Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Campagne présidentielle américaine

Huit semaines pour convaincre

par Anne Toulouse

Article publié le 09/09/2008 Dernière mise à jour le 09/09/2008 à 01:32 TU

Trois débats télévisés opposeront John McCain et Barack Obama : le 26 septembre, sur la politique intérieure, à Oxford (Mississipi) ; le 7 octobre à Nashville (Tennessee), avec des questions venant du public et d'internet ; et le 15 octobre, sur la politique étrangère, à Hempstead (New York).(Photo : Reuters/Montage RFI)

Trois débats télévisés opposeront John McCain et Barack Obama : le 26 septembre, sur la politique intérieure, à Oxford (Mississipi) ; le 7 octobre à Nashville (Tennessee), avec des questions venant du public et d'internet ; et le 15 octobre, sur la politique étrangère, à Hempstead (New York).
(Photo : Reuters/Montage RFI)

A huit semaines de l’élection, les sondages montrent que les deux candidats, au terme de deux conventions spectaculaires, arrivent ex-æquo parmi les personnes interrogées. John McCain a remonté les 9 points d’avance que Barack Obama avait gagnés au cours des deux dernières semaines. Les sondages qui ne prennent en compte que les électeurs ayant réellement l’intention de voter au mois de novembre placent même le candidat républicain en tête.
Une convention attendue et une convention surprise.
La première explication que l’on peut donner est que les deux candidats ont bénéficié de ce que l’on appelle le « convention bounce », le rebond de la convention, qui est une sorte d’appel d’air créé par l’omniprésence de leur message dans les médias. Ce phénomène apporte en général un bonus de 5 à 6 points, et il n’est pas systématique : par exemple en 2004, John Kerry n’en avait pas bénéficié. John McCain et Barack Obama ont donc fait mieux que la moyenne, mais l’ayant fait l’un et l’autre, ils se retrouvent à la case départ.
A priori, Barack Obama partait avec un avantage. La convention de Denver a été superbement orchestrée, avec le ralliement spectaculaire du couple Clinton et un final époustouflant dans un stade de 80 000 places, sur fond des montagnes rocheuses. Après cela la réunion républicaine de St Paul-Minneapolis apparaissait bien terne, d’autant que cette année, l’enthousiasme se situe dans le camp des démocrates. Même le climat semblait être hostile, avec toute l’attention monopolisée, à l’autre extrémité du Mississippi, par l’arrivée d’un ouragan sur la Nouvelle Orléans. Ce contretemps a constitué le  premier avantage inattendu de la convention : en suspendant les réjouissances tant que la menace n’était pas écartée, John McCain a suscité un événement inédit et un courant de sympathie. Cette décision a eu des bénéfices secondaires : quatre jours de convention sont généralement considérés comme fastidieux, et l’attention se concentre sur la deuxième moitié. Ensuite, les orateurs prévus le premier soir étaient le président et le vice-président. Ils ne font pas partie du cercle des amis de John McCain ; si celui-ci ne pouvait pas les désinviter de sa convention, il a sans doute été ravi de prendre ses distances. Il n’a d’ailleurs cité qu’une seule fois George Bush dans son discours final.
 L’effet Palin.
Mais la convention républicaine s’est véritablement enflammée le soir du discours de Sarah Palin.  Son arrivée a été dramatisée à l’extrême, d’abord par la surprise qu’a constituée sa désignation, ensuite par toutes les révélations et les attaques qui se sont immédiatement abattues sur elle et sur son entourage. En moins de quatre jours,  Sarah Palin et sa famille sont devenues Le sujet de conversation de tout le pays. L’ampleur de cet intérêt, souvent négatif, dans les médias et sur internet, a créé a contrario un courant de sympathie, que Sarah Palin a très habilement exploité à son avantage, dans un discours plein de vitalité.  Elle a un abattage que ne possède pas le candidat en titre, et son pouvoir d’attraction est tel que le journal USA Today s'est  demandé si le ticket McCain-Palin ne devrait pas être rebaptisé Palin-McCain.
La question est de savoir comment ce vedettariat instantané, qui rappelle l’émergence de Barack Obama, se traduira dans les votes. Sarah Palin représente manifestement un appel du pied à la droite du parti républicain, ravie de son opposition aux dépenses publiques, de son amour pour les armes à feu et de ses positions sociales conservatrices. Son opposition à l’avortement n’a même pas besoin d’être exprimée. Son dernier fils, qu’elle savait trisomique avant la naissance, est l’image vivante de ses convictions : 90% des Américaines ne poursuivent pas leur grossesse lorsque l’enfant est porteur d’un défaut génétique.
Mais il n’est pas évident qu’elle rassemble l’ensemble d’un segment électoral très convoité, les chrétiens évangéliques. Un partie de ce mouvement, de plus en plus écologiste, adhérera sans doute à ses valeurs morales, mais sera opposée à sa conception de l’environnement. Gouverneur de l’Etat américain qui produit le plus de pétrole après le Texas, Sarah Palin est favorable aux forages dans une zone de l’Alaska qui est actuellement considérée comme une réserve naturelle. L’adhésion des jeunes chrétiens évangéliques n’est pas exactement quantifiée, ce qui est une constante pour tous les segments jeunes de la population. Cette lacune est attribuée au fait que la plupart des sondages sont réalisés par téléphone, sur des lignes fixes, alors que beaucoup de jeunes n’ont que des téléphones portables.
Les derniers sondages montrent que la sélection de Sarah Palin fait glisser l'électorat féminin de façon significative vers le ticket républicain. Beaucoup de mères de famille se reconnaissent dans la candidate, même si les électrices potentielles d’Hillary Clinton ont, sans doute, quelques réticences à soutenir une femme hostile au doit à l’avortement.
En fait, le plus grand impact de Sarah Palin découle sans doute de sa proximité avec la petite classe moyenne. En la voyant arriver à la convention avec sa famille, c’était l’image de l’Amérique rurale qui venait à l’esprit. La campagne de Barack Obama n’a sans doute pas été bien avisée de se moquer de son expérience de maire d’une petite ville américaine. Barack Obama avait déjà payé cher, pendant les primaires, une remarque qui avait semblé condescendante sur les habitants des petites villes, « cramponnés à la religion et à leur fusil ». La charge contre Sarah Palin a ramené le souvenir de cette maladresse. Elle-même se présente comme une héroïne de cette Amérique ordinaire, où se recrutent les électeurs que l’on appelle les « Reagan democrats », c'est-à-dire des électeurs modestes qui votent traditionnellement démocrate, mais qui peuvent se tourner vers l’autre parti si leur candidat leur paraît trop élitiste. Ils avaient, comme leur nom l’indique, assuré la victoire de Ronald Reagan.
Mais ce succès peut aussi être problématique auprès d’un autre segment crucial de l’électorat, les indépendants. C’est un terme générique très large, qui désigne tous ceux qui ne sont affiliés à aucun des deux grands partis. Ces électeurs se gagnent au centre, et c’est largement à eux que s’adressait le discours de John McCain à la convention, lorsqu’il a longuement expliqué qu’il était «  un esprit libre, un homme qui marche a sa propre cadence ». C’est effectivement sa réputation, mais elle ne colle pas avec le choix d’une colistière aussi marquée dans le camp conservateur.
Les sondages ne sont….que les sondages !
En choisissant comme partenaire Joe Biden, Barack Obama a pris moins de risques, mais n’a pas non plus soulevé l’enthousiasme. Le sénateur, président de la commission des affaires étrangères, a effectivement une grande expérience de la politique et des affaires du monde, mais il ne représente pas exactement l’image du changement !
En fait dans cette dernière ligne droite, le meilleur atout de Barack Obama est le vent qui souffle en faveur des démocrates. Les deux chambres s’attendent à conforter leur majorité, et selon les sondages, les démocrates bénéficient de 57% d’opinions favorables, contre 39 % pour les républicains
La réputation des conventions comme indicateur électoral est généralement surfaite. Elles rassemblent des militants et des sympathisants qui sont tout acquis au discours qu’ils entendent. Elles ont néanmoins été suivies cette année par un nombre record de téléspectateurs : en moyenne 34,4 millions de téléspectateurs ont regardé la convention républicaine contre 30,2 millions pour la convention démocrate. Le discours de John McCain a été regardé par 38,9 millions de personnes, soit 600 000 de plus que celui de Barack Obama. Cela indique l’intérêt pour cette élection qui apportera, quoi qu’il arrive, un grand renouvellement dans l’incarnation de l’exécutif : la première vice-présidente ou le premier président noir, et, pour la première fois depuis 1952, aucun des quatre candidats n’est un président ou un vice-président sortant.
A ce stade de la compétition, ce sont surtout les débats qui ont le plus de chance de  faire la différence. Il y en aura quatre entre le 26 septembre et le 15 octobre, trois entre les candidats à la présidence, et un entre les candidats à la vicé-présidence. Ces longues soirées où les candidats se trouvent pendant deux heures face à face, répondant aux mêmes questions, sont extrêmement révélatrices de leur personnalité et de leur aptitude à réagir de façon spontanée. Ronald Reagan a gagné un débat contre Jimmy Carter en s’exclamant : « Here you go again »! (Ça-y-est, c’est reparti !…)
Aussi tentante que soit l’analyse au jour le jour des sondages, ils ne racontent donc pas toute l’histoire, et sauf s'ils montrent une tendance forte et durable, c'est-à-dire un écart proche ou supérieur de dix points pendant plusieurs semaines, les surprises de l’élection restent entières, surtout lorsqu’elle présente un éventail de choix aussi inédit que celle-ci.