Article publié le 15/11/2008 Dernière mise à jour le 15/11/2008 à 06:34 TU
Trois mois après le coup d’Etat du 6 août, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi a été transféré jeudi de Nouakchott à Lemden. Depuis son village natal, il multiplie désormais les contacts avec ses partisans et aussi avec les journalistes. Le président renversé est toujours sous surveillance militaire, avec interdiction de quitter les lieux. Mais il peut recevoir qui il veut, quand il veut.
Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, sur le perron de la maison de son frère cadet, à Lemden. Les journalistes sont venus nombreux jeudi et vendredi pour le voir et l'interviewer. C'est la première fois que la presse a accès au président renversé depuis le coup d'Etat du 6 août dernier.
( Photo : RFI/ Riviere Manon )
De notre envoyée spéciale à Lemden, Manon Rivière
Pour voir Sidi Mohamed ould Cheilh Abdallahi, il faut désormais prendre la route. Après 250 kilomètres de bitume en direction d’Aleg, au sud-est de la capitale, un petit panneau bleu indique « Lemden » sur le bas côté gauche de l’asphalte. Il faut alors suivre une piste sablonneuse pendant une trentaine de minutes, entre les vaches, les ânes et les chèvres, avant d’arriver dans cette petite localité d’un millier d’habitants, posée au milieu des dunes.
Visiblement habitués au va-et-vient des voitures tout-terrain depuis 48 heures, les habitants de Lemden vous conduisent tout de suite vers la maison du frère du président Abdallahi. C’est ici qu’un mini studio de télévision a été installé, avec une parabole satellitaire. Car certaines agences de presse vivent sur place depuis le transfert du président déchu, jeudi matin.
« Il y a beaucoup de monde qui vient le voir, confirme Mohamed, un jeune caméraman mauritanien. C’était impressionnant surtout jeudi, quand il a reçu tous ses alliés politiques. Nous avons terminé le travail très tard, avant de reprendre très tôt le lendemain. »
Très sollicité par la presse
Ce vendredi soir, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi a prévu d’accorder de nombreuses interviews exclusives aux journalistes venus lui rendre visite. Devant les enfants du village, rassemblés pour l’occasion, le président enchaîne les entretiens, en arabe et en français, confortablement assis sur une chaise, sur le perron de la maison de son frère. « C’est bien que les journalistes repartent ce soir, confie Amal mint Cheikh Abdallahi, la fille du président qui assure aussi son service de presse. Le président est un peu fatigué par ces deux journées et il va pouvoir se concentrer tranquillement sur ses dossiers au cours des jours à venir. »
Car le séjour à Lemden risque de durer. Renversé le 6 août par un putsch militaire sans violence, le président déchu n’est toujours pas libre de ses mouvements. « Je ne suis plus prisonnier, mais je ne suis pas libre non plus », explique-t-il.
Président renversé par la junte militaire
« Bien que privé de ma liberté, je démens catégoriquement de m'être engagé à quitter la vie politique et je suis toujours le président légitime de la Mauritanie...Je réaffirme mon rejet du pouvoir auto-installé à Nouakchott depuis trois mois...»
Avenir politique incertain
Dès jeudi, le président renversé a donc reçu à Lemden la visite de ses sympathisants, rassemblés au sein du Front National de défense de la démocratie (FNDD). Mais peu de détails ont filtré de ces entretiens. « Les leaders politiques du Front m’ont simplement fait part de leur difficultés à exprimer leur position depuis le 6 août, autrement dit de leur incapacité à manifester pacifiquement », a confié Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi.
Avant de poursuivre : « Nous devons nous revoir très bientôt, si possible la semaine prochaine. » Le président déchu n’a pas donné de détails concrets sur sa future stratégie, ni sur celle de ses partisans. Il a toutefois précisé qu’il refusait pour le moment de collaborer aux futures Assises Nationales de la Démocratie, que le nouveau pouvoir militaire compte organiser prochainement.
Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi s’est enfin dit « choqué par la chasse aux sorcières » qui prévaut depuis quelques jours dans le pays. « Plusieurs personnalités opposées au coup d’Etat font aujourd’hui l’objet de poursuites judiciaires, et notamment mon premier ministre, Yahya ould Ahmed el Waghef », a déploré le président déchu.
Dans la cour intérieur de la maison du frère cadet de Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi, les enfants du village se sont réunis pour assister aux interviews réalisées par les médias étrangers. Dans la foule aussi, des sympathisants venus de Nouakchott pour soutenir l'ex-président.
( Photo : RFI/Manon Rivière )