Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Ukraine/Russie

Gazprom menace à nouveau de couper le gaz

par Maud Czaja

Article publié le 29/12/2008 Dernière mise à jour le 29/12/2008 à 22:40 TU

Se dirige-t-on vers une nouvelle guerre du gaz entre la Russie et l’Ukraine ? Le conseil d’administration de Gazprom s’est réuni pour une session extraordinaire ce lundi à Moscou. Le géant gazier russe menace de cesser ses livraisons de gaz vers l’Ukraine le 1er janvier si Kiev ne règle pas sa dette de deux milliards de dollars.

Un employé sur le site gazier de Lyvenske au travail, à 400km de Kiev en Ukraine.(Photo : Reuters)

Un employé sur le site gazier de Lyvenske au travail, à 400km de Kiev en Ukraine.
(Photo : Reuters)

Il y a une chance sur deux pour que Gazprom ferme les vannes du gazoduc à destination de l’Ukraine le 1er janvier, c’est ce qu’a déclaré le porte-parole du géant gazier Sergueï Kouprianov, le 27 décembre dernier. Trois jours plus tôt, le président russe Dmitri Medvedev avait déclaré que les Ukrainiens devaient « s’acquitter de leur dette jusqu’au dernier rouble s’ils ne veulent pas que leur économie soit en dernière analyse frappée par des sanctions ».

Gazprom exige que Kiev rembourse sa dette estimée, d’après ce monopole semi-public russe du gaz, à deux milliards de dollars (1,67 milliard plus 450 millions de dollars de pénalités). La présidence ukrainienne conteste ce montant et affirme de son côté avoir déjà réglé la somme d’un milliard de dollars en remboursement de la dette pour le gaz consommé en septembre et octobre. Le blocage est réel car l’Ukraine est à la fois secouée par une crise politique, qui oppose depuis des mois le président Victor Iouchtchenko à la Première ministre Ioulia Timochenko, et par une crise économique, la monnaie ukrainienne a perdu la moitié de sa valeur en l’espace de trois mois.

« Ils ne paieront plus rien avant le Nouvel an c’est-à-dire qu’on nous a remboursé la dette pour octobre mais qu’il n’y a pas de paiement pour novembre et décembre », affirme le porte-parole de Gazprom qui ajoute : « si la dette n’est pas remboursée au 1er janvier, nous ne pourrons pas signer de nouveau contrat et n’aurons pas de fondement juridique pour livrer le gaz aux consommateurs ukrainiens ».

Russes et Ukrainiens en désaccord sur le prix du gaz

Le remboursement de la dette n’est pas la seule pierre d’achoppement entre les Russes et les Ukrainiens. Les deux parties n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le prix du gaz. A l’heure actuelle, Kiev paye 179,5 dollars les 1000m3, Moscou souhaite passer à 400 dollars alors que le président ukrainien Victor Iouchtchenko estime que 100 dollars serait un prix « raisonnable ».

Les entretiens téléphoniques se multiplient entre Kiev et Moscou pour tenter de trouver une solution. La Première ministre Ioulia Timochenko a appelé son homologue russe Vladimir Poutine. Le président du Parlement ukrainien, Volodymyr Litvine, a effectué dimanche et lundi une visite à Moscou afin d’« améliorer les relations entre les deux pays ». Une délégation de la société d’Etat ukrainienne Naftogaz s’est même rendue à Moscou ce lundi pour s’entretenir avec les responsables de Gazprom sur le contrat des livraisons de gaz en 2009. « Je suis sûr qu'il existe une solution. On peut la trouver 15 minutes avant le Nouvel an, comme ce fut le cas avec la Biélorussie », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères Andreï Denissov.

Les Russes sont conscients de l’impact négatif sur leur image en cas de nouvelle crise du gaz ; aussi s’efforcent-ils de rejeter la faute sur l’Ukraine. Le PDG de Gazprom Alexeï Miller a d'ores et déjà prévenu que Kiev pourrait voler du gaz destiné aux Européens dans le cas d'un « scénario défavorable ». « La Russie mène une attaque psychologique pour pousser l'Ukraine à signer le contrat sous les conditions de Moscou », estime le politologue ukrainien Volodymyr Fesenko.

80% du gaz russe à destination de l’Europe transite par l’Ukraine

Cette nouvelle crise du gaz a également des origines politiques. Le Kremlin reproche au gouvernement ukrainien d’avoir soutenu le président géorgien Mikhaïl Saakachvili lors de la guerre russo-géorgienne de l’été dernier. En 2006 déjà, la première guerre du gaz avait des causes politiques, Moscou n’ayant pas digéré la Révolution orange de 2004.

Gazprom affirme avoir proposé des compromis à l’Ukraine comme par exemple alléger une partie de la dette ukrainienne en contrepartie d’une diminution des tarifs que paye la Russie pour le transit de son gaz vers l’Europe. Moscou fournit un quart du gaz consommé en Europe or 80% de ce gaz transitent par l’Ukraine. La dépendance européenne grandit chaque année du fait de la diminution de la production de gaz en Europe. Aussi, en raison de ces coupures de gaz à répétition, certains pays européens sont favorables à des projets garantissant la sécurité énergétique du Vieux continent tel que Nabucco, un nouveau gazoduc qui approvisionnerait l’Europe en hydrocarbures de la mer Caspienne.

La Commission européenne se veut rassurante. « On n’est pas dans la même situation qu’à l’hiver 2005 qui avait été très froid. Là, les réservoirs de gaz européens sont à 90% pleins et le niveau des réservoirs ukrainiens est aussi très élevé », a précisé le porte-parole Ferran Tarrasdellas. La République tchèque, qui prend les rênes de l’Union européenne le 1er janvier 2009, a fait de la sécurité énergétique sa grande priorité. « Moscou qui a toujours joué sur les divisions de l’Europe, notamment en matière énergétique, pourrait tester Prague d’emblée avec la question du gaz ukrainien », note un diplomate européen.