par Marina Mielczarek
Article publié le 10/07/2008 Dernière mise à jour le 10/07/2008 à 19:50 TU
« Déplacé », voilà l’expression. Pour la chancelière allemande, un candidat à une présidentielle d’un pays étranger n’a pas à faire campagne en Allemagne. Y compris s’il est américain, y compris s’il appartient au camp démocrate, y compris même, s’il reste envers et contre tout le chouchou des citoyens allemands. (Dimanche dernier, un sondage du journal Bild, donnait Barack Obama crédité de 74% des voix des personnes interrogées contre seulement 11% pour le candidat conservateur John McCain).
Pour expliquer la position plutôt radicale d’Angela Merkel, un conseiller de la chancellerie explique que la porte de Brandebourg, symbole de la réunification d’une Allemagne divisée à l’époque communiste, appartient d’abord et avant tout à l’histoire de l’Allemagne ! A bon entendeur salut… Berlin redoute la jurisprudence. En ouvrant la porte à la campagne de Barack Obama, la chancelière sait très bien ce qu’elle risque à l’avenir : une avalanche de demandes, de la part de candidats américains comme d’autres nationalités d’ailleurs. De quoi transformer la place de Brandebourg en un énorme podium de propagande électorale.
Pas question donc pour la présidente allemande de se laisser déposséder du symbole. On notera pourtant que par le passé, Brandebourg a vu défiler de grandes figures made in US.
Oui mais voilà semble-t-on dire à Berlin : la grande différence avec 1963, Kennedy et son célèbre « Ich bin ein Berliner » ; ou bien encore 1987 avec Ronald Reagan invitant le dirigeant russe Gorbatchev à « abattre ce mur ! », la grande différence réside dans le fait que ces deux Américains n’étaient pas des présidents en campagne, mais déjà bel et bien élus dans leur propre pays.
Un paradoxe chez une atlantiste comme Angela Merkel ?
Lorsqu’elle était présidente de l’Union européenne en 2007, la chancelière Merkel avait milité pour rapprocher l’Europe des Etats-Unis. Dans ses discours au Parlement européen de Strasbourg, elle appelait à un « nouveau partenariat », plus serein et plus solide après le « grand froid » provoqué par l’intervention américaine en Irak et par les divergences de points de vue au sein des Etats membres.
Une ferveur et un enthousiasme que la chancelière a retrouvés il y a un mois lorsque, interrogée par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, Angela Merkel demandait à Washington un nouvel effort pour démanteler les barrières douanières entravant le commerce : « Face à la concurrence de la Chine, du Brésil et de l’Inde, les Etats-Unis doivent adopter des réformes économiques efficaces et des innovations ambitieuses pour faciliter les échanges commerciaux. Se réfugier dans le cul-de-sac du protectionnisme serait la mauvaise réponse». Citant ensuite un rapport de l’OCDE, l’Organisation pour la coopération et le développement en Europe, elle indiquait : « Les différences entre les barrières non-tarifaires sont préjudiciables, leur suppression pourrait augmenter la croissance de 3% de part et d’autre de l’Atlantique ».
A l’époque, dans son allocution, la chancelière se voulait consensuelle. Au Parlement en 2007 devant les eurodéputés, elle avait en même temps réclamé le renforcement des liens de l’UE et de la Russie.
Aujourd’hui encore, en juillet 2008, Berlin ne fera pas de jaloux ! Il est dans l’habitude des présidentiables américains de se rendre en Allemagne avant le jour J. A deux semaines de la visite de Barack Obama, Angela Merkel ménage la chèvre et le chou. Dans l’entourage de la chancelière, un conseiller fait savoir que le gouvernement fédéral pourrait aussi bien accueillir le candidat McCain (si toutefois il le souhaite), « et que cette visite s’effectuerait dans les mêmes conditions réservées à son adversaire».
Les desiderata d’Obama cristallisent les bisbilles internes
Prenant à contre-pied la chancelière, le ministre des Affaires étrangères Frank Walter Steinmeier, ancien bras droit du chancelier Schröder, salue, dans l’éventualité d’un discours de Barack Obama devant la porte de Brandebourg, « un signe fort des relations transatlantiques » y voyant un rappel du soutien « historique » des Américains vis-à-vis de Berlin.
Franck Walter Steinmeier a toujours rejeté la guerre américaine en Irak. Partisan d’une politique moins consensuelle que sa chef de gouvernement, le ministre allemand des Affaires étrangères n’hésite pas critiquer certaines options faites à Berlin. La plus récente date de l’automne dernier lors de la réception réservée au Dalai Lama par Angela Merkel. Le ministre en avait payé les pots cassés avec des négociations jugées par la suite plus « difficiles » avec Pékin.
Mais n’oublions pas qu’au-delà de la photo d’un candidat Obama en recherche d’images fortes capables de faire le tour du monde en un quart de seconde, Franck Walter Steinmeier incarne quant à lui, le candidat pressenti, l’adversaire probable de la chancelière Merkel aux prochaines élections de 2009.