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Corée du Nord

Pyongyang signe un pacte de non-agression avec l'Asean

par Georges Abou

Article publié le 24/07/2008 Dernière mise à jour le 24/07/2008 à 17:38 TU

Le ministre nord-coréen des Affaires étrangères Pak Ui-Chun signant le « traité d'amitié et de coopération » lors de la conférence de l'Asean, le 24 juillet 2008.(Photo : Reuters)

Le ministre nord-coréen des Affaires étrangères Pak Ui-Chun signant le « traité d'amitié et de coopération » lors de la conférence de l'Asean, le 24 juillet 2008.
(Photo : Reuters)

Pyongyang vient de rejoindre le club des membres du pacte de non-agression de l’Asean. La nouvelle est accueillie avec satisfaction par les diplomates, et avec réserves par les spécialistes du dossier nord-coréen. Néanmoins, tous conviennent qu’il s’agit d’un signal encourageant qui témoigne d’une volonté du régime nord-coréen de corriger sa mauvaise réputation. Reste à traduire cette volonté dans les faits, notamment sur la question du règlement du dossier nucléaire sur laquelle Pyongyang est toujours attendue.

A l’issue de la conférence de l’Association des nations du sud-est asiatique (Asean), jeudi à Singapour, la Corée du Nord (qui n’est pas membre de l’organisation) est devenue le 15e Etat signataire du « traité d’amitié et de coopération » de l’organisation économique sous-régionale. Dans l’atmosphère de guerre froide qui entoure les relations entre la Corée du Nord et le reste de la communauté internationale, le sentiment dominant est qu’il s’agit d’une évolution significative. Mais « c’est un événement dont il faut apprécier la valeur en le relativisant et en le replaçant dans le contexte du règlement de la question nucléaire », précise la chercheuse Marianne Péron-Doise, spécialiste des questions géostratégiques régionales.

Si, en effet, de nombreuses questions restent pendantes sur cette affaire non résolue du démantèlement du programme nucléaire militaire de la Corée du Nord, depuis la fin 2007 une logique de négociation est indiscutablement en marche. Chaotique, certes, parsemée d’embûches et de déclarations contradictoires et parfois hostiles, mais qui se poursuit comme en témoigne le voyage effectué à Singapour par la secrétaire d’Etat américaine aux Affaires étrangères. Situation inédite, Condoleezza Rice s’est naturellement retrouvée autour de la table dressée par l’Asean en compagnie de ses partenaires des cinq autres pays intéressés au dossier (Corée du Nord, Corée du Sud, Japon, Chine, Russie), parmi lesquels son homologue nord-coréen Pak Ui-Chun.

« Coopération », pas « obligation »

Cet épisode indique que l’administration américaine n’éprouve donc plus les mêmes réticences offusquées à s’asseoir autour du tapis vert en présence du représentant de l’un des Etats qu’elle qualifie encore de « voyous ». Mais de façon moins tonitruante puisqu’elle envisagerait même à présent de l’en retirer, sous réserve de progrès dans la résolution du contentieux. Pyongyang est devenu une capitale, sinon fréquentable, du moins compatible avec les usages diplomatiques. Ce dialogue direct, quasi naturel aujourd’hui, était resté pendant les premières années de la crise un abcès de fixation indépassable, tant pour l’administration américaine que pour la nord-coréenne pour qui la reconnaissance de sa légitimité par Washington constituait un préalable.

Cette logique de négociation n’a pas encore donné sa pleine mesure en termes de déclaration transparente, et de vérification et démantèlement complets des installations atomiques de Pyongyang. Car il s’agit en réalité d’un dialogue doté d’une dynamique du « donnant-donnant », qui s’inscrit dans la durée. Pyongyang travaille dans un esprit de « coopération » et non pas « d’obligation », indique le chef de la diplomatie nord-coréenne. La signature par Pyongyang du traité de non-agression de l’Asean est donc certainement une manifestation de bonne volonté, destinée à donner des gages de bon voisinage, et à se montrer sous un profil plus positif en cassant l’image d’un pays menaçant. Mais, estiment les spécialistes, elle doit également être comprise comme une réplique de ce dialogue qui attend maintenant une réponse… de Washington, la capitale qui compte dans ce dossier.

Jouer dans la cour des grands

Dans ce contexte, la question fondamentale de la « non-agression », comme celle de « l’amitié et de la coopération », ne doit donc pas être prise au pied de la lettre. Car sur le fond, rien n’est réglé : toute la lumière n’a pas été faite sur le programme atomique du régime de Kim Jong-Il, son caractère hautement proliférant et les garanties qu’il compte apporter à la communauté internationale. Et cette signature n’aura probablement aucun impact sur les relations de la Corée du Nord avec ses voisins. Les dispositions à l’égard de Pyongyang, du Japon et de la Corée du Sud, non-membres de l’Asean mais signataires également du pacte, n’en seront pas meilleures. Tokyo est toujours menacée par les missiles nord-coréens et Séoul rappelle volontiers le mépris que témoigne à son égard le voisin du Nord. De source diplomatique, le quotidien conservateur sud-coréen Chosen Ilbo estime d’ailleurs, dans son édition de jeudi, que l’objectif poursuivi par Pyongyang est d’obtenir le statut de puissance nucléaire et de pouvoir ainsi jouer dans la cour des grands et inspecter les installations nucléaires sud-coréennes.

Entre Pyongyang et ses voisins, pacte de non-agression ou pas, les contentieux sont anciens et profonds. Et les déclarations inamicales ne tariront pas sous le simple effet de la signature d’un document, aussi significatif soit-il. Mais « il apporte une forme de garantie témoignant d’une absence de volonté d’agression », déclare Marianne Péron-Doise en conclusion. Il faudra s’en satisfaire jusqu’à la prochaine étape.

A écouter

Marianne Péron-Doise

Spécialiste des questions de sécurité en Asie

« La Corée du Nord donne ce qui est à sa portée mais en retour elle a beaucoup à gagner. »

24/07/2008 par Georges Abou