Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Chine/Taiwan

Visite historique d'un haut responsable chinois à Taipeh

par Sophie Malibeaux

Article publié le 03/11/2008 Dernière mise à jour le 04/11/2008 à 00:05 TU

La Chine a envoyé à Taiwan ce lundi et pour cinq jours Chen Yunlin, son plus haut responsable chargé des relations avec les autorités de l’île. C’est le dernier signe en date du réchauffement entre Pékin et Taipeh, depuis l’élection de Ma Ying-jeou, candidat du Kuomintang, à la présidence de Taiwan en mars dernier.

Déjà, le 13 juin 2008, la signature, à Pékin, d’accords permettant notamment l’ouverture de liaisons aériennes directes, était qualifiée d’historique. Le deuxième round de pourparlers l’est tout autant, du fait qu’il se déroule sur le sol taiwanais. Depuis la fin de la guerre civile entre communistes chinois et nationalistes,  il y a soixante ans, c’est la première fois qu’un officiel chinois d’un rang aussi élevé est accueilli à Taipeh.

Le Chinois Chen Yunlin (d), responsable de l'Association pour les relations dans le détroit de Taiwan (ARATS) et son homologue taiwanais Chiang Chiang Pin-kung accompagnés de leurs épouses, ce lundi 03 novembre à Taipeh.(Photo : Reuters)

Le Chinois Chen Yunlin (d), responsable de l'Association pour les relations dans le détroit de Taiwan (ARATS) et son homologue taiwanais Chiang Chiang Pin-kung accompagnés de leurs épouses, ce lundi 03 novembre à Taipeh.
(Photo : Reuters)


Chen Yunlin est arrivé à Taipeh ce lundi à la mi-journée sous la pluie et sous les huées des manifestants indépendantistes, très mobilisés depuis l’annonce de la visite du haut-responsable chinois. Le mois dernier, la visite de son adjoint Zhang Mingquing à la tête de l’Association pour les relations dans le détroit de Taiwan (organisme officiel de la Chine continentale connue sous le signe ARATS), s’était très mal passée. Il avait été bousculé et jeté à terre lors de sa visite à Tainan dans le sud de Taiwan, ce qui avait provoqué la colère de Pékin.  Pour éviter un nouvel incident, un déploiement de quelque 7000 policiers est censé garantir la sécurité du haut responsable chinois présent sur le sol taiwanais jusqu’en fin de semaine.

Le président taiwanais contesté…

Les contestataires qui étaient parvenus à rassembler quelque 600 000 personnes le 25 octobre 2008, lors du passage de Zhang Mingquing, ont prévu de nouveaux rassemblements de masse en ce début de semaine. Lundi, mardi et mercredi, le DPP (Democratic Progressive Party) grand perdant des dernières élections, appelle ses militants à occuper les alentours du Parlement. 100 000 personnes sont attendues pour un sit-in au cœur de Taipeh. Cette mobilisation repose sur l’inquiétude d’une fraction de l’opinion taiwanaise selon laquelle la nouvelle équipe au pouvoir serait sur le point de « vendre Taiwan à la Chine ». Pour couper court à ces allégations, le président Ma a déclaré qu’il « ne céderait pas d’un pouce sur la souveraineté de Taiwan », dans une interview accordée au quotidien de Taipeh United Daily News.

…Mais en position de force

Le fait est que de nombreux Taiwanais nourrissent des attentes très concrètes à la suite des accords passés entre leur gouvernement et Pékin. Déjà fragilisée et extrêmement dépendante de ses résultats à l’exportation, l’économie taiwanaise souffre du ralentissement de la demande mondiale. L’intensification des échanges avec la Chine continentale est donc perçue comme une bouée de sauvetage.

Les accords de juin 2008 étaient un signal fort mais d’un impact limité. Ils débouchaient notamment sur la mise en service de 36 vols réguliers le week-end entre cinq villes chinoises du continent et de Taiwan. Désormais, il est question d’autoriser 108 vols par semaine à destination de 16 villes de Chine continentale. Cette information divulguée par l’agence de presse officielle taiwanaise China News n’a pas été confirmée officiellement. Elle est cependant venue gonfler les rumeurs circulant dans les rangs de l’opposition, selon lesquelles Pékin et Taipeh auraient d’ores et déjà négocié leur rapprochement dans l’ombre.

Le négociateur chinois Chen Yunlin est néanmoins arrivé à Taiwan accompagné d’une délégation de 60 responsables officiels et hommes d’affaires chinois. Le gouvernement taiwanais devrait obtenir de Pékin une levée des restrictions qui ont encore –malgré l’accord de juin- limité le flux des touristes chinois.

Ma Ying-jeou pourrait également pousser la Chine à fournir des garanties concernant la sécurité alimentaire de ses produits alimentaires, à la suite du scandale sur le lait et autres aliments contaminés à la mélamine.

De fait, l’actuel président reste le candidat favori de Pékin pour un renouvellement de son mandat à l’échéance 2012, et devrait être conforté dans la voie du dialogue, pour une intensification des échanges des deux côtés du détroit. 

En revanche, les spécialistes ne s’attendent pas à des gestes significatifs sur le plan politique. Le président taiwanais qui a fait campagne sur le nécessaire rapprochement avec Pékin, avait néanmoins affirmé qu’il demanderait le retrait des missiles pointés par l’armée chinoise sur l’île de Taiwan. Il ne semble pas que la question soit désormais à l’ordre du jour, indique le chercheur Benoît Vermander de l’Institut Ricci.

Benoît Vermander

Directeur de l'Institut Ricci de Taipeh

« Une majorité de Taïwanais est favorable à la visite de Chen Yunlin et espère des liens entre les deux rives, pour faire face à la crise économique ».

03/11/2008

« La communication permettra de promouvoir la confiance mutuelle et la coopération conduira à une relation gagnant-gagnant » s’est borné à déclarer le responsable chinois des relations dans le détroit.

Une frange indépendantiste en voie de radicalisation

Il n’est pas sûr que cela apaise les velléités des indépendantistes dont une fraction est extrêmement déterminée. Ceux-là craignent que l’interdépendance vis-à-vis de l’économie chinoise entraîne la disparition pure et simple de Taiwan de l’agenda politique international, à commencer par une éventuelle représentation de l’île dans les instances des grandes organisations internationales.

C’était l’un des chevaux de bataille de la précédente administration. Le successeur de Chen Shui-bian a manifestement d’autres priorités, même si son opinion lui impose de maintenir un rythme raisonnable dans l’établissement de rapports dépassionnés avec Pékin. Le risque, au cas où Pékin dicterait un rythme trop rapide vu de Taiwan,  serait d’assister à une radicalisation des mouvements indépendantistes.

Avant l’arrivée à Taipeh du négociateur chinois, des groupes d’opposants ont fait monter les enchères pour récompenser les contestataires qui oseraient jeter des œufs en direction de Chen Yunlin : 1000 dollars pour celui qui parviendrait à le toucher au visage. Plus qu’une simple provocation, ce pourrait être l’expression d’une radicalisation des pro-indépendantistes.

A écouter

La délégation chinoise n'est pas la bienvenue à Taipeh

Par notre correspondante à Hong Kong, Florence de Changy
« Certains ont prévu des pétards toute la nuit pour empêcher la délégation chinoise de bien dormir et trois jours de manifestations diverses sont prévues. »

03/11/2008

Bathélémy Courmont, responsable du bureau taiwanais de l’IRIS

« Taiwan craint beaucoup pour son économie dans les prochains mois et le président taiwanais Ma Ying-jeoud (...) fait les frais de la crise économique internationale. »

03/11/2008