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UE / Immigration

A Cannes, l'Europe s'organise pour endiguer l'immigration illégale

par Béatrice Leveillé

Article publié le 07/07/2008 Dernière mise à jour le 07/07/2008 à 23:08 TU

Politique d’immigration choisie et développement de l’immigration de travail étaient, lundi, au menu d'une réunion des ministres européens de l’Intérieur des 27 pays membres de l’Union européenne à Cannes, dans le sud de la France.
De d à g : Brice Hortefeux, ministre français de l'Immigration, Jacques Barrot, commissaire européen, Alfredo Perez Rubalcaba, ministre espagnol de l'Intérieur, le 7 juillet à Cannes.  (Photo : AFP)

De d à g : Brice Hortefeux, ministre français de l'Immigration, Jacques Barrot, commissaire européen, Alfredo Perez Rubalcaba, ministre espagnol de l'Intérieur, le 7 juillet à Cannes.
(Photo : AFP)

Le projet français de pacte sur l’immigration et l’asile de Brice Hortefeux, ministre de l’Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale a été bien accueilli par ses homologues européens. Nicolas Sarkozy était encore ministre de l’Intérieur quand il a évoqué, pour la première fois en 2006, la nécessité d’adopter un pacte européen sur l’immigration. Le pacte est aujourd’hui sur les rails, il permettra d’harmoniser les politiques en matière d’immigration des Vingt-Sept. Fruit d’un compromis négocié avec chacun des pays membres, ce pacte a déjà été remanié à plusieurs reprises, la tâche n’est pas facile.

L’Europe accueille chaque année plus de 1,5 million d'immigrants. Elle est encore plus attractive que l’Amérique du Nord. Un phénomène qui échappe jusqu’à présent à toute tentative de contrôle. L’Union européenne espère l’endiguer en harmonisant les politiques d’immigration. Il y a aujourd’hui autant de politiques que de pays et elles divergent en fonction de l’histoire de ces pays : pays d’accueil récents comme l’Irlande, le Portugal et l’Espagne qui ont longtemps été des pays d’émigration. Pays de départ comme la Pologne ou la Roumanie, pays de destination comme la Grande-Bretagne, la France ou l’Allemagne. Il faut aussi concilier les craintes de l’Europe de Schengen et les ambitions des nouveaux pays européens.

L'Espagne, qui est devenue un des principaux pays d’accueil en Europe, a eu du mal à convaincre ses partenaires de s’inspirer de son expérience. « Nous commençons le débat aujourd'hui. Il reste quelques semaines jusqu'à la fin du mois de juillet et nous espérons que le pacte sera approuvé à l’automne », a déclaré le ministre espagnol de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba.

Privilégier l’immigration de travail

La France espère que le pacte sera adopté lors du sommet européen du 15 octobre. Le pacte entend lutter contre l’immigration illégale et privilégier l’immigration de travail. Le projet reste imprégné de la conception d’immigration « choisie », chère au président français Nicolas Sarkozy. Il durcirait les procédures d’entrée et mettrait en place des règles communes entre les 27 pays membres de l'UE en matière d'asile.

Ses détracteurs dénoncent la construction d’une « forteresse européenne ». « Je ne vois pas des murs autour de l'Europe. Il y a 6 millions d'illégaux en Europe. Il faut lutter contre l’immigration et encadrer l’immigration  légale », répond le ministre allemand Wolfgang Schäuble. « L’immigration n'est pas menaçante, mais il faut l'organiser », souligne de son coté le commissaire européen en charge de la Justice, des Libertés et de la Sécurité, le Français Jacques Barrot qui pense que l'Europe doit rester ouverte, mais qu’elle doit avoir des règles.

L’Europe a besoin de critères et de procédures clairs et transparents. Les organisations de défense des droits de l’homme, comme les chefs d’entreprise, le réclament pour clarifier les règles du jeu.

Une immigration très profitable

L’Espagne, qui a régularisé plus d’un demi-million de sans-papiers en 2005, a été sévèrement critiquée par les autres pays européens. Force est de constater que la croissance espagnole, une des plus dynamiques d’Europe, doit beaucoup à ces immigrés régularisés qui ont contribué à la résorption du déficit budgétaire espagnol tout en acceptant des rémunérations inférieures de 30% à celles des Espagnols dans des emplois qui n’étaient pas comblés sur le marché du travail, en particulier dans les  secteurs agricoles ou du bâtiment. Il existe peu d’études en Europe sur l’incidence positive des immigrés sur la croissance économique. Une étude récente dirigée par le père du programme économique du Parti socialiste espagnol démystifie les préjugés avancés par les opposants à la régularisation des clandestins, notamment sur les menaces qu’ils représentent. Confirmant ces résultats, une grande banque espagnole, La Caixa, met en évidence que la moitié de la hausse de la consommation des ménages provient de la population étrangère tout en concluant que « le niveau de vie aurait chuté de 0,6% en Espagne au lieu de croître de 2,6% si les immigrants n’avaient pas apporté de sang neuf entre 1995 et 2005 ».

Empêtrée dans des querelles de chiffres et ses politiques disparates, l’Union européenne commence seulement à s’intéresser au gain économique que procure l’immigration.

Le gouvernement allemand doit adopter cet été de nouvelles mesures pour essayer de pallier un manque cruel de main-d’œuvre dans certains secteurs en attirant des travailleurs qualifiés étrangers. Cent mille postes d'ingénieurs sont vacants en Allemagne. Les mesures mises en place jusqu'à présent par Berlin pour attirer les étrangers sont jugées encore trop restrictives par les milieux économiques. 

Le coût d’un politique restrictive de l’immigration

Il y a ces drames de l’immigration clandestine qui éclairent tragiquement le désespoir de populations qui prennent des risques insensés pour rallier les côtes européennes par la mer. D’après l’ONG italienne « Forteresse Europe », ces traversées ont fait 12 000 morts depuis 1988 et près de 5 000 disparus. La politique d’expulsion des sans-papiers a également un coût moral et financier. La  législation européenne garantit le droit des demandeurs d’asile mais pas celui des immigrants. Dans la plupart des pays, la détention semble être la règle. Les centres de rétention coûtent cher et la plupart de ceux qui y séjournent sont renvoyés à la clandestinité. Les déboutés du droit d’asile, quand ils ne sont pas expulsés, se retrouvent à nouveau en situation irrégulière et redeviennent des proies faciles pour le travail clandestin ou toute autre forme d’exploitation. La vulnérabilité de ces personnes n’est presque jamais prise en compte. Victimes de violence, vieillards, mineurs, parents isolés peuvent être détenus ou expulsés.

Le Parlement européen a adopté récemment son premier texte en co-décision dans le domaine de l’immigration, la « directive retour » relative aux normes et procédures communes aux Vingt-Sept pour rapatrier les ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier. Un vote malheureux pour les socialistes européens, qui ont dénoncé la durée de rétention portée à 18 mois et la possibilité d’expulsion de mineurs non accompagnés.

 L’Unicef a d’ailleurs lancé un appel, le 3 juillet 2008, pour « qu’alors que la France accède à la présidence européenne, que ces enfants bénéficient d’un statut juridique leur conférant une protection adaptée ».

Brice Hortefeux

Ministre français de l'Immigration

« Avec le Pacte, l'Europe organisera son immigration légale et désorganisera l'immigration illégale. »

08/07/2008 par Schmidt Heike

Jacques Barrot

Commissaire européen à la Justice

« Ce qui importe, c'est de garder un bon équilibre entre une Europe ouverte et qui doit demeurer ouverte... mais aussi une Europe qui réagit contre une immigration irrégulière. »

08/07/2008 par Quentin Dickinson