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Chine

Les multiples facettes de la censure sur le web

par Philippe Couve

Article publié le 01/08/2008 Dernière mise à jour le 03/08/2008 à 03:52 TU

Les connexions ont été, en partie, restaurées après les protestations internationales concernant la fermeture du «robinet» internet. Le réseau devrait fonctionner à peu près normalement pour les JO. Pour l'internaute chinois, l'heure est toujours à la débrouillardise.
A quelques jours des JO, la Chine lève partiellement la censure sur internet.(Source: www.chine-informations.com)

A quelques jours des JO, la Chine lève partiellement la censure sur internet.
(Source: www.chine-informations.com)

Contourner la censure est un exercice familier pour nombre d’internautes chinois. La première manière de la faire est de s’exprimer à mots couverts.

Depuis quelques semaines, pour dire que l’on critique le gouvernement et/ou les autorités locales, on écrit que l’on « fait des pompes ». Rien à voir avec l’activité sportive en cette période de Jeux olympiques. C’est une allusion à une affaire récente qui a provoqué des émeutes rassemblant 30 000 personnes dans la province de Guizhou au sud du pays.

La colère s’est propagée dans la population après la mort d’une jeune fille de 15 ans. En fait, la jeune fille a été violée, puis jetée d’un pont par ses agresseurs avant de se noyer. La police a arrêté trois suspects qui ont été rapidement relâchés. L’un d’entre eux a expliqué qu’il faisait des pompes sur le pont quand il a entendu la jeune fille crier puis le bruit de quelque chose tombant dans l’eau. Depuis lors, l’expression « faire de pompes » renvoie à la colère provoquée par cette affaire dans laquelle les autorités sont soupçonnées de vouloir cacher la vérité.

Contourner la « Grande muraille numérique »

Les internautes chinois disposent également de moyens techniques pour détourner une web-censure que l’on présente comme la plus efficace au monde. On parle de la « Grande muraille numérique » ou du « Bouclier d’or » pour reprendre l’appellation officielle du programme destiné à détecter et empêcher toute publication d’informations « hostiles » au gouvernement chinois.

Selon certaines estimations, de 30 000 à 40 000 fonctionnaires seraient employés à la surveillance du réseau internet chinois avec l’appui des moyens technologiques fournis par des sociétés occidentales et notamment la firme américaine Cisco.

« Depuis les années 1990, il existe une voie chinoise de développement de l’internet », explique le journaliste Pierre Haski qui vient de publier Internet et la Chine aux éditions du Seuil. Invité de l’Atelier des médias, Pierre Haski rappelle que les autorités chinoises ont décidé très tôt de s’engager à fond sur le web et d’y développer des champions nationaux tout en faisant le pari de conserver le contrôle du réseau. Pour cela, il n’existe qu’une poignée de points de connexion entre l’internet chinois et le reste de la Toile mondiale. Tous ces points d’accès sont gérés par des organismes d’Etat. Conséquence : tout le trafic internet généré avec le reste du monde par les 253 millions d’internautes chinois passe par ces quatre ou cinq points d’accès.

Une surveillance permanente du réseau

La censure passe par une surveillance permanente du réseau et le bannissement de certaines adresses (URL dans le jargon technique). Le site web de la BBC en chinois est inaccessible pour les internautes chinois qui se heurtent à une « erreur 404, cette page n’existe pas ». Les autorités établissent aussi des listes de mots-clefs actualisées régulièrement pour surveiller tous les échanges sur le réseau. Il y a quelques années, un internaute était tombé fortuitement sur l’une de ces listes en téléchargeant un logiciel. La liste contenait un millier de mots ou expressions interdites dont 15% étaient liés au sexe et le reste à des questions politiques avec des mots comme « démocratie », « dictature », ou des expressions liées à la secte Falungong.

Comme si cela ne suffisait pas, une autre forme de censure existe : le contrôle social. Chaque gérant de cybercafé est tenu de conserver, sur ses ordinateurs, la liste des sites visités par ses clients, sous peine d’amende voire d’emprisonnement. De la même manière, les gestionnaires de sites web qui reçoivent des commentaires des internautes sont tenus pour responsables de tout ce qui est publié sur leurs pages. Une manière de s’assurer qu’ils seront très vigilants. Une forme de sous-traitance de la censure de l’Etat vers le secteur privé. 

Reste que sur le plan technique, contourner la censure est assez simple. L’idée, c'est d'utiliser l'adresse d'un ordinateur qui se trouve dans un autre pays. C'est cet ordinateur qui va aller visiter les sites interdits et renvoyer ensuite les informations comme si elles venaient de lui et non du site censuré en n’oubliant pas de crypter ces données.

Toutes les techniques sont détaillées dans le guide du blogueur et du cyberdissident édité par Reporters sans frontières.

Mais dans tous les cas de figure, l’utilisation des dispositifs techniques de contournement de la censure est condamné par la loi en Chine et les utilisateurs sont passibles de peines de prison.