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France

Au cœur de la lutte contre les réseaux et le trafic de clandestins à Paris

par Olivier Chermann

Article publié le 07/10/2008 Dernière mise à jour le 07/10/2008 à 15:54 TU

Olivier Chermann, grand reporter au pôle France de RFI, a passé 15 jours avec les hommes de l’OCRIEST, « la police de la lutte contre l’immigration clandestine ». Il a exceptionnellement été  autorisé à suivre l’ensemble des opérations à Paris et en banlieue parisienne : interpellation de passeurs, d’hébergeurs et de faussaires dans une filière sri-lankaise, mais également surveillance, filature et interpellation de passeurs afghans.

Une dizaine de policiers en tenue d’intervention marche silencieusement dans une rue du centre de Paris. Il fait encore nuit. 

Ces hommes de l’OCRIEST, l’Office central pour la répression  de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre s’apprêtent à interpeller des individus dans un vieil immeuble parisien : des logeurs et des passeurs de clandestins. Les policiers montent les sept étages étroits en bois ; il est tout juste six heures du matin : l’heure légale pour intervenir.

« Police !!! Ouvrez !!!! »  Trois coups de poings fermes sur la porte et c’est l’entrée dans un appartement minuscule : une chambre de bonne sans fenêtres avec des cafards qui grimpent sur l’un des murs décrépis.

Premier impératif : identifier les occupants, assurer la sécurité des lieux et, comme l’exige la loi française, signifier les droits aux interpellés. Le capitaine Gilles* de l’OCRIEST explique : « les individus sont placés en garde à vue pour quatre jours. Ils ont le droit à un médecin et à un avocat. »

Très rapidement aussi le policier en charge de l’enquête signifie à l’interpellé les motifs de son arrestation. Il est assisté d’un interprète : « Nous sommes là à la demande d’un juge de Paris dans le cadre d’une affaire d’immigration clandestine. Vous allez être placé en garde à vue et une perquisition va être effectuée. Ensuite vous serez emmené dans nos services ».

Les deux clandestins, les deux passeurs interpellés ce matin là, réveillés dans leur sommeil bien profond ne comprennent pas trop ce qui se passe. Ils n’opposent aucune résistance, répondent aux premières questions et sont emmenés en voiture au siège de l’OCRIEST, en région parisienne, pour être mis en garde à vue et interrogés.

Des opérations minutieusement préparées

Toutes les personnes interpellées vont donc rester 4 jours en garde à vue et seront ensuite présentées au juge d’instruction. L’opération, baptisée Incha, est un succès pour le responsable de cette affaire, le capitaine Romain* qui se réjouit : « On a, en deux phases, interpellé l’ensemble des objectifs de cette filière, le bilan est très positif. Ce travail nous a pris un an, la commission rogatoire a été délivrée au mois de décembre et précédemment il a y eu une phase d enquête préliminaire. En chiffres : une quinzaine de personnes ont été interpellées, des personnes en charge de l’organisation, d’autres en charge du logement, d’autres de la fourniture de faux documents ».

Ces opérations sont minutieusement préparées, écoutes téléphoniques, filatures, renseignements, surveillance grâce à des caméras judicieusement installées sur les toits, dans les gares ou dans les aéroports : il faut aussi coordonner les interpellations qui se déroulent si possible le même jour à la même heure. Les détails sont finalisés lors du briefing, 36 heures avant les interventions.

La France devient l’une des plaques tournantes en Europe dans cette immigration clandestine. Pour lutter contre ce trafic et démanteler ces réseaux, l’OCRIEST est divisée en secteurs géographiques : Moyen-Orient et Europe, Chine, Asie méridionale, Amérique et Afrique.

Des faux documents plus « beaux » que les vrais

Le commissaire divisionnaire Jean Michel Fauvergues, chef de l’OCRIEST a sous ses ordres 115 personnes : « On s’est aperçus que les réseaux sont de plus en plus organisés et de plus en plus professionnels et surtout qu’ils arrivent à rebondir de pays en pays sur des réseaux existants localement. Il faut donc investir dans la coopération internationale. C’est aussi un réseau très lucratif, le troisième après les trafics de stupéfiants et d’armes. »

Les pièces à conviction : les téléphones portables, ordinateurs, documents, photos - tout ce qui peut avoir un lien avec le réseau - sont ramenées au siège de l’OCRIEST. Pour les faux passeports, fausses cartes d’identités, l’homme de l’office s’appelle Jean-Claude, adjoint administratif de police, spécialiste en détection de fraude documentaire : « Cela fait dix-huit ans que je fais ce travail et j’apprends tous les jours, je vois tous les jours des choses nouvelles. Il y a 18 ans, les fraudes n’étaient pas tellement techniques ; maintenant les faussaires font aussi bien que les documents officiels ! On se retrouve avec des contrefaçons plus belles que les documents originaux… »

Ces nombreux réseaux démantelés par l’OCRIEST lui donnent une légitimité internationale et de nombreux policiers étrangers viennent en France pour s’inspirer des méthodes et des techniques de cet office. Au siège, en banlieue parisienne, des officiers de liaison sont présents : espagnol, allemand et italien entre autres : le but est d’améliorer et de renforcer les relations bilatérales contre la criminalité et l’immigration clandestine. Le commissaire Serge Sabourin de la Police fédérale belge explique : « Il s’agit de recueillir les informations qui proviennent du terrain, des informations relatives aux filières, et à partir de ces éléments les transmettre le plus rapidement possible aux autorités compétentes. »

Selon un rapport de l’Organisation des Nations unies contre la drogue et le crime, près de 300 000 Africains pénètrent chaque année clandestinement dans l’Union européenne. 80% d entre eux utilisent les services d’organisations de trafiquants.

Les démantèlements de réseaux sont de plus en plus nombreux ces dernières années grâce notamment à la coopération internationale. Mais presque à chaque fois qu’un trafic de clandestins meurt, un autre nait.
* Les noms ont été changés.

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Un passeur est emmené en garde à vue dans les locaux de l'OCRIEST(Photo : O.Chermann/RFI)

Grand reportage

Au coeur de la lutte contre l'immigration clandestine en France

08/10/2008