par Julie Lerat
Article publié le 20/08/2008 Dernière mise à jour le 20/08/2008 à 22:46 TU
Des Tchèques entourent des chars à Prague pour protester contre l’invasion des Soviétiques, le 21 août 1968.
(Photo : AFP)
Dans la nuit du 20 au 21 août 1968, une trentaine de divisions soviétiques envahissent la Tchécoslovaquie. Depuis plusieurs mois, un vent de liberté soufflait sur le pays. Le secrétaire général du Parti communiste, Alexander Dubcek, arrivé au pouvoir en janvier 1968, y prônait un « socialisme à visage humain ». Il avait aboli la censure, autorisé les voyages à l’étranger, et était allé jusqu’à faire arrêter le chef de la police.
« Les réformes restent prudentes. Le but de Dubcek n’est pas de rompre avec le système soviétique, mais de renouer avec les idéaux communistes ».
Ce mouvement venu d’en haut est très vite acclamé par la population. Les médias locaux osent parler librement, de nombreux Tchécoslovaques se ruent vers l’Occident. Et pour la première fois, le peuple aime son dirigeant. Alexander Dubcek parle avec ses concitoyens, descend dans la rue et se mêle à la foule. Il n’imagine pas que ces changements dérangent, car il a toujours respecté l’autorité de Moscou.
La peur de la contagion
Mais très vite, le Kremlin veut reprendre le contrôle de cette République socialiste qui semble s’éloigner du droit chemin. Craignant une contagion à leurs pays, des unités bulgares, hongroises, polonaises et est-allemandes viennent appuyer les troupes envoyées par Moscou. Près de 300 000 hommes entrent alors sur le territoire tchécoslovaque.
En début de matinée, à Prague, une partie des troupes se dirige vers les bâtiments de la radio publique tchèque, où plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés. Ils veulent protéger ce symbole d’une liberté d’expression retrouvée. Depuis le début du Printemps de Prague, la radio a créé l’unité parmi ceux qui soutiennent les réformes en cours. Très vite, la Maison de la radio tchèque essuie les premiers tirs. Et les ondes se taisent…
Résistance passive
Le secrétaire général du parti communiste, Alexandre Dubcek, appelle la population à ne pas résister, pour éviter un massacre. Symboliquement, des habitants de la capitale tchèque bandent les yeux des statues, et dévissent les plaques où sont inscrits les noms des rues, pour désorienter les envahisseurs. Beaucoup descendent dans les rues et se massent autour des chars. Ils tentent de dialoguer avec les troupes du Pacte de Varsovie - dont la Tchécoslovaquie fait partie. L’intervention soviétique est perçue comme une trahison.
Le « socialisme à visage humain » prôné par Alexander Dubcek appelle certes à des réformes, mais il n’est pas question pour les Tchécoslovaques de remettre en cause leur appartenance au bloc socialiste. Pour beaucoup, l’arrivée des chars soviétiques soulève donc l’incompréhension. Pour d’autres, ceux qui ont vécu l’invasion nazie en 1938, des souvenirs douloureux rejaillissent. D’autant que cette fois, c’est une armée « amie » qui envahit le pays.
Une chape de plomb s’abat sur Prague
Les membres du Parti communiste qui s’opposaient aux réformes d’Alexander Dubcek et de ses partisans - et qui avaient demandé au Kremlin d’intervenir – ne sont pas prêts à entrer sur le devant de la scène au moment où le peuple soutient son dirigeant. Les Soviétiques prennent donc les choses en main. Rapidement, Alexander Dubcek est arrêté, et envoyé à Moscou. Le PC tchécoslovaque réunit alors un congrès extraordinaire clandestin, et reconduit son secrétaire général dans ses fonctions. Mais sous la pression soviétique, Alexander Dubcek finit par céder. Il signe le Protocole de Moscou, un document qui scelle l’allégeance de la Tchécoslovaquie au Kremlin.
La répression s’abat alors sur le pays. Ceux qui soutenaient le Printemps de Prague sont remplacés aux postes qu’ils occupaient dans l’administration, et nombre d’entre eux fuient le pays. Alexander Dubcek, lui, restera en place jusqu’au mois d’avril 1969. Il sera remplacé par Gustav Husak - un homme acquis au Kremlin - et passera plusieurs années à exercer le métier d’agent technique des eaux et forêts.
A Prague, l’automne approche. Les habitants se sont résignés. En janvier 1969, l’étudiant Jan Palach s’immole par le feu sur la place Wenceslas. Deux autres étudiants suivent son exemple. Des manifestations sont organisées un an après l’invasion soviétique, mais sans succès. La Tchécoslovaquie attendra encore plus de 20 ans avant de se soulever à nouveau, emmenée cette fois par Vaclav Havel, lors de la Révolution de velours.
Moscou veut reprendre la main car depuis plusieurs mois, un vent de liberté souffle sur le pays.
21/08/2008 par Julie Lerat