par Didier Samson
Article publié le 23/12/2008 Dernière mise à jour le 23/12/2008 à 13:48 TU
Agé de 74 ans, Lansana Conté, qui se savait condamné, avait visiblement fait le choix de rester au pays, voyageant très peu et se montrant très peu aussi sur la scène politique de son pays. Son état de santé, qui n’était plus un mystère pour personne, alimentait périodiquement les rumeurs à Conakry. Ces voyages au Maroc ou à Cuba pour y subir des soins étaient interprétés comme d’ultimes soubresauts d’un corps malade.
Ces adversaires politiques en panne d’idées pour le faire partir du pouvoir s’en remettaient à la destinée et à la mort inéluctable de tout homme, pour espérer un jour connaître un véritable changement de régime en Guinée. Le diabète chronique dont souffrait le président aurait rendu une plaie au pied incurable, ce qui a considérablement réduit sa mobilité. Mais « j’ai mal au pied et non à la tête », s’amusait-il, en réponse à l’opposition politique qui pointait l’incapacité physique du président à gouverner.
Lors de l’élection présidentielle controversée du 21 décembre 2003, le président aurait voté depuis son véhicule 4x4 climatisé, confortablement installé, l’urne ayant été exceptionnellement déplacée jusqu’à lui. Les résultats de cette présidentielle ont donné, dès le premier tour, Lansana Conté vainqueur avec plus de 95% des suffrages. Le scrutin avait été boycotté par l’ensemble de la classe politique sauf Bhoye Barry, adversaire plutôt proche du pouvoir.
Conté a pris goût au pouvoir
Lansana Conté, qui dit lui-même être venu à la politique « par hasard », avait fini par prendre goût à la fonction en installant autour de lui un régime qui lui est tout dévoué. Pour ce faire, il a emprunté à son défunt prédécesseur et dictateur, Sékou Touré, certaines méthodes de gestion personnelle du pouvoir. Pour l’appuyer dans cette œuvre, il avait fondé le Parti de l’unité et du progrès (PUP), à la faveur de l’adoption d’une nouvelle constitution ( 23 décembre 1990) et qui instaurait le multipartisme en 1992.
Le PUP, le parti présidentiel devenu une machine à gouverner, avait soigneusement préparé le premier scrutin présidentiel libre du pays qui a vu la victoire du général Lansana Conté avec 50,93% des suffrages dès le premier tour, le 19 décembre 1993. L’opposition politique avait demandé en vain l’annulation de cette consultation qui s’était déroulée dans un contexte de violences et d’intimidations de toutes sortes.
Aux premières élections législatives qui ont suivi, en 1995, le PUP raflait la mise et devenait majoritaire dans la nouvelle Assemblée nationale. Au fil des ans, le président Conté installe un réel pouvoir politique qui manifeste ainsi sa volonté de rester aussi longtemps que possible au pouvoir. Malgré une hostilité de plus en plus forte à sa politique, le général Lansana Conté est resté imperturbable, consentant toutefois des plates-formes de discussion avec les leaders des partis d’opposition.
Le président guinéen, confronté à une tentative de rébellion en février 1996.
« Ceux qui veulent prendre le pouvoir ne l'ont pas encore. Je ne vous dirai pas où je me trouve. Je suis en lieu sûr, dans la capitale. »
Confronté à une rébellion militaire, Lansana Conté, lance un appel aux soldats sur la radio d'Etat.
« Aux soldats qui réclament leurs salaires, je demande de rentrer dans les camps, je vais réaliser ce que j'ai promis. Laissez dans les rues ceux qui veulent prendre le pouvoir. »
Sa réélection en décembre 1998, à 56,12% des voix est aussi entachée de protestations massives, mais le président qui supporte de moins en moins que sa politique soit brocardée, jette une figure de l’opposition, Alpha Condé, président du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG), en prison. Il s’attire les remontrances des bailleurs de fonds, des institutions internationales et de l’Union européenne qui mettent en place des sanctions économiques contre la Guinée.
Alors que la Guinée s’enfonçait dans une crise économique majeure, une révision de la constitution est envisagée pour lever les limitations d’âge et de mandat qui auraient pu empêcher Lansana Conté de se présenter à nouveau à la présidentielle de 2003. Il fait descendre l’armée dans les rues pour empêcher l’opposition de faire campagne pour un « non » à la révision constitutionnelle, adoptée par référendum en novembre 2001 par 98,36% des voix.
La confiance n’exclut pas la méfiance
Le général Lansana Conté, même s’il se vante d’assises populaires avec son parti politique, le PUP, n’oublie pas cependant son appartenance à l’armée qu’il appelle souvent au secours pour mâter toute forme de contestation de son pouvoir. Depuis son installation dans le fauteuil présidentiel en 1984, Lansana Conté n’a jamais quitté son domicile du Camp militaire Samory Touré à Conakry.
Mais la confiance dans l’armée n’exclut pas la méfiance. Aussi, avait-t-il interdit, avant l’élection présidentielle de décembre 2003, à tous les soldats de la place de Conakry le port d’armes. Aucun véhicule militaire ne pouvait entrer ni sortir des casernes militaires si des autorisations spéciales n’étaient pas dûment exhibées. Mais l’agression tant redoutée contre sa personne allait plutôt venir des quartiers de la capitale le 19 mars 2005. Le cortège présidentiel avait essuyé ce jour des tirs entre Bambéto et la cité Enco 5, sur la route de Dubréka. Depuis plusieurs années, le président avait aussi fait de Dubréka, petite ville provinciale d’où il est originaire, un des hauts lieux de la République. Très attaché au terroir, il se disait « paysan et soldat ». En effet, fils de paysans, il possède également des exploitations agricoles dans sa région, à l’ouest de Conakry où l’ethnie Soussou, dont il est issu, est majoritaire.
De l’enfant de troupe au fauteuil présidentiel
Né en 1934 à Moussayah-Loumbaya, non loin de Conakry, c’est à l’âge de 16 ans que Lansana Conté entre à l’Ecole des enfants de troupes de Bingerville, en Côte d’Ivoire, et obtient le grade de sergent de l’armée française au moment où la Guinée accédait à l’indépendance en 1958. Il entame une formation à l’Ecole des officiers du Camp Alpha Yaya Diallo d’où il sortira en 1962 avec le grade de sous-lieutenant et rejoint son premier poste d’affectation au Centre d’instruction d’artillerie de Kindia.
De retour à Conakry en 1963, il devient Trésorier-payeur du Camp Samory Touré et accède au grade de capitaine au début des années 70. Promu commandant de la région militaire de Boké, il gravit rapidement les différents échelons de la hiérarchie militaire en devenant chef d’Etat-major adjoint de l’armée de terre. Le président Sékou Touré le félicitait ainsi pour sa participation active à la guerre de libération en Guinée-Bissau contre la colonisation portugaise, en tant qu’officier d’encadrement et devient colonel de l’armée guinéenne en 1982.
Une semaine après la mort du président Sékou Touré, le 3 avril 1984, il est à la tête d’un groupe d’officiers qui prend le pouvoir à Conakry en instaurant un Comité miliaire de redressement national. Il est alors désigné président de la République et élevé au grade de général un an plus tard. Père de cinq enfants, le génaral Conté était de confession musulmane. Polygame, il était divorcé d’une première épouse avant de prendre en seconde noces Henriette Conté, une chrétienne puis Kadiatou Camara une musulmane.
Message de bienvenue au Président Mitterrand à Conakry en 1986
« Votre visite monsieur le Président s'effectue à un moment historique de l'évolution de notre peuple. Il s'agit d'instaurer un Etat de droit, garantissant les libertés des guinéens...».
Le président guinéen en visite à Moscou
« Mon Dieu, vous allez cesser de raconter des histoires, vous... Si j'achète des armes, est-ce-que ça vous regarde ? Des armes contre qui ? Contre le Libéria, c'est ce que vous croyez parce que vous êtes là-bas. »
Consultez les archives de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) sur Lansana Conté et la Guinée.