par Michèle Gayral
Article publié le 15/07/2008 Dernière mise à jour le 15/07/2008 à 19:26 TU
Barack Obama, devant l'Association nationale pour l'avancement des personnes de couleur (NAACP) à Cincinnati le 14 juillet.
(Photo : Reuters)
Barack Obama persiste et signe : d'après lui, si les Noirs américains, certes désavantagés, veulent que leur sort s'améliore, il leur revient de travailler pour atteindre cet objectif sans se contenter de dénoncer les failles du système. « Oui, il nous faut insister sur les responsabilités de Washington, et sur les responsabilités de Wall Street. Mais il nous faut aussi être plus exigeants envers nous-mêmes », a-t-il dit à la tribune de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People). Il ne faisait que réitérer, mais de façon moins véhémente, son injonction, émise le jour de la Fête des pères, aux chefs de familles noires qui négligent l'éducation de leurs enfants. Barack Obama leur a à nouveau recommandé, ce lundi, une ligne de conduite claire : « Commençons par guider nos enfants quand ils en ont besoin, par éteindre la télévision et ranger les jeux video ; par assister aux réunions avec les professeurs, par aider les enfants à faire leurs devoirs et leur donner le bon exemple... »
La mise au point de Barack Obama fait suite aux propos d'un autre leader de la communauté noire, le pasteur Jesse Jackson, que celui-ci croyait tenir hors micro la semaine dernière à l'occasion d'une interview télévisée. Lui-même ancien candidat à l'élection présidentielle, Jesse Jackson, manifestement horripilé par ce qu'il ressent comme le ton « paternaliste » d'Obama, s'est lancé dans une invective qu'il a conclue par une menace d'ordre chirurgical aussi féroce que précise. « Je veux lui couper les c... », s'est écrié le pasteur, avant de devoir s'excuser pour sa grossièreté.
Incarner les aspirations post-raciales
L'incident a en tout cas confirmé que Barack Obama, même s'il est le candidat de neuf électeurs noirs sur dix, continue d'être mal perçu par une frange ultra-militante de cette communauté qui lui reproche de parler comme un Blanc. Alors que Jesse Jackson, lors de candidatures de témoignage en 1984 et 1988, briguait l'investiture démocrate au titre de représentant d'une communauté noire marquée par son passé d'esclavage et de ségrégation, Barack Obama se veut, lui, le candidat de tous les Américains, au-delà des clivages ethniques. Il prend garde, depuis ses premiers pas d'aspirant à la Maison Blanche, de ne pas se laisser enfermer dans des enjeux raciaux qu'il prétend justement avoir dépassés, mais qui l'empêcheraient de toutes façons de se faire entendre - et élire - par une majorité d'électeurs de toutes origines. En raison de la personnalité de sa mère, native blanche du Kansas, et de sa propre histoire, étrangère aux souffrances vécues par des générations d'Afro-américains, il veut incarner les aspirations post-raciales idéalement prêtées au peuple des Etats-Unis. Par exemple, ses recommandations aux parents ne s'adressent pas seulement aux Afro-américains, a précisé son équipe de campagne, mais à toutes les familles en difficulté du pays.
Ratisser large
Indépendamment même du récent recentrage de sa campagne, l'atypique Barack Obama continue donc d'irriter un certain nombre d'activistes des droits civiques, en particulier des ministres de ces cultes divers qui accueillent traditionnellement au sein de leurs églises la rage ancestrale des lointains descendants d'esclaves. Car si les pratiques de discrimination positive, à l'université et dans l'entreprise, sont parvenues en trois ou quatre décennies à faire émerger une véritable bourgeoisie noire, le tiers des membres de la communauté afro-américaine, qui représentent un peu plus de 12% de la population des Etats-Unis, continuent d'être frappés par la pauvreté et le chômage (jusqu'à 50% dans certains ghettos), ainsi que par la délinquance et une sévérité judiciaire particulièrement notable dans le sud, comme en témoigne leur surreprésentation dans les prisons américaines et dans les couloirs de la mort.
La très grande majorité des responsables noirs américains, conscients que leur champion ne peut remporter l'élection qu'à condition de « ratisser large », ont cependant pris le parti du candidat métis à l'élection présidentielle, dont le discours a été chaleureusement applaudi à Cincinnati. A cette même tribune, John McCain, rival républicain de Barack Obama, doit à son tour intervenir ce mercredi.