par Julie Lerat
Article publié le 03/09/2008 Dernière mise à jour le 03/09/2008 à 21:21 TU
Le président Victor Iouchtchenko a décidé de se retirer de la coalition au pouvoir. Il menace de convoquer des élections anticipées si une nouvelle coalition n’est pas formée dans les 30 jours. Son ancienne alliée, le Premier ministre Ioula Timochenko, a fait voter un texte de loi qui réduit les pouvoirs du président. Victor Iouchtchenko l’invite donc à se positionner clairement sur l’échiquier politique en rejoignant le camp des pro-russes. Ce que le Premier ministre pro-occidental ne semble pas prête à faire.
Le divorce est prononcé entre le président ukrainien Victor Iouchtchenko et son Premier ministre Ioula Timochenko. Leur dernière alliance en date, née des élections législatives de 2007, n’aura duré que quelques mois. Ce mercredi, Victor Iouchtchenko a annoncé l’éclatement de la coalition qui rassemblait les deux partis pro-occidentaux, et menacé de dissoudre le Parlement.
Les deux anciens alliés de la « révolution orange » de 2004 n’en sont pas à leur première séparation. En 2005, déjà, Victor Iouchtchenko avait limogé Ioula Timochenko, sur fond de rivalités personnelles et de luttes d’influence. Elle est revenue au pouvoir fin 2007 quand son parti, le Bloc Ioula Timochenko, et le parti du président, Notre Ukraine, avaient remporté de justesse les législatives face à l’opposition pro-russe.
Querelles de pouvoir
S’ils partagent leur vision pro-occidentale, les deux leaders se déchirent depuis plusieurs années et se sont déjà alliés avec les partis pro-russes par le passé. Victor Iouchtchenko est allé jusqu’à offrir le poste de Premier ministre en 2006 à son rival Victor Ianoukovitch, qu’il avait affronté pendant la « révolution orange ». La compétition qui oppose Iouchtchenko et son Premier ministre Ioula Timochenko s’est accrue au cours des derniers mois, alors que tous deux veulent se positionner pour la prochaine élection présidentielle prévue fin 2009 ou début 2010.
C’est encore une fois une querelle de pouvoir qui a fait éclater leur alliance fragile. Mardi soir, les députés du Bloc Ioula Timochenko ont voté un texte de loi qui réduit les pouvoirs du président au profit du gouvernement, et se sont alliés pour cela avec les partis pro-russes. Le président Iouchtchenko a dénoncé un « coup d’Etat » parlementaire, et menacé de dissoudre la Parlement si une coalition n’est pas formée officiellement entre le Bloc Ioula Timochenko et les partis pro-russes, suggérant que cette alliance existait déjà « de facto ».
Quelle coalition à l’avenir ?
La Constitution ukrainienne prévoit, en cas d’éclatement de la coalition au pouvoir, un délai de 30 jours pour qu’une nouvelle coalition soit formée. Si ce n’est pas le cas, le président peut dissoudre le Parlement et convoquer des élections anticipées. Le parti de Ioula Timochenko a d’ores et déjà annoncé qu’il n’avait pas l’intention de s’allier avec les partis pro-russes – le Parti des régions, de Victor Ianoukovitch et les communistes. Aujourd’hui très populaire, Ioula Timochenko risquerait de se décrédibiliser en formant une coalition avec des partis proches de Moscou.
Dans un contexte de méfiance vis-à-vis de la Russie, suite au conflit en Géorgie, le président tente de pousser sa rivale Timochenko dans le camp des amis de Moscou. Une manière pour lui de revendiquer le monopole du courant pro-occidental. Dans un pays profondément divisé entre pro-européens et pro-russes, ce positionnement est une question essentielle pour les hommes politiques.
Sous l’influence du Kremlin
La réplique du président Iouchtchenko pourrait avoir pour but de semer le doute sur les convictions de Ioula Timochenko. A Kiev, le député Viatcheslav Kirilenko, chef du parti Notre Ukraine au Parlement, a dénoncé les lois adoptées ce mardi et déclaré qu’elles visaient à « priver le président de ses prérogatives dans le secteur de la défense et celui de la politique extérieure, ce que le Kremlin exige de certaines forces politiques ».
A Moscou, les évolutions du jeu politique ukrainien risquent d’être observées de près. C’est ce qu’explique Maria Lipman (Libération, 02/09/08), analyste du centre Carnégie : La Russie n’est pas sur le point d’envahir l’Ukraine, dit-elle, « la politique russe n’est pas si primitive. Elle a beaucoup d’autres moyens d’influencer la politique ukrainienne, qui est très faible et instable. Un des scénarios actuellement discuté à Moscou, serait que Ioula Timochenko soit élue à la présidence avec le soutien russe ».