Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Crise de l'eau dans les Territoires palestiniens

Article publié le 25/10/2008 Dernière mise à jour le 26/10/2008 à 14:54 TU

Face à la sécheresse, les Palestiniens demandent un partage plus équitable de l’eau avec Israël. La sécheresse qui affecte la région Méditerranée frappe durement les Territoires palestiniens, pénalisés par un accès limité aux ressources en eaux contrôlées par Israël.

Berger palestinien, en Cisjordanie. De nombreuses sources d'eau sont polluées par le rejet des eaux usées.(Photo : Karim Lebhour/RFI)

Berger palestinien, en Cisjordanie. De nombreuses sources d'eau sont polluées par le rejet des eaux usées.
(Photo : Karim Lebhour/RFI)

 
De notre envoyé spécial à Yatta, en Cisjordanie, Karim Lebhour

Yatta attend la pluie. Depuis le mois de mars, le ciel de cette région du sud de la Cisjordanie est resté sec et les premières averses d’hiver se font toujours attendre. De mémoire d’homme, l’année 2008 est l’une des plus arides depuis vingt ans. « Normalement, la moyenne des précipitations dans la région de Yatta est de 300 mm par an. Depuis l’année dernière, nous sommes tombés à 180 mm », constate Ishaq al-Horainat, responsable du service des eaux de cette municipalité de 75 000 âmes, au sud d’Hébron.

Le puits qui fournit la ville est au plus bas et la compagnie nationale israélienne Mekorot a réduit son approvisionnement de 20%. Conséquence, dans la plupart des habitations de Yatta, l’eau est coupée depuis plus de quatre mois. Pour sa consommation, la famille de Zohra Azazi ne peut compter que sur les camions-citernes qui parcourent les villes et villages des environs. Une eau vendue au prix fort, au moins dix fois plus cher que l’eau de la municipalité. « J’ai arrêté de laver le sol de la maison. Même pour les vêtements, c’est devenu très difficile. Toute l’eau que nous achetons, nous l’utilisons pour se laver, cuisiner et pour boire », témoigne cette mère de famille.

La Croix-Rouge et les organisations humanitaires organisent désormais des distributions d’eau aux populations les plus fragiles. « Dans les villages les plus éloignés, le prix de l’eau livrée par les camions-citernes atteint jusqu’à 30 ou 40 shekels par mètre cube (entre 6 et 8 euros). Cela fait peser une pression financière insoutenable pour les familles les plus démunies, explique Stephen Williams, chef de mission d’Action contre la faim Espagne (ACF) à Jérusalem. La sécheresse affecte aussi les pâturages. Bédouins et bergers sont forcés de vendre leurs animaux, faute de pouvoir acheter du fourrage pour nourrir les troupeaux qui ne trouvent plus rien à brouter », ajoute t-il.

Quinze litres d’eau par jour et par personne  

Les Palestiniens de cette région du sud de la Cisjordanie doivent parfois se contenter de 15 litres d’eau par jour et par personne. Une quantité bien insuffisante au regard des 100 litres jugés nécessaires par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Au total, les Palestiniens consomment 3,5 fois moins d’eau que leurs voisins israéliens. Tout est affaire de contrôle et de partage des ressources.

Dans son bureau de Ramallah, Shaddad Attili le responsable de la Palestinian Water Authority (PWA) avoue son impuissance. « Je suis un ministre virtuel, gromelle-t-il. Tout ce que je peux faire c’est de la gestion de crise et envoyer des camions-citernes dans les régions les plus touchées ». Sur la carte accrochée dans son bureau, Shaddad Attili montre la nappe phréatique partagée avec Israël, qui réside pour sa plus grande partie dans le sous-sol palestinien.

L’accès des Palestiniens à ces réserves est strictement contrôlé par l’Etat hébreu. « Je ne peux même pas raccorder deux tuyaux sans l’autorisation d’Israël. Si je veux creuser un puits, je dois obtenir l’accord de treize départements différents qui ont tous une bonne raison de me le refuser », poursuit Shaddad Attili. Depuis 1967, date de l’occupation des Territoires palestiniens par Israël, aucun nouveau puits palestinien n’a été autorisé dans la nappe phréatique ouest, la plus profonde et la plus abondante. 

Il pleut davantage à Ramallah qu'à Paris !

L’eau est un enjeu essentiel des négociations en cours pour un accord de paix. Les Palestiniens n’ont actuellement accès qu’à 20% des ressources partagées avec Israël. « Nous demandons un partage plus équitable », explique Shaddad Attili. « Cette terre est loin d’être aride. Le manque d’eau n’a rien à voir avec celui que connaît un pays comme la Jordanie. Il pleut davantage à Ramallah qu’à Paris ! », renchérit Clemens Messerschmid, expert en eau allemand qui travaille dans les Territoires palestiniens depuis douze ans. En moyenne annuelle, Ramallah reçoit en effet 680 mm de pluies contre 630 mm pour la ville de Paris.

Pour Clemens Messerschmid, le problème réside dans une consommation irraisonnée des ressources côté israélien. Les Israéliens consomment deux fois plus d’eau que les Français, 280 litres par personne et par jour contre 137 litres en France, dont la grande partie au profit d’une agriculture qui ne représente que 2% de la richesse nationale. La sécheresse qui s’installe durablement pourrait changer ces habitudes. « Cette année pour la première fois, les Israéliens ont cessé d’arroser les gazons verdoyants que l’on voit sur les ronds-points, s’amuse l’hydrogéologiste. J’ai en même vu avec du gazon artificiel ».