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Mexique

Le Mexique en guerre contre l'insécurité

Article publié le 21/08/2008 Dernière mise à jour le 21/08/2008 à 05:03 TU

Le Conseil national de sécurité se réunira jeudi pour débattre des questions de sécurité qui empoisonnent le quotidien de la population mexicaine. Le gouvernement est sommé de prendre des mesures rapides et efficaces. Mais sur place, le débat est exploité à des fins politiciennes.
Pour lutter contre la criminalité, le gouvernement mexicain a déjà mis en place une politique très répressive.(Photo : Patrice Gouy/RFI)

Pour lutter contre la criminalité, le gouvernement mexicain a déjà mis en place une politique très répressive.
(Photo : Patrice Gouy/RFI)

De notre correspondant à Mexico, Patrice Gouy

Le Conseil national de sécurité (CNS) est une cellule de crise qui réunit les gouverneurs des 31 Etats fédéraux, le maire de Mexico et les principaux ministres.

Il vient d’être convoqué car la stratégie déployée par le gouvernement de Felipe Calderon depuis deux ans n’a pas apporté les résultats escomptés. Pire, la situation s’est considérablement dégradée. La politique, très répressive, a permis l’arrestation de plus de 100 000 malfaiteurs mais souvent au détriment des garanties individuelles des citoyens.

Guerre frontale

La guerre frontale contre les cartels de la drogue n’a pas freiné la violence : les trafiquants assassinent impunément, en plein jour, dans les centres-villes, maîtres de ce qu’ils considèrent comme leur territoire. Le nombre de meurtres a pulvérisé tous les records avec plus de 5 000 morts en 18 mois.

La situation est critique dans les Etats frontaliers du Nord comme celui du Chihuahua où il y a eu 170 assassinats le mois dernier (6 par jour !) avec des pics de 25 meurtres certaines fins de semaine. De plus, les barons de la drogue diversifient chaque jour davantage leurs actions criminelles en organisant enlèvements et extorsions (64 par mois).

La disparition de l'état de droit

L’état de droit s’est dissolu. La corruption gangrène toutes les strates de la société. Le Mexique est devenu le pays le plus dangereux après l’Irak, estiment les analystes. Quand elles le peuvent, des familles de la classe moyenne - dentistes, commerçants, avocats et autres professions libérales - fuient le Mexique pour s’installer de l’autre coté de la frontière.

L’affaire du jeune Fernando Marti, 14 ans, le fils du propriétaire d’une chaîne de magasins de sport, enlevé et assassiné à Mexico par des policiers, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elle effraie les gens riches, bien sûr, mais aussi une classe moyenne souvent confrontée à la chute de ses revenus, à l’endettement, au manque de travail, à la récession et à la faillite du petit commerce face aux multinationales.

Police corrompue

Un meurtre qui met aussi en exergue la corruption de la police et de la justice et le délabrement moral de la société. Dans la perception populaire, la criminalité, l’impunité et l’insécurité proviennent du désordre politique et de l’affrontement entre opposition et gouvernement. Plus personne ne croit dans les institutions.

Malgré l’éviction du Parti de la révolution institutionnelle (PRI), parti de l’ancien régime, rien n’a changé. La droite au pouvoir n’a pas rétabli l’état de droit et ne fait rien pour lutter contre la corruption. Sursaut des citoyens l’association Mexico Unido Contra la Violencia (proche du patronat conservateur et de la droite ultra catholique) a lancé un ultimatum au président Felipe Calderon pour qu’il convoque le Conseil national de sécurité.

Futures mesures gouvernementales

Ce jeudi 21 août, ministres, gouverneurs et maire de Mexico devront adopter des mesures concrètes, prendre les décisions que réclament les citoyens. Le gouvernement, qui a consulté de nombreuses organisations civiles, proposera un pacte national de légalité, un canevas de mesures précises comme la construction de prisons de haute sécurité, la régulation de la téléphonie cellulaire et des fréquences radio, l’accès à l’information bancaire, le contrôle des armes, l’intégration d’organes citoyens pour une transparence dans la justice et la police, etc.

Des mesures concrètes donnant des résultats rapides. Un enjeu très politique. Pour la première fois, le Maire de Mexico, Marcelo Ebrard, (centre gauche) qui ne reconnaît pas la légitimité du président Felipe Calderon estimant que ce dernier a fraudé les élections, a accepté de participer à ce dialogue. Mais cette réunion ne semble pas pouvoir échapper à la confrontation idéologique.

Sous la pression politique, le président Felipe Calderon a convoqué le Conseil national de sécurité. (Photo : Patrice Gouy/RFI)

Sous la pression politique, le président Felipe Calderon a convoqué le Conseil national de sécurité.
(Photo : Patrice Gouy/RFI)

Chaque parti espère tirer profit de cette réunion spectaculaire et la politique politicienne reprend déjà le dessus. La droite appelle à une grande manifestation nocturne, le samedi 30 août, avec des bougies pour manifester contre l’insécurité qui tétanise les classes moyennes. Elle espère ainsi restreindre la mobilisation de la gauche qui aura lieu le lendemain sur le thème de la défense de l’énergie.

Pour la gauche, le combat contre la délinquance et la violence passe par la souveraineté énergétique pour que la manne pétrolière serve au développement du marché intérieur, à la création d’emplois et à l’amélioration de l’éducation.