par RFI
Article publié le 13/12/2008 Dernière mise à jour le 14/12/2008 à 16:54 TU
Le journaliste, animateur de radio et musicien Alphonse-Marie Toukas est décédé vendredi 12 décembre 2008, à l’âge de 73 ans. Il a animé sur RFI le concours de variétés Découvertes RFI et l'émission Mille Soleils. Tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer garderont de lui le souvenir d'un homme plein de talent et d'une générosité incomparable. RFI lui rend hommage pour ses qualités professionnelles et humaines qui ont contribué à l'enrichissement de notre antenne.
La France sera sa terre d’exil, la première fois en 1964. Deux ans plus tard, sa tentative de retour au Congo avorte et il revient à Paris. En 1983, il repart à nouveau pour Brazzaville. Dix ans plus tard, la dégradation de la situation politique au Congo le contraint à revenir à Paris. « Mille Soleils a été lancée en 1974 de l'idée commune de Jacqueline Sorel et de moi-même pour promouvoir les cultures africaines. » Alphonse-Marie Toukas ou l'extinction d'un éclat de rire et de vie. Par Théogène Karabayinga Il était d'abord et surtout cela, Alphonse-Marie Toukas. Un éclat de rire, spontané, sincère, contagieux.
Pendant les trois périodes d’exil en France, il travaille à Radio France Internationale, France Inter, France Culture…
1976 : l'émission «Tapage nocturne » débute sur RFI
Sur RFI, Alphonse-Marie Toukas a notamment animé l’émission Mille Soleils. Il est aussi le père du concours Découvertes RFI, destiné à promouvoir les jeunes artistes des musiques du Sud.1975 : générique du concours « Découvertes » de RFI
Le parcours de Alphonse-Marie Toukas figure parmi les portraits choisis par la Cité nationale de l'histoire de l'immigration : Le chef à qui on ne peut pas commander. En effet, ce musée de l'immigration en France souhaite ainsi faire connaître à travers une galerie de portraits « les histoires singulières de ces hommes et de ces femmes qui par leur parcours et leur apport ont participé à la construction de la société française actuelle ».
2006 : la dernière émission « Mille Soleils »
Jacqueline Sorel, créatrice de l'émission Mille Soleils, se souvient d'une histoire qui nous rappelle la générosité qui caractérisait Alphonse-Marie Toukas.
Je me souviens encore comme si c'était hier de ma première rencontre avec celui qui, pour nous jeunes africains qui l'écoutions à la radio, était une légende, une icône, une référence. C'était il y a 28 ans, en 1980. Alors jeune stagiaire à RFI, c'est lui qui m'accueillit et m'ouvrit les portes de cette maison dont je ne maîtrisais pas encore les codes de fonctionnement. Entre les clans, les chapelles et autres ethnies de la maison, son rire me guida avec l'assurance et le doigté du grand-frère qu'il ne cessera jamais d'être pour moi.
Je me souviens aussi qu'en 1982, au moment de me passer les clés de l'émission Mille Soleils qu'il animait depuis sa création en 1973, il me dira ces mots en guise de transmission de témoin : « J'ai fait ce que j'ai pu, mais la culture africaine reste dramatiquement absente sur les antennes de RFI. Tu dois continuer le combat ». Je ne sais pas si j'ai respecté la promesse que je lui ai faite ce jour-là, mais quand je l'ai invité en studio lorsque Mille Soleils a été supprimée en 2007, pour la toute dernière émission, il m'avait dit, presque la larme à l'oeil, que c'était un peu de lui-même qui disparaissait aussi.
Car Alphonse-Marie Toukas, c'était aussi et surtout cela. Un combat incessant, à travers ses multiples productions, pour la promotion de la culture africaine (une maison de disque, Mille Soleils, Taram tam tam, le concours Découvertes qu'il créa avec Jacqueline Sorel et Françoise Ligier, et qui fait encore aujourd'hui les beaux jours de RFI, etc...).Créateur d'une petite maison d'édition il y a quelques années, après avoir pris sa retraite de RFI qu'il aura servi pendant une vingtaine d'années, Alphonse-Marie Toukas sera resté fidèle jusqu'au bout à ce qui aura été le moteur de sa vie : brasser des idées toujours nouvelles pour la défense et la promotion de la culture africaine.
Un dernier mot pour celui à qui je dois tant. Originaire du Congo-Brazzaville, Alphonse-Marie Toukas ressemblait jusqu'à la caricature au fleuve qui arrose et nourrit son pays. Comme le fleuve Congo, en effet, il charriait une grande abondance de générosité. L'épaule toujours disponible, le portefeuille toujours ouvert, l'invitation au « restau » du coin toujours prompte pour panser les plaies et toujours pour relativiser nos petits malheurs et faire revenir le soleil dans les yeux, ce magnifique éclat de rire qui restera gravé dans la mémoire de tous ceux qui l'ont côtoyé.
Ah !!! Encore une chose... Pour tous ceux que j'aurais pu abuser avec ma pseudo-grande sagesse africaine, en les assommant avec cette maxime qui dit que « les chemins de la vie sont toujours à monter et jamais à descendre », qu'ils m'excusent et me pardonnent. Je l'ai apprise et la doit à... Alphonse-Marie Toukas.
Créatrice de l'émission Mille Soleils sur RFI
« Il a préféré héberger des sans-papiers ; c'était la générosité de Toukas – qui lui a coûté cher finalement car il a été expulsé de son logement. »