par Claire Fages
Article publié le 05/09/2008 Dernière mise à jour le 05/09/2008 à 19:19 TU
Après la Société Générale et le Crédit Agricole, Natixis a lancé à son tour une augmentation de capital, ce vendredi 5 septembre. Un renflouement nécessaire pour financer les pertes dues à la crise du crédit à risque : près de 4 milliards d’euros à ce jour. Pour assurer la réussite de l’opération, la banque d’affaires et d’investissement a consenti une décote de ses actions de 62%, un record !
Pendant deux semaines, la dernière née de la finance française, Natixis, va proposer 1,6 milliards d’actions nouvelles à 2,25 euros… contre 5,84 euros lors de sa dernière cotation, mercredi. Une augmentation de capital à prix cassé : - 62% ! Par comparaison, la Société Générale et le Crédit Agricole avaient, pour assurer leur propre opération de renflouement, réduit la valeur de leurs actions respectivement de 40% et de 37%. Mais la réussite de l’opération, telle que la souhaite Natixis, est à ce prix.
Certes, les principaux actionnaires de la banque d’affaires, la Caisse d’Epargne et la Banque Populaire, ont promis d’abonder à hauteur de 70% - leur part actuelle au capital - et même d’acquérir davantage d’actions si besoin. L’opération est par ailleurs garantie par un syndicat de banques, une douzaine d’établissements (Lazard Frères, Crédit Suisse, Merrill Lynch, BNP Paribas, HSBC…), qui se sont engagés à placer les éventuelles actions restantes.
Conserver les actionnaires minoritaires
Mais Natixis souhaiterait conserver le seuil minimum de 30% d’actionnaires minoritaires. C'est-à-dire lever au moins 1,1 milliards d’euros auprès des investisseurs privés. Or, les fonds spéculatifs américains Greenlight Capital et Royal Capital Management ont refusé d’augmenter leur participation. Quant aux fonds souverains sollicités au Moyen-Orient et en Asie, au vu du plongeon de l’action Natixis, -70% depuis fin 2006, ils ont décliné l’invitation à entrer au capital. Refus également de la Banque des dépôts et consignations, qui est restée fidèle à sa position de départ : ancien actionnaire de la Caisse d’Epargne, la banque publique s’était opposée à la création-même de Natixis, en novembre 2006.
Restent les particuliers : 1,5 millions de petits actionnaires, qui ont vu la valeur de leur placement fondre des deux tiers en 21 mois. Il fallait donc les appâter avec un prix d’action plancher pour qu’ils « répondent largement à l’opération », comme l’a souhaité le directeur général de Natixis, Dominique Ferrero. « Nous rassemblons nos forces pour franchir la haie que constitue l’impact de la crise », mais Natixis a « une capacité de rebond très forte », a-t-il assuré.
Vers des « métiers moins volatils »
Avec de telles conditions d’achat de ses nouveaux titres, Natixis est quasiment assurée de boucler l’opération, qui prendra fin le 18 septembre, et donc retrouver un niveau de solvabilité suffisant.
La plus jeune des banques françaises devra néanmoins s’atteler à une profonde restructuration. Elle a déjà annoncé 800 suppressions d’emplois en interne, et autant chez ses prestataires.
Surtout, elle va réorienter ses activités vers des métiers moins risqués. Natixis avait la particularité d’être, plus que tout autre établissement financier français, très impliquée dans la « titrisation » du crédit hypothécaire aux Etats-Unis, c’est-à-dire qu’elle en partageait grandement les risques. Et jusqu’à la fin de l’année dernière, la banque d’affaires possédait un rehausseur de crédit, l’un des vecteurs les plus importants de la crise.
La direction de la banque n’a pas encore dévoilé sa stratégie dans le détail mais elle a indiqué qu’elle réduirait ses activités sur les marchés financiers et les recentrerait « sur les métiers moins volatils », comme par exemple la banque de détail, auprès des particuliers et entreprises - même si la menace de récession fait peser des risques de ralentissement, là aussi.
C’est jusqu’à présent cette mission traditionnelle qui a en tout cas sauvé les autres banques françaises, dont la première d’entre elles : le Crédit Agricole. La « banque verte » aurait pu être entraînée par les pertes de sa filiale d’affaires Calyon : 6,5 milliards d’euros depuis le début de la crise des crédits immobiliers américains. Des pertes plus importantes que celles de la Société Générale (4,9 milliards d’euros) - si l’on exclut le coût de la fraude de Jérôme Kerviel, d’un montant équivalent.