par Alain Renon (avec AFP et Reuters)
Article publié le 24/10/2008 Dernière mise à jour le 24/10/2008 à 17:06 TU
Un membre des « Frontier Corps ». Ils seront formés pour devenir des forces anti-guérilla.
(Photo: AFP)
Il y a d’abord le plan de formation des « Frontier Corps ». L’initiative est américaine. Elle implique, depuis plus d’une semaine déjà, une vingtaine de spécialistes de l’US Army, qui ont commencé à enseigner des techniques de contre-guérilla à de futurs instructeurs pakistanais. Ces derniers seront ensuite chargés de former des unités de cette importante force paramilitaire – 80.000 hommes -, basée dans les provinces de La Frontière du Nord-Ouest et du Balouchistan. Les « Frontier Corps » sont en effet en première ligne dans les combats que livrent les forces pakistanaises aux insurgés islamistes. Talibans et militants d’al-Qaïda, qui opèrent régulièrement de part et d’autre de la longue frontière avec l’Afghanistan, depuis fin 2001.
Jusqu’à présent, Islamabad n’avait pas daigné améliorer l’équipement ou la formation de ces paramilitaires, souvent recrutés sur place, et chargés à l’origine du maintien de l’ordre et de la lutte contre le trafic de drogue et la contrebande. Sans grands moyens. Face à la recrudescence des combats, en particulier dans le nord-ouest du pays, le nouveau gouvernement pakistanais a donc décidé de mieux utiliser ces « gardes-frontières ». A l’invitation pressante des Etats-Unis, qui depuis plusieurs mois proposaient cette « modernisation » des « Frontier Corps », au nom de la lutte anti-terroriste. L’armée pakistanaise a finalement accepté le plan de formation, organisé dans des locaux du ministère pakistanais de la Défense, à bonne distance des zones de combats, selon des responsables militaires des deux pays.
« Modèle » irakien
La précision n’est pas anodine. La présence de soldats américains sur le sol pakistanais est en effet une question très sensible et d’autant plus embarrassante pour le gouvernement Gilani et le président Zardari que l’intensification des bombardements des zones tribales par les forces américaines déployées en Afghanistan et l’augmentation du nombre de victimes civiles ont récemment obligé les autorités à dénoncer des atteintes à la souveraineté du Pakistan.
C’est d’ailleurs pour cette même raison, sans doute, qu’Islamabad revendique haut et fort comme étant sienne l’idée de distribuer des armes, cette fois aux milices des zones tribales du nord-ouest du pays. Les « Lashkars », qui compteraient quelque 25.000 hommes, pourraient -dans certains secteurs, comme le district de Bajaur- être rapidement équipées d’armes légères, dont des AK-47 achetés à la Chine. C’est le Washington Post qui a donné l’information dans son édition du jeudi 23 octobre en citant des « responsables pakistanais » en poste dans la capitale fédérale américaine. Selon eux, « les tribus en ont assez des activistes [islamistes, ndlr] et veulent les chasser de leurs terres. Le gouvernement les y aide ».
Le Pentagone insiste lui aussi sur le fait qu’il s’agit d’une initiative pakistanaise. Même si elle ressemble beaucoup à celle prise par l’armée américaine en Irak en faveur des tribus sunnites après leur rupture avec les militants d’al-Qaïda. Avec succès. Washington et Islamabad pensent manifestement que ce « modèle » irakien peut leur servir à déloger les islamistes armés et les talibans de leurs refuges pakistanais. En misant, non sans risque, sur la colère des habitants des zones tribales, chassés par dizaines de milliers de leurs villages, depuis le mois d’août.
« …des voix critiques se font déjà entendre et estiment que l’armement de milices locales n’est pas sans danger parce qu’il indique une démission de l’Etat et par ailleurs certains rappellent que ce jeu d’alliance n’est que temporaire… »