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Mauritanie

La crise s’installe dans la région touristique de l’Adrar

Article publié le 23/11/2008 Dernière mise à jour le 25/11/2008 à 09:12 TU

Faute de clients, les vols charters des 5, 12 et 19 décembre entre Paris et la ville mauritanienne d’Atar ont été annulés. La Somasert, la société nationale qui affrète les appareils depuis le départ de Point Afrique peine visiblement à relever le défi. Sur place, les professionnels du tourisme s’inquiètent.


De notre envoyée spéciale à Atar,
Manon Rivière

Panorama de la ville d'Atar. «&nbsp;<em>70% des populations de l'Adrar vivent du tourisme&nbsp;»</em>, d'après les autorités mauritaniennes.(Photo : M. Rivière/RFI)

Panorama de la ville d'Atar. « 70% des populations de l'Adrar vivent du tourisme », d'après les autorités mauritaniennes.
(Photo : M. Rivière/RFI)


« Depuis un mois, nous n’avons eu que 14 clients. L’an dernier, à cette même date, on dépassait les 300 touristes ! » Dans son bureau de l’Agence Mauritanides Voyages à Atar, Kadi Mehdi feuillette son agenda, la mine fermée. « Cette année, nous avons dû mettre 19 guides au chômage. Moi-même, je fais du bénévolat ! »

Cela fait 14 ans que Kadi travaille dans le secteur du tourisme. Son agence, Mauritanides Voyages, était jusqu’à l’automne dernier le relais local de Point Afrique. A l’origine du développement de l’activité touristique dans la région de l’Adrar au milieu des années 90, le voyagiste français a finalement décidé de quitter la Mauritanie au terme d’une guerre commerciale avec la Somasert, l’entreprise nationale de service et de tourisme. « Moralité, on a tout perdu car Point Afrique avait de bonnes relations avec les tours opérateurs français. En plus, le vol de la Somasert est fixé au vendredi, or c’est un jour qui n’arrange pas les Français car il faut déposer un jour de congés supplémentaire », déplore encore Kadi Mehdi.

Secteur sinistré

Situé en plein centre d’Atar, l’hôtel Waha fait partie des établissements les plus confortables de la ville. Avec ses petits bungalows individuels climatisés et sa grande salle de restauration, l’hôtel jouit d’une capacité d’accueil d’environ cinquante personnes. Mais un mois après le début de la saison, les clients manquent désespérément à l’appel. « Actuellement, seule une chambre est occupée, confie Baba, cuisinier-serveur. Dans le dernier avion, il y avait très peu de monde et personne n’a pris de chambre chez nous. Nos prochaines réservations sont pour plus tard, en janvier. »

La crise touche aussi les artisans et les commerçants. Etroite et rustique, la boutique de Sidi Mohamed se trouve sur le rond-point central d’Atar. Ce vieux monsieur édenté travaille comme bijoutier depuis presque 10 ans et  vit essentiellement du tourisme. « La crise frappe toute la région, car normalement les femmes des oasis alentours viennent chez moi acheter des bijoux pour les revendre dans leurs villages aux voyageurs de passage. Cette saison est morte ! »

Le moral reste bon

Mohamed ould Boïdya, guide touristique à Atar&nbsp;: «&nbsp;<em>On ne fait rien, on passe le temps à boire du thé et à jouer à la belote en attendant les touristes</em>.&nbsp;»(Photo : Manon Rivière/RFI)

Mohamed ould Boïdya, guide touristique à Atar : « On ne fait rien, on passe le temps à boire du thé et à jouer à la belote en attendant les touristes. »
(Photo : Manon Rivière/RFI)

Un peu plus loin, dans la maison des guides d’Atar, les blagues fusent. Allongés sur des mousses colorées, une dizaine d’accompagnateurs boivent le thé autour de leur doyen, Mohamed ould Boïdya. « Nous sommes environ 70 guides professionnels sur la ville d’Atar. Mais depuis l’ouverture de la saison, on tourne au rythme de 2-3 circuits par semaine, explique cet homme aux yeux rieurs et à la fine moustache. Du coup, on ne fait rien ! On passe le temps à jouer à la belote. Si ça continue, on va pouvoir monter une équipe nationale ! »

Sa boutade déclenche une hilarité générale. Mais très vite, les préoccupations matérielles reprennent le dessus. « L’Etat ne fait pas assez pour organiser et dynamiser le secteur du tourisme, s’exclame Avelouate ould Hametou, jeune père de famille. Il manque un centre de formation des guides par exemple. Cela renforcerait aussi la sécurité des touristes, car aujourd’hui, n’importe qui peut se proclamer guide du jour au lendemain ! »

Evénements isolés

La sécurité, voici l’un des mots-clefs pour comprendre cette crise du tourisme en Mauritanie. Après l’assassinat de quatre touristes français l’an dernier dans le sud du pays, une certaine psychose s’est emparée des candidats européens au voyage. « Cette question sécuritaire – qui a été beaucoup amplifiée –  nous pénalise, admet Kadi Mehdi de l’agence Mauritanides Voyages. Or, les touristes doivent comprendre que la région de l’Adrar est facile à contrôler car c’est une zone de montagnes avec très peu d’issues. Tous le monde sait qui y rentre et qui en sort ».

Une analyse partagée par les autorités locales, qui font preuve d’un optimisme à toute épreuve. Le gouverneur de l’Adrar, Seydou Sall, se félicite notamment de la formation récente de Groupements de Lutte Anti Terroriste (GLAT). « Avant, notre capacité de riposte faisait défaut mais, avec les GLAT, tout a changé. Nous allons mettre en place un véritable bouclier militaire autour de notre zone touristique », confie cet administrateur. 

Paysage de l'Adrar, près de Terjit. «&nbsp;<em>La région es très facile à contrôler, car il s'agit d'une zone montagneuse</em>&nbsp;», explique un professionnel du tourisme local.(Photo : M. Rivière/RFI)

Paysage de l'Adrar, près de Terjit. « La région es très facile à contrôler, car il s'agit d'une zone montagneuse », explique un professionnel du tourisme local.
(Photo : M. Rivière/RFI)


Espoirs pour 2009

En janvier prochain, un important rallye auto-moto-camion doit traverser la Mauritanie. Il s’agit de l’Africa Race, dirigée par l’ancien pilote Hubert Auriol. Les populations de l’Adrar attendent cet événement avec impatience. « Le passage du rallye ne va pas forcément renflouer les caisses, mais au moins cela fera une bonne publicité pour la sécurité en Mauritanie », estime Mémi, un guide touristique.

Bien que trois vols sur quatre aient été annulés en décembre, le directeur de la Somasert demeure lui aussi confiant. « Je savais que les deux premiers mois allaient être difficiles, rappelle Mohamed ould Biyah. Mais nous espérons toujours que l’activité redémarre au premier trimestre de 2009 ».

Reste maintenant à communiquer au maximum, afin de motiver et de rassurer les touristes potentiels et les tours opérateurs français.