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Territoires palestiniens

La crise institutionnelle se profile

par Frédérique Misslin

Article publié le 24/11/2008 Dernière mise à jour le 25/11/2008 à 08:16 TU

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, s'exprimant devant le Conseil Central de l'OLP, à Ramallah, le 23 novembre 2008.(Photo : AFP)

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, s'exprimant devant le Conseil Central de l'OLP, à Ramallah, le 23 novembre 2008.
(Photo : AFP)

Si le dialogue inter-palestinien n’aboutit pas, le président Mahmoud Abbas se réserve le droit de convoquer des élections présidentielle et législatives, par décret. Cette annonce a été faite dimanche devant le Conseil central de l’OLP. Le Hamas refuse cette éventualité et la perspective d’une crise institutionnelle dans les territoires palestiniens se précise. Le mandat présidentiel arrive à terme en janvier prochain et le mouvement islamiste assure qu’il ne reconnaîtra plus Mahmoud Abbas comme président après le 8 janvier 2009.

Mahmoud Abbas a tenté dimanche de revêtir le costume de Yasser Arafat. Le Conseil Central de l’OLP (CCOLP) a désigné le président de l’Autorité palestinienne « président de Palestine ». Plus qu’une subtilité sémantique, la formule est très symbolique. « L’Etat de Palestine » a été proclamé par Yasser Arafat en 1988. Depuis la mort d’Abou Ammar, en 2004, le poste était resté vacant. Dans une mesure destinée à le renforcer politiquement, Mahmoud Abbas a donc été intronisé « président » d’un Etat qui n’existe pas.

Mahmoud Abbas a profité de cette réunion du CCOLP pour annoncer qu’il organiserait par décret, au début de l’année 2009, des élections présidentielle et législatives si aucun accord de réconciliation avec le Hamas n’était conclu d’ici-là. Dans ce cas, le scrutin devrait se tenir dans un délai de 90 jours. Le mouvement islamiste a immédiatement réagit : pas question de se soumettre à un tel vote.

Ce n’est pas la première fois que le président palestinien brandit un ultimatum de ce type. Il l’avait déjà fait en décembre 2006, quelques mois après la victoire du mouvement islamiste aux élections législatives. Une menace qu’il n’a jamais mise à exécution. Cette fois le contexte est différent : le mandat du président Abbas arrive à expiration le 8 janvier 2009. Le Hamas estime que Mahmoud Abbas tente une nouvelle manœuvre politique pour rester un peu plus longtemps au pouvoir. En tout cas, cette échéance ouvre la voie à une crise institutionnelle sur fond de divisions inter-palestiniennes, voire de violences.

Processus de réconciliation bloqué

Le dialogue entre les frères ennemis a été interrompu début novembre lorsque le Hamas a décidé de boycotter une rencontre de réconciliation organisée par l’Egypte. Le mouvement islamiste entendait ainsi protester contre la détention en Cisjordanie de 400 de ses sympathisants. De son côté, le Fatah assure qu’il s’agissait de prisonniers de droit commun. Un nouveau round de discussions est prévu pour le mois de décembre mais rien ne dit qu’il aura bien lieu car sur le fond les blocages restent les mêmes. Ainsi, Mahmoud Abbas a présenté au vote du CCOLP le texte d’accord proposé par le médiateur égyptien. Le document de sortie de crise prévoit la création d’un gouvernement provisoire accepté par toutes les factions et respectant le programme de l’OLP (reconnaissance de l’Etat d’Israël, ndlr). Le texte prévoit aussi la réforme des services de sécurité palestiniens, une question qui reste source de tensions entre le Hamas et le Fatah.

Dépourvue de continuité territoriale, l’Autorité palestinienne a déjà deux gouvernements (depuis le coup de force du Hamas en juin 2007) et pourrait donc avoir, dès l’année prochaine deux présidents. Mahmoud Abbas n’a visiblement pas l’intention de quitter son poste et le mouvement islamiste menace de désigner de facto Ahmed Bahar (actuel président du Conseil législatif palestinien par intérim) pour le remplacer.

Précarité institutionnelle

La Constitution de l’Autorité palestinienne fixe à 4 ans le mandat présidentiel. Mahmoud Abbas avait été élu le 8 janvier 2005. Il doit donc quitter son poste en janvier prochain mais il a d’ores et déjà prévenu : il envisage de rester président jusqu’en 2010, date du futur renouvellement du Parlement actuellement dominé par le Hamas. Pour justifier cette position, le Fatah s’appuie sur la loi électorale palestinienne qui stipule que les élections présidentielle et législatives doivent se tenir en même temps. Chacun des protagonistes agite selon ses besoins la loi fondamentale, la loi électorale et accuse l’autre camp d’actions illégales et inconstitutionnelles.

Pour Mahmoud Abbas, aucun doute : c’est le Hamas qui bloque toute négociation. Et pour preuve de sa bonne foi, le président palestinien ne cesse de répéter que l’Autorité continue en dépit du « putsch de 2007 » de verser les salaires des 77 000 fonctionnaires de la bande de Gaza. Le Hamas, lui, précise qu’il est d’accord pour organiser un scrutin présidentiel mais refuse l’idée de coupler ce vote avec des élections législatives.



Une mise en œuvre compliquée

Mahmoud Abbas veut donc convoquer des élections en 2009 si les négociations inter-palestiniennes piétinent. Mais le président palestinien n’a pas précisé sur quel argument juridique il allait s’appuyer pour organiser ce scrutin puisque rien dans la loi fondamentale ne l’autorise à dissoudre le Parlement dont le mandat court jusqu’en 2010. Rien ne lui interdit de le faire, soulignent ses partisans.

En admettant que Mahmoud Abbas arrive à faire passer l’idée d’élections générales anticipées, rien ne dit qu’elles pourront vraiment avoir lieu puisque les deux factions palestiniennes gèrent des territoires distincts. Sans accord préalable du Hamas, comment organiser le vote à Gaza ? Sans parler des restrictions imposées par les Israéliens. Un conseiller de Mahmoud Abbas a indiqué que si le mouvement islamiste refuse des élections à Gaza, le Fatah les organisera uniquement en Cisjordanie.

Le mouvement islamiste tient, lui, une position ferme « Abou Mazen (Mahmoud Abbas) a le droit d’annoncer une élection présidentielle car son mandat expire en janvier (…) quant aux législatives, elles doivent se tenir en 2010 ». Pour le mouvement islamiste, Mahmoud Abbas « souhaite simplement prolonger son mandat pour rester président et continuer les négociations avec Israël ». L’idée d’élections anticipées dans les territoires palestiniens ne déclenche pas non plus l’enthousiasme de l’Etat hébreu. D’après les éditions dominicales des médias israéliens, un rapport du Conseil national de sécurité affirme qu’il est dans l’intérêt d’Israël d’empêcher un vote dont le Hamas pourrait sortir vainqueur. Les Israéliens sont eux aussi appelés aux urnes en février prochain. Le nouveau président américain sera alors installé à la Maison Blanche.

Le rôle de l’OLP

Le régime palestinien est parlementaire et se base sur une séparation stricte des pouvoirs. Mais les institutions palestiniennes sont complexes et fragiles. L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) a créé en 1994, dans la foulée des accords d’Oslo, l’Autorité palestinienne. Cette instance regroupe les principaux mouvements nationalistes palestiniens, à l’exception du Hamas qui conteste sa légitimité.

L’OLP a donc aujourd’hui le pouvoir de dissoudre ce qu’elle a fondé et conserve la primauté sur les autres institutions palestiniennes comme le Conseil Législatif palestinien (le Parlement dominé par le Hamas). Un état de fait qui devrait perdurer tant que le futur Etat palestinien n’aura pas vu le jour de façon effective.

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A écouter

Bernard Botiveau, spécialiste du Proche-Orient

« C'est la décision de Yasser Arafat, prise en 1988, qui a été réutilisée, à l'occasion du 20e anniversaire, par Mahmoud Abbas, pour lui donner plus de poids et le déclarer président de l'Etat de Palestine. »

24/11/2008