par Stefanie Schüler
Article publié le 07/10/2008 Dernière mise à jour le 08/10/2008 à 03:27 TU
Barack Obama salue ses 75 000 partisans en délire réunis dans un stade de Denver, le 28 août 2008.
(Photo : Reuters)
Barack Obama prend son envol dans les sondages. A tel point que les médias américains voudraient déjà le déclarer vainqueur de la course à la Maison Blanche. Pourtant certains analystes persistent à mettre en garde contre ce que les Américains appellent « l’effet Bradley ».
A en croire les instituts de sondage, Barack Obama a le vent en poupe : selon la chaîne CNN, le candidat démocrate comptabilise huit points d'avance (53% contre 45%) parmi les électeurs ayant manifesté l'intention de voter. L'avantage de Barack Obama est encore plus net (56% contre 42%) parmi les personnes inscrites sur les listes électorales mais qui n'ont pas encore manifesté formellement leur intention d'aller voter. Pour 60% des Américains, quelle que soit leur intention de vote, le sénateur de l'Illinois remportera l'élection présidentielle tandis que 37% pensent que ce sera M. McCain.
Malgré cet envol du candidat démocrate, certains experts appellent à la prudence. L’université de Stanford a récemment publié une enquête selon laquelle Barack Obama pourrait perdre six points de pourcentage le jour de l’élection présidentielle du fait de la couleur de sa peau.
Racisme : « inacceptable socialement »
Dans certaines circonstances, il peut y avoir en effet un gouffre entre les intentions de vote, telles qu’elles sont exprimées auprès des sondeurs, et la réalité de l’isoloir. Car s’il est vrai que certains électeurs (selon les sociologues et anthropologues américains il s’agit surtout des ruraux blancs des Etats du sud) ne voteront jamais pour un candidat noir, jamais ils l’admettront publiquement. « Les racistes nieront le plus souvent qu’ils sont influencés dans leur vote par la race car c’est inacceptable socialement », a expliqué à l’AFP Gary Weaver, professeur à l’American University. Mais une fois face à l’urne, ces personnes voteront probablement contre Barack Obama. Elles ne sont pas prêtes à élire un président noir. Aux Etats-Unis, on appelle ce phénomène « l’effet Bradley ».
« L’effet Bradley » |
En 1982, Tom Bradley, à l’époque maire noir de Los Angeles, est le candidat démocrate à l’élection de gouverneur de Californie. Bien que tous les sondages le donnent largement gagnant, c’est finalement son adversaire républicain, George Deukmejian, un Blanc, qui remporte à la surprise générale le scrutin. Depuis cette élection, les sondeurs se méfient du comportement d’un certain type d’électeur qui affirme vouloir voter un candidat noir pour finalement donner sa voix à l’adversaire blanc. Ce phénomène est dénommé « l’effet Bradley ». |
Le facteur racial est sans aucun doute l’un des paramètres les plus troublants de cette élection présidentielle américaine à venir. Et c’est justement pour débusquer les réflexes racistes implicites, enfouis et non avoués, que les auteurs de l’enquête de la prestigieuse université de Standford ont parfois sondé leurs compatriotes blancs de façon détournée. Leurs chiffres montrent en tout cas que les préjugés fondés sur la race n'ont pas disparu aux Etats-Unis. 40% de l'ensemble des Blancs américains appliquent au moins un qualificatif négatif aux Noirs, depuis râleur jusqu'à paresseux. Le pourcentage diminue certes beaucoup lorsque les sondés ne sont pas républicains. Mais même chez les démocrates il reste substantiel. Ainsi, les démocrates sont jusqu'à 20% à trouver les Noirs vantards par exemple. Quant aux électeurs indépendants, ils sont 24% à les juger violents.
Sarah Palin joue la « corde Bradley »
Depuis le week-end dernier, Sarah Palin se livre à un jeu dangereux avec ce vieux fond de racisme incompressible dans la population blanche. « Cet homme ne voit pas l'Amérique comme nous la voyons », a lancé la colistière républicaine à propos de Barack Obama lors d’un meeting électoral dans le Colorado. « L'Amérique est une grande force du Bien dans ce monde. Notre adversaire toutefois est quelqu'un qui voit l'Amérique, semble-t-il, comme tellement imparfaite qu'il copine avec des terroristes qui prendraient pour cible leur propre pays ». Mme Palin faisait allusion à un article du New York Times sur Bill Ayers, un ancien militant contre la guerre du Vietnam qui avait lancé une campagne d'attentats aux Etats-Unis. L'article explique que la route de Bill Ayers devenu professeur a croisé celle de Barack Obama dans les années 1990. En présentant le candidat démocrate comme un sympathisant de la gauche radicale, Sarah Palin tente de réveiller les vieilles peurs à l’égard du sénateur noir.
Effet Obama contre effet Bradley
Pourtant, les supporters de Barack Obama se veulent confiants. Son équipe espère notamment qu’il réussisse à rallier les abstentionnistes. Plus de 90% des Noirs devraient voter pour le sénateur de l’Illinois, tout comme une majorité des hispaniques et une très large partie des jeunes. Dans cette dernière catégorie, Obama disposerait même d’une avance de 27 points sur son rival John McCain. « L’effet Obama » sera-t-il susceptible de contrebalancer « l’effet Bradley »?