Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Belgique

Affaire Fortis : le gouvernement présente sa démission

Article publié le 19/12/2008 Dernière mise à jour le 20/12/2008 à 00:24 TU

Le Premier ministre belge, Yves Leterme, à la Chambre des représentants, le 18 décembre 2008.(Photo : AFP)

Le Premier ministre belge, Yves Leterme, à la Chambre des représentants, le 18 décembre 2008.
(Photo : AFP)

L'affaire Fortis a eu raison du gouvernement belge. L'équipe d'Yves Leterme a présenté sa démission au roi après que la plus haute instance juridique belge a accusé les services du Premier ministre d'avoir tenté de faire pression sur la justice dans le dossier du sauvetage de la banque Fortis. Vendredi soir, le roi Albert II, auquel il appartient d'avaliser ou non la décision, a annoncé qu'il réservait sa réponse.

Avec notre Bureau de Bruxelles

Dès que le gouvernement belge apprend qu’il est assigné en justice par les actionnaires de la banque Fortis, il tente, plus ou moins discrètement, d’influencer le tribunal. Mission accomplie : les plaignants sont déboutés. Mais hargneux, ils font appel de la décision. A partir de là, les pressions se font plus précises, notamment entre un magistrat et l'un de ses anciens collègues, entré au Cabinet du Premier ministre.

Par l’un des juges de la Cour d’appel - qui est à la ville l'épouse d’un responsable politique proche du Premier ministre - le gouvernement est tenu au courant en temps réel des décisions des magistrats. En service commandé, le procureur du roi tente, mais en vain, de faire changer les juges, de reprendre l’affaire à zéro.

Et là, premier coup de théâtre : convaincu d’avoir raison, agacé par les révélations dans la presse, le Premier ministre, sans consulter quiconque, fait distribuer aux parlementaires le texte d’une lettre qu’il vient d’envoyer à son ministre de la Justice. Retour de boomerang immédiat, fait sans précédent, le premier président de la Cour de cassation se plaint auprès du président de la chambre basse du Parlement des interventions de l’exécutif dans la procédure judiciaire. La suite est connue : la démission du ministre de la Justice entraîne celle du gouvernement.

Sur le papier, Yves Leterme avait tout pour lui : parfait bilingue, né de père francophone et de mère néerlandophone, il pouvait passer pour un modéré, d’autant plus porté sur le consensus qu’il avait été fonctionnaire européen. Mais il a été à la fois victime de sa génération d’élus, qui contrairement à leurs aînés, ont fait carrière en politique d’un seul coté de la frontière linguistique ; et de son caractère psycho-rigide et peu porté sur le travail d’équipe.

Après une carrière en Flandre, où sa fermeté lui a permis d’aller de succès électoral en promotion flatteuse, il s’est montré incapable de s’adapter au niveau fédéral, qui requiert habileté, doigté, et une idée claire des objectifs que l’on peut raisonnablement s’assigner.

Neuf mois auront été nécessaires pour former son gouvernement, neuf autres mois auront suffit à l’enterrer. Aussi célèbre ici que George Bush, pour sa propension à la maladresse, raillé pour avoir révélé que c’est son chauffeur qui noue sa cravate tous les matins, il laissera, le jour de son départ, le souvenir d’un chef de gouvernement dont les mauvaises langues au Parlement répétaient qu’il aurait, peut-être, fait un bon secrétaire d’Etat.

 

Toute l’activité, particulièrement fébrile, du Premier ministre au cours de la journée et de la soirée de jeudi visait, justement, à empêcher toute démission individuelle ou collective de son gouvernement, en place depuis neuf mois seulement. Et là aussi, la stupéfiante psychorigidité d’Yves Leterme aura provoqué le contraire de l’effet escompté.

A bout et en proie à une vive dépression, son camarade de parti, le ministre de la Justice, Jo Vandeurzen, a annoncé sa démission en fin d’après-midi et peu après, le Premier ministre convoquait ses collègues à une réunion d’urgence, afin de leur proposer de jeter l’éponge et de l’autoriser à présenter au roi la démission de l’ensemble du gouvernement.

C’est la faillite d’un style - celui d’un chef de gouvernement, sûr de son inspiration et de son bon droit, multipliant en solitaire les maladresses - bien plus que celle d’un système, que marque cette nouvelle étape dans la descente aux enfers du gouvernement Leterme. Le roi a indiqué dans la soirée qu'il réservait sa réponse quant à cette démission.

En attendant, « la réalité juridique », c’est que la vente de Fortis à BNP Paribas est gelée jusqu’au 12 février, alors que l’offre de la banque française reste valable jusqu’au 24 février.

Pierre Magos, journaliste politique à la RTBF

Les différentes étapes de la chute du gouvernement Leterme

«Il s'est littéralement cassé les dents dans la formation d'un gouvernement orange-bleu, entre les sociaux-chrétiens et les libéraux.»

19/12/2008 par Edmond Sadaka