par RFI
Article publié le 31/07/2008 Dernière mise à jour le 31/07/2008 à 18:42 TU
Le ministre israélien des Transports Shaul Mofaz et la ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni.
(Montage : RFI)
Empêtré depuis des mois dans des affaires judiciaires, le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a annoncé mercredi qu'il ne serait pas candidat aux élections primaires chargées de désigner un nouveau chef du parti Kadima le 17 septembre prochain. Ce faisant, il marque son départ de la scène politique israélienne. Un départ souhaité aussi bien dans son propre parti, où quatre concurrents briguent sa succession, que dans l'opposition où le patron du Likoud en particulier, Benjamin Netanyahou, réclame des législatives anticipées qui lui permettraient d'enlever le pouvoir.
Les traits tirés, pâle, le ton grave et solennel, c'est en fait la fin de sa carrière politique qu'Ehud Olmert a annoncé mercredi soir. Le Premier ministre a expliqué qu'il rendrait sa démission au lendemain du 17 septembre, date fixée pour les primaires dans son parti Kadima. « J'ai sans doute commis des erreurs et je le regrette, mais je prouverai ensuite mon innocence », a affirmé Ehud Olmert. La tâche sera compliquée et ardue. Il est impliqué dans une véritable avalanche d'affaires de corruption et de malversations. Au point qu'il s'est rarement passé une semaine sans qu'il ne fasse la une des journaux. En attendant l'élection de son successeur, il reste au pouvoir, avec une marge de manoeuvre très réduite. Ses adversaires les plus acharnés appartiennent à son propre camp, le parti Kadima. Avant de céder la place, Ehud Olmert a tout de même tenu à défendre son bilan, assurant qu'il s'est « battu pour renforcer la sécurité d’Israël », en mentionnant au passage le soutien très fort de George Bush, le président américain, en sa faveur. « Je me suis battu sur le plan économique également pour le bien du pays, plaide Olmert, j'ai relancé des négociations de paix avec la Syrie ». Olmert, le « Houdini » israélien
Surnommé parfois le « Houdini de la politique israélienne » pour sa capacité à rebondir en permanence, Ehud Olmert a donc fini par jeter l’éponge après un parcours où ses talents politiques conjugués à une suite de hasards l'ont conduit au sommet du pouvoir le 11 avril 2006. Ehud Olmert est né il y a presque 63 ans dans ce qui était encore la Palestine placée sous mandat britannique. Après le service militaire, il entame une brève carrière d'avocat mais c'est la politique qui l'attire et à laquelle il doit son ascension. En 1973, il est élu député. A 28 ans, il est alors le benjamin de la Knesset. Ehud Olmert appartient à la droite nationaliste, celle du Likoud, opposé aux concessions territoriales. En 1993, cette figure montante de la droite emporte la mairie de Jérusalem. Au sein de son camp, il se rapproche d'Ariel Sharon, dont il fut ministre de l'Industrie et du Commerce notamment.. A ses côtés, on prête à Ehud Olmert un rôle-clé dans l'élaboration du démantèlement des colonies de Gaza en 2005, puis dans la création de Kadima, nouveau parti centriste qui attire des responsables politiques de droite comme de gauche.
En janvier 2006, Ariel Sharon est terrassé par une attaque cérébrale. Ehud Olmert est propulsé sur le devant de la scène. Il devient Premier ministre en mars 2006. L'été suivant, c'est la guerre entre Israël et le Hezbollah libanais. Ehud Olmert est conspué pour sa gestion du conflit et pourtant il se maintient au pouvoir. Ce seront finalement des affaires anciennes qui le rattraperont. Affaires de pots-de-vin du temps où il était ministre et maire de Jérusalem. Ehud Olmert ne sera donc pas candidat à sa propre succession aux primaires programmées par son parti Kadima le 17 septembre prochain. Il s'agira alors de donner un nouveau chef à Kadima qui entend ainsi conserver le fauteuil de Premier ministre. Reste que dans le système parlementaire israélien, il faut pour cela disposer de la majorité parlementaire. C'est l'enjeu à relever pour le parti d'Ehud Olmert.
Kadima en quête de majorité
Le système politique israélien prévoit que le président nomme Premier ministre le chef du parti recueillant la majorité parlementaire. Or à lui seul, le parti Kadima ne dispose pas de cette majorité. Et rien ne garantit au successeur d'Olmert qu'il va pouvoir maintenir à flot la coalition actuelle avec le Parti travailliste d'Ehud Barak, le parti religieux Shass et celui des retraités. Rien ne l'assure non plus qu'il va être en mesure de former un gouvernement d'union nationale sur d'autres bases. S'il y parvient, la prestation de serment devant le Parlement est prévue pour octobre. Mais à l'issue du scrutin interne du 17 septembre, le parti Kadima disposera d’une période de 28 à 42 jours éventuellement renouvelable pour former la fameuse coalition majoritaire. A défaut, les Israéliens devront retourner aux urnes pour des législatives anticipées. C'est du reste déjà ce qu'exige le chef de l'opposition de droite, Benjamin Netanyahou, le patron du Likoud que les sondages créditent justement d'une victoire en cas d'élections anticipées. Or selon la plupart des observateurs, le parti Kadima risque d'avoir des difficultés à consolider un gouvernement d'union jusqu'à l'échéance législative de 2010.
Membre du Likoud et proche de Netanyahou
«Le problème ce n’est pas Olmert, c’est Kadima qui a échoué […]. Plutôt que de repartir encore pour un gouvernement boîteux, c’est le moment de donner la parole au peuple pour qu’il décide de savoir qui il veut réellement comme prochain Premier ministre en Israël ».
Si son allié travailliste Ehud Barak demandait sa démission, Ehud Olmert serait aussi poussé vers la sortie par certains membres de Kadima aujourd'hui candidats à sa succession pour le poste de chef du parti. Tzipi Livni, l’actuelle ministre des Affaires étrangères, et Shaul Mofaz, le vice-Premier ministre et ministre des Transports, en tête. Pour sa part, la cinquantaine stricte, Tzipi Livni est perçue comme la « Madame propre » d'une classe politique gangrenée par les affaires. C'est la femme la plus puissante en Israël depuis Golda Meir. Issue d'une famille ultra nationaliste, Tzipi Livni a modéré ses convictions et défend aujourd'hui une solution pragmatique : celle de deux Etats, même si elle reste faucon face à l'Iran. Protégée d'Ariel Sharon, elle a défendu à ses côtés le retrait israélien de Gaza. Aujourd'hui, c'est elle qui mène les négociations avec les Palestiniens en tant que chef de la diplomatie. Comme Golda Meir, Tzipi Livni espère faire du ministère des Affaires étrangères un tremplin pour être Premier ministre. L'ancienne ministre de la Justice est mariée et mère de deux enfants. Elle a récemment reconnu avoir passé quatre ans au sein du Mossad, les services de renseignement israéliens, ce qui lui donne la légitimité militaire dont elle semblait manquer jusqu'à présent. Plutôt populaire, elle manque peut-être d'expérience politique mais bénéficie d'une réputation irréprochable.
Shaul Mofaz, de son côté, bénéficie d'un fort soutien au sein de Kadima. L'actuel ministre des Transports, plus va-t-en-guerre, est partisan de la manière forte aussi bien sur le dossier iranien que palestinien. Ex-chef d'état-major des armées, ministre de l'Intérieur, il connaît parfaitement les rouages de la politique et du pouvoir. Franc tireur, il dénonçait les accords d'Oslo au début des années 90 affirmant qu'Israël avait commis en les signant la pire des erreurs. Très populaire au sein de l'armée il est partisan d'utiliser la manière forte. Quoi qu'il en soit du résultat du 17 septembre, le retrait d'Ehud Olmert a d'ores et déjà des conséquences en Israël mais aussi sur le processus de paix avec la Syrie et avec l’Autorité palestinienne dont le président, Mahmoud Abbas, assure bien évidemment qu'il travaillera « avec tout Premier ministre élu en Israël et nous continuons avec Ehud Olmert jusqu'à l'arrivée de son successeur ».
Déléguée générale de Palestine en France
«Nous on est prêt à travailler avec n'importe qui choisi par le peuple israélien.»
«Les deux partis au pouvoir (Kadima et le Parti travailliste) vont tout faire pour éviter des élections anticipées : ce que tout le monde prévoit, c'est que le ou la successeur d'Ehud Olmert reconstitue le même gouvernement avec les travaillistes.»
31/07/2008 par RFI