d’espoir : huit dépouilles israéliennes, des épaves de véhicules blindés, un gilet pare-balles déchiqueté, du sang en abondance …Plusieurs sources les donnaient déjà comme au moins «très grièvement blessés». Mais en avril 2007, un responsable du Hezbollah affirmaient que les deux soldats étaient «humainement traités», le chef du parti de Dieu, Hassan Nasrallah, évoquant plus tard des négociations en vue d’un échange. Finalement, il aura fallu attendre la conclusion de l’accord pour que le Premier ministre israélien Ehud Olmert décide de les déclarer officiellement morts au champ d’honneur.

Samir Kantar et Ron Arad

L’opinion publique israélienne se faisait de plus en plus pressante pour «ramener à la maison» les soldats ou leurs restes. Mais Ehud Olmert a sans doute moins que jamais de bonnes raisons de contrarier ses administrés depuis les accusations de corruption qui ont ébranlé son fauteuil. Les chefs du service de sécurité intérieure, le Shin Beth, et des services secrets, le Mossad, ont bien objecté que l’échange serait par trop inégal et qu’il encouragerait la prise d’otages morts ou vifs. En Israël, le militant libanais du Front de libération de la Palestine (FLP), Samir Kantar, par exemple - l’un des éléments très importants de cet échange - est considéré comme un assassin de la pire espèce. Mais cela n’a pas empêché l’accord de se faire.

Samir Kantar a été condamné en 1980 à 542 ans de prison pour avoir tué un civil israélien et sa fille ainsi qu'un policier israélien en 1979 dans le nord d'Israël. Un héros pour le Hezbollah qui le réclame de longue date, à tel point qu’Israël voyait dans ce détenu libanais de la cause palestinienne une monnaie d’échange pour tirer au clair l’affaire Ron Arad qui a défrayé la chronique israélienne des «disparus en mission» ces dernières décennies. Sur ce point, le Hezbollah a livré des éléments d’enquête et d’interrogatoires qui pourraient conclure à la mort de l’aviateur.

Ron Arad hante la scène politique israélienne depuis qu’à la fin des années quatre –vingt, le gouvernement Rabin a renoncé à un échange dans lequel il aurait pu figurer mais que la droite israélienne avait jugé exorbitant. Aujourd’hui, Israël se suffirait de ses ossements en échange de quelques prisonniers libanais ou palestiniens. Cela lui permettrait de tourner la page à un prix raisonnable de l’avis du gouvernement Olmert. Pour le reste, les Israéliens sont «sans illusion, il y aura autant de tristesse en Israël que d'humiliation, vu les fêtes qui vont se dérouler de l'autre côté», a commenté le Premier ministre israélien en prononçant l’avis de décès des soldats Regev et Goldwasser.

D’après Ehud Olmert, le Hezbollah avait d’ailleurs enlevé les deux soldats pour «forcer Israël à libérer Samir Kantar». C’est d’ailleurs ce qu’affirme le Hezbollah qui revendique une nouvelle victoire après le fiasco israélien au Liban en 2006. Mais cette fois, la classe politique israélienne se veut consensuelle face à son opinion. Selon le secrétaire général du gouvernement, il va falloir identifier génétiquement les restes et la mise en œuvre de l’échange «pourrait prendre deux semaines et même moins, dit-il, si nous obtenons des informations réclamées sur le sort du pilote Ron Arad» et de quoi rendre la paix à son fantôme.

Les 4 étapes de l'accord d'échange

« Les deux parties doivent déjà signer l'accord qui n'entrera en vigueur que lorsque l'Etat hébreu aura reçu des informations fiables sur Ron Arad. » 

30/06/2008 par Catherine Monnet