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Nigeria / Cameroun

La péninsule de Bakassi revient dans les frontières du Cameroun

par  RFI

Article publié le 14/08/2008 Dernière mise à jour le 14/08/2008 à 16:21 TU

Le président du Cameroun Paul Biya (g) et son homologue nigérian d'alors, Olusegun Obasanjo (d) lors de la signature de l'accord sur  Bakassi, en présence de Kofi Annan (juin 2006).(Photo : Eskinder Debebe / United Nations)

Le président du Cameroun Paul Biya (g) et son homologue nigérian d'alors, Olusegun Obasanjo (d) lors de la signature de l'accord sur Bakassi, en présence de Kofi Annan (juin 2006).
(Photo : Eskinder Debebe / United Nations)

Le Nigeria a remis ce jeudi la péninsule de Bakassi au Cameroun. Ce chapelet d'îlots, riches en gaz et en pétrole, a été l'objet de quinze années de conflit entre les deux pays, qui avaient soumis leur différend à la Cour internationale de Justice. L'instance judiciaire des Nations unies avait ordonné au Nigéria de retirer son armée au 14 août 2008. Abuja espère marquer des points en se conformant à cette décision judiciaire.

La question de la souveraineté de Bakassi ne date pas d'hier. Son origine se trouve dans le tracé des frontières adopté par les colonisateurs britanniques et allemands, il y a plus d'un siècle.

Mais personne ne se serait réellement préoccupé du sort de ce territoire de mangrove et de marécages, sur le golfe de Guinée, si son sous-sol n'avait pas été riche en pétrole et en gaz. En 1994 et en 1996, le Cameroun et le Nigéria étaient passés tout près d'une guerre.

Car il y a 15 ans, ce potentiel n’échappait pas au Nigeria qui envoyait son armée pour occuper plusieurs villages de Bakassi. Quelques mois plus tard, le Cameroun ne cédait pas aux bruits de bottes mais saisissait la Cour internationale de Justice (CIJ). En 2002, les juges lui donnaient raison.

Difficile retrait des troupes

Mais le retrait des troupes nigérianes est loin d’être facile, et il faudra quatre ans de longues tractations avant la signature, le 12 juin 2006, d’un accord définitif. Le Nigeria et le Cameroun ont rangé les armes, et ce matin une cérémonie marquera la rétrocession totale de Bakassi au Cameroun. Un drapeau camerounais doit être hissé à Bakassi, à la place de celui du Nigéria, mais sur le terrain les problèmes restent nombreux.

Yaoundé a remporté la bataille juridique, mais va devoir maintenant s'attaquer à l'insécurité qui règne dans cette région difficile d'accès.

Au Nigéria, des voix s'élèvent encore pour contester le transfert de souveraineté. En novembre 2007, le Sénat nigérian s'y était opposé. Fin juillet, la Cour suprême a tenté de suspendre le processus.

Inquiétudes dans la population nigérianne

Les populations nigériannes de Bakassi s'inquiètent, et certains mouvements qui affirment défendre les intérêts des populations locales ont décidé de prendre les armes. La plupart des habitants de la péninsule sont nigérians, et sont opposés à cette rétrocession : ils souhaitent garder leur terre et leur nationalité. 

Baba Adam

Opposant nigérian à la rétrocession de Bakassi

« Donner une partie du Nigéria au Cameroun est une violation de la Constitution. »

écouter 00 min 36 sec

14/08/2008 par Michel Arseneault

Ces derniers mois, une cinquantaine de personnes ont été tuées dans des attaques, dont les motivations restent floues. Manœuvres pour suspendre leur attachement au Cameroun ou violence téléguidée par les groupes de militants de la région voisine du Delta ? Difficile à dire. Seule certitude, la péninsule de Bakassi est une zone compliquée d’accès et son contrôle risque de devenir un véritable casse tête pour le Cameroun.

Yaoundé se garde de tout triomphalisme

A Yaoundé, le mot d’ordre est à la modestie. Le gouvernement, au cours d'une conférence de presse donnée par trois ministres, a appelé à la mesure.

 

A la presse, il a été demandé particulièrement d’éviter tous triomphalisme susceptible de vexer Abuja. Responsabilité et patriotisme ont été édictés comme devant régir toutes les publications qui auront à traiter de ce transfert d’autorité.

 

Les officiels camerounais ont même semblé se satisfaire de la délocalisation, à la dernière minute, en terre nigérianne, du cérémonial de rétrocession, qui dispense le Cameroun d’un exercice diplomatique délicat.

 

Si la joie est mesurée, elle n’est cependant pas feinte, éditorialistes de tous bords, hommes politiques et acteurs de la société civile saluent, unanimes, le choix judicieux du Cameroun d’avoir su porter en son temps le litige frontalier de Bakassi sur la table de la Cour internationale de Justice.

 

« A coup et contrecoup d’arguments juridiques  et souvent  contre leurs opinions publiques et respectives, deux pays africains, le Nigéria et le Cameroun, ont réussi le pari du dépassement » écrit par exemple un journaliste du Cameroun Tribune,  le quotidien gouvernemental. Une manière de dire, ici, que le Cameroun gagne peut-être, mais que le Nigeria n’a pas perdu.         

Les riches sous-sols de Bakassi

« Les spécialistes de l'or noir estiment que la probabilité d'une découverte de gisements est très importante. »

14/08/2008 par Frédéric Garat