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Géorgie

Des relents de Guerre froide

par  RFI

Article publié le 09/08/2008 Dernière mise à jour le 10/08/2008 à 02:01 TU

Tout a commencé par une offensive géorgienne en Ossétie du Sud pour récupérer ce territoire séparatiste. Des militaires russes ont alors riposté, ils soutiennent les séparatistes. Puis un deuxième front a été ouvert côté Abkhazie, autre territoire géorgien séparatiste. Les Américains ont réaffirmé leur soutien à la Géorgie ; et les Russes, aux séparatistes. Plusieurs médiations internationales sont en cours. Pour en parler sur RFI, Laure Delcour, chercheuse à l’IRIS, l’Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste de l’ex-URSS et de la Russie.
(Carte : RFI)

(Carte : RFI)

RFI : Tout a commencé avec une offensive géorgienne en territoire ossète dans la nuit de jeudi à vendredi. La Géorgie a tenté de reprendre le contrôle de cette province. Pourquoi cette intervention et pourquoi maintenant ?

Laure Delcour.(Photo: IRIS)

Laure Delcour.
(Photo: IRIS)

Laure Delcour : Effectivement, on peut se demander pourquoi (cette intervention maintenant) alors que des négociations devaient se tenir prochainement avec les deux Républiques sécessionnistes, pourquoi donc la Géorgie a choisi de bombarder la capitale de l’Ossétie du Sud et surtout pourquoi elle a pris le risque de déclencher des réactions en chaîne dans le Caucase et une intervention de la Russie.

J’y vois en fait deux raisons. D’abord, une raison de fond : depuis son arrivée au pouvoir, le président géorgien, monsieur Saakachvili, a fait du retour de ces deux régions séparatistes dans le giron géorgien une de ses priorités. Et donc, il entend montrer qu’il ne cédera pas face à la montée des revendications séparatistes.

Il y a également une raison plus conjoncturelle : le président géorgien se sait appuyé par l’actuelle administration américaine, ce qui pourrait ne plus être le cas après les prochaines élections aux Etats-Unis, et notamment en cas de victoire de Barack Obama. Et donc monsieur Saakachvili essaie aussi d’internationaliser le conflit en profitant de cet appui américain.

RFI : Mikheïl Saakachvili a pris une décision risquée. Il savait que la Russie allait répliquer.

LD : Oui, c’est ce qui s’est passé. Il faut d’abord rappeler que la Russie intervient sur mandat international, mandat de la communauté des Etats indépendants…

RFI : Depuis quand ?

LD : C’est un mandat qu’elle a reçu dans les années 1990 au moment des cessez-le-feu. Un mandat qui s’applique aussi bien à l’Ossétie du Sud, qu’à l’Abkhazie, l’autre République sécessionniste en Géorgie. Et c’est donc un mandat de maintien de la paix.

En même temps bien sûr, la position de la Russie est ambivalente, c’est-à-dire que Moscou utilise aussi ce mandat pour défendre ses propres intérêts et son influence dans la région. Elle a toujours appuyé, et ce n’est pas un secret, les régions séparatistes en Géorgie. Et en poussant la Russie à intervenir, le président géorgien entend démontrer qu’elle est partie prenante, et non finalement garante de la paix dans la région.

Parce qu’effectivement, les enjeux pour la Russie sont tout aussi fondamentaux que pour la Géorgie. Il y a d’abord un risque très net de contagion du Caucase du Sud vers le Caucase du Nord, c’est-à-dire sur territoire russe. Et on sait à quel point la Russie est attachée à son intégrité territoriale, on l’a vu avec la Tchétchénie.

Et puis la deuxième chose, c’est que la Russie souhaite préserver son influence dans l’ex-URSS, et c’est bien entendu l’une des motivations de son intervention dans une Géorgie qui veut intégrer l’Otan.

Un conflit qui se complique, bilan du samedi 9 août 2008

« Le conflit déjà compliqué en Ossétie s'est étendu à l'Abkhazie, l'autre République séparatiste du pays ».

écouter 1 min 13 sec

10/08/2008 par Alexandre Billette

RFI : Une question d’influence politique ?

LD : A mon avis, c’est effectivement une question d’influence politique avant tout, même s’il y a d’autres enjeux, comme l’énergie par exemple, puisque le Caucase est une terre de transit pour les hydrocarbures d’Asie centrale vers l’Europe. Mais la question principale, c’est l’influence politique et l’intégrité territoriale des Etats de la région.

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine, a défendu l'incursion militaire russe en Ossétie du Sud.(Photo: Reuters)

Le Premier ministre russe Vladimir Poutine, a défendu l'incursion militaire russe en Ossétie du Sud.
(Photo: Reuters)

RFI : Que peut-il se passer selon vous, parce que les forces en présence sont complètement déséquilibrées.

LD : Les forces en présence sont effectivement déséquilibrées. On assiste à une escalade à la fois militaire et surtout rhétorique, avec une rhétorique extrêmement bénéfique des deux côtés. Moscou a parlé de rétorsion. Mikheïl Saakachvili a parlé d’une méthode soviétique. Il a décrété la mobilisation générale. En fait, très certainement, une intervention de la communauté internationale sera nécessaire pour calmer le jeu.

RFI : Pour l’instant, la communauté internationale a surtout fait des déclarations et le Conseil de sécurité de l’ONU en s’est pas mis d’accord sur une déclaration commune.

LD : Effectivement la communauté internationale a d’abord été très longtemps absente de cette région puisque les conflits des années 1990 se sont réglés avec la seule Russie. Jusqu’ici, elle a été peu influente dans les négociations sur l’Ossétie du Sud, ou même sur l’Abkhazie.

L’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et de la coopération en Europe, est impliquée dans ces négociations. Pourtant, je crois que la communauté internationale ne pourra éviter de s’impliquer davantage, ne serait-ce que parce qu’on assiste aussi à une lutte d’influence sur le territoire de l’ex-URSS entre une Russie qui peine à sortir de son empire et des Etats-Unis qui cherchent à devenir de plus en plus influents. Et c’est cette opposition qui explique justement l’absence de consensus au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, puisque les Etats-Unis, à la demande de la Géorgie, ont refusé d’approuver le texte proposé par la Russie.

RFI : Les Etats-Unis condamnent ces hostilités. George Bush a réclamé l’arrêt des combats.

LD : Les Etats-Unis s’intéressent depuis plusieurs années à cette région, disons à l’ex-URSS, depuis le 11 septembre 2001, notamment à l’Asie centrale qui est alors devenue une région stratégique.

Pour le Caucase, évidemment c’est également une région stratégique, une zone carrefour et c’est une zone de transit de l’énergie. Les Etats-Unis ont demandé à la Russie de se retirer de Géorgie, implicitement au moins. Ils soutiennent aussi la position géorgienne.

L’Union européenne et la France, qui exerce actuellement la présidence de l’UE, ont adopté une position plus équilibrée en demandant à toutes les parties de renoncer à l’usage de la force et donc de commencer à négocier.

George W. Bush demande l'arrêt des combats

«Nous demandons l’arrêt immédiat des violences. Nous appelons à un arrêt des bombardements russes et à un retour au statu quo du 6 août dernier ».

A écouter

Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères et européennes

sur France 2

« Il faut que cessent les bombardements sur la population civile, il faut dire aux Russes que ça n’est pas possible de continuer comme ça [...] Il y aurait des milliers de victimes, donc il faut que ça s’arrête ! »

09/08/2008

Gaïdz Minassian, politologue et spécialiste de l'Arménie

L'enjeu de la mer Noire

« La toile de fond de cette question de la guerre en Ossétie du Sud est simple, c’est l’enjeu de la mer Noire et de ses accès ».

09/08/2008 par Georges Abou