Article publié le 14/07/2008 Dernière mise à jour le 14/07/2008 à 16:02 TU
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a déposé devant les juges une demande de mandat d’arrêt à l’encontre du président du Soudan, Omar el-Béchir, qu’il suspecte de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au Darfour depuis mars 2003.
De notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
Les juges pourraient prendre plusieurs semaines avant de délivrer, modifier ou refuser, un tel mandat d’arrêt, en s’appuyant notamment sur les pièces à conviction déposées lundi 14 juillet par le parquet. Saisi par le Conseil de sécurité des Nations unies – le Soudan n’ayant pas accepté la compétence de la CPI – le procureur estime qu’Omar el-Béchir est la tête pensante d’un génocide en cours, perpétré « sans chambres à gaz, sans balles, sans machettes » mais « par la famine, le viol et la peur », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse à La Haye.
Officier sans envergure, Omar el-Béchir s’était emparé du pouvoir lors d’un coup d’Etat fomenté par le Front national islamiste (FNI) d’Hassan el-Tourabi en juin 1989. Il avait rapidement imposé un régime de fer au pays, considéré alors comme une plaque tournante de l’islamisme international. Le chef d’al-Qaïda, Oussama Ben Laden, y était protégé pendant cinq ans. En 2003, le gouvernement entrait en conflit avec des mouvements rebelles du Darfour. Le procureur de la CPI estime que la « contre-insurrection, évoquée par le président soudanais pour justifier les attaques au Darfour, n’est qu’un ‘alibi’ du président soudanais », dont l’intention est d’exterminer, selon lui, les populations Four, Masalit et Zagawa.
Une reddition volontaire bien improbable
A ce jour, la possibilité de voir le président soudanais comparaître devant la Cour semble improbable, comme cela l’apparaissait pour ses homologues serbe et libérien, Slobodan Milosevic et Charles Taylor qui tout deux se sont pourtant retrouvés face à des juges internationaux. Le procureur ne dispose pas de forces de police et doit compter sur la coopération des Etats pour arrêter Omar el-Béchir, au premier chef celle du Soudan, a-t-il rappelé. L’idée d’une reddition volontaire est bien sûr improbable, Khartoum ayant déjà fait savoir ses sentiments sur « ce tribunal de l’étranger », mais montre les limites de cette Cour permanente.
Si les juges acceptent de délivrer un mandat d’arrêt, il sera transmis à Interpol, qui pourrait dès lors émettre une notice rouge, signifiant l’arrestation immédiate. Une procédure qui risque de compliquer sérieusement l’agenda du chef de l’Etat. Celui aussi, potentiellement, de ses homologues ou des diplomates. Plusieurs voix se sont élevées après l’annonce du mandat d’arrêt pour estimer que la décision du procureur risquait d’entraver des négociations de paix, pourtant sérieusement dans l’impasse. Le Conseil de sécurité a la possibilité de suspendre les poursuites pendant un an, et de reconduire cette suspension, dans le cadre du chapitre VII de la Charte, c’est à dire si les poursuites constituent une menace à la paix ou à la sécurité. Reste cependant que le statut de la Cour prévoit une multitude de garde-fous en faveur des Etats. Si l’immunité des chefs d’Etat, qui pour beaucoup forme le socle des relations internationales, n’est pas reconnue par la Cour, elle prévoit en revanche qu’un Etat ne peut contrevenir à ses obligations internationales. Or l’immunité des chefs d’Etat en exercice est consacrée par le droit international. Une fois ces obstacles levés, si un procès devait avoir lieu, le président du Soudan risquerait, s’il était reconnu coupable, une condamnation maximale de perpétuité.