par Stéphane Lagarde
Article publié le 26/12/2008 Dernière mise à jour le 26/12/2008 à 20:43 TU
La mission est « historique ». C’est la première fois en effet, depuis le XVe siècle, qu’une partie de la flotte quitte ainsi cette base navale de l’île tropicale de Hainan, à l’extrême sud de la Chine, pour s’aventurer bien au-delà des eaux territoriales chinoises. 800 hommes sont à bord dont 70 soldats des forces spéciales de la marine. Le groupe naval doit rejoindre la force multinationale qui patrouille déjà entre le Yémen et la Somalie.
Cette première phase pourrait durer au moins trois mois à en croire le China Daily. Elle sera suivie par d’autres rotations « en fonction de la situation et du Conseil de sécurité de l’ONU ». Les trois navires de guerre escorteront « gratuitement » les cargos portant les pavillons de la Chine continentale, de Hong-Kong, de Macao et de Taiwan ainsi que « les bateaux étrangers en fonction des demandes ». La flotte sera opérationnelle dès le 6 janvier prochain et devrait également transporter « de l’aide humanitaire pour les organisations internationales telles que le Programme alimentaire mondial ».
« Mission compliquée et à long terme »
Il s’agit d’une mission « compliquée et de long terme », a expliqué le contre-amiral Du Jingcheng. Le commandant en chef de la flotte de Sud de la Chine et premier responsable de cette opération a confié aux journalistes venus visiter la base que ses hommes étaient prêts. Une fierté qui transparaît dans les témoignages rapportés par l’Agence Chine Nouvelle : « La fierté est trop forte et fait oublier les souffrances et la rigueur des entraînements » avoue Ding He, 21 ans. Ce soldat au teint bronzé natif de la province du Hebei à l’Est du pays, est l’un des plus jeunes embarqués sur le 169 Wuhan. Il s’agit ici de sa première mission à l’étranger et il est visiblement loin d’être le seul dans ce cas. Jusqu’à présent la Marine de l’armée populaire de libération, créée en 1949, limitait ses opérations à des exercices conjoints avec les flottes étrangères. Et il faut remonter à la dynastie Ming et aux grandes croisières de l’amiral Zheng He sur les côtes de l’Afrique de l’Est et de l’Arabie méridionale pour retracer une telle équipée.
« Doctrine de non-ingérence »
Officiellement, Pékin maintient que sa « doctrine de non-ingérence » est maintenue. Mais certains y voient un premier pas vers d’autres engagements et un renforcement des forces maritimes du pays. La veille de Noël, Huang Xueping, le porte-parole du ministère de la Défense a ainsi rappelé que le pays envisageait de se doter d’un porte-avions pour renforcer sa défense nationale. Liu Jianchao a, lui, sorti la calculatrice et fait le compte des dégâts subis par les navires de commerce croisant dans les eaux de la Corne de l’Afrique. Selon le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, 1 265 bateaux chinois ont emprunté le golfe d’Aden cette année et sept ont été attaqués par les pirates. Cette première mission dans les eaux somaliennes pourrait donc constituer « un message politique fort à la communauté internationale ». « La Chine avec sa force militaire et économique actuelle, veut jouer un plus grand rôle dans le maintien de la paix et la sécurité internationale », souligne ainsi un chercheur de l’Institut des relations internationales contemporaines cité par le China Daily.
Directeur de recherche à l’Iris
« La motivation numéro 1 pour les Chinois, c’est sans doute de montrer qu’ils sont capables maintenant de quitter leurs eaux intérieures (…) et la deuxième motivation c’est de dire que la Chine c’est une grande puissance… ».