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France

Temps global contre temps guillotine

par Patrice Biancone

Article publié le 13/01/2009 Dernière mise à jour le 13/01/2009 à 14:44 TU

L'Assemblée nationale française.(Photo : AFP)

L'Assemblée nationale française.
(Photo : AFP)

Le projet de réforme du travail législatif déposé par le gouvernement est examiné à partir d'aujourd'hui par les parlementaires. Les députés de l'opposition et surtout du Parti socialiste ont déjà déposé quelque 4 800 amendements pour combattre ledit projet qui prévoit l'instauration d'un crédit-temps afin de limiter les «obstructions systématiques de l'opposition» selon la majorité.

La majorité accuse les socialistes de profiter des procédures en vigueur à l’Assemblée nationale pour faire de l'opposition systématique. Et l'opposition parle d'antiparlementarisme caractérisé à propos du projet de loi organique qu’elle entend faire voter pour corriger les abus. Nous sommes prévenus: La réforme du parlement induite par la révision constitutionnelle votée en juillet dernier devrait déboucher sur une guerre totale! Guerre de position et guerre des mots qui a déjà commencé et qui explique que chaque camp a battu le rappel de ses troupes afin de l'emporter. Jean-François Copé a même pris la peine d’écrire à chaque député de l’UMP. « J’ai besoin de toi » affirme le président du groupe dans sa lettre type. Une démarche motivée par les récents ratés de la majorité. On se souvient notamment du débat sur les OGM et du triomphe passager des socialistes qui parvinrent à bloquer le texte en raison d’un taux d’absentéisme particulièrement élevé dans la majorité ce jour-là.

L’arme fatale

L'utilisation de la procédure parlementaire que veut modifier le gouvernement est très ancienne. Aussi ancienne, dit-on, que la démocratie française. Elle permet à une idée de faire son chemin dans l’opinion avant d’être avalisée par les élus, d’où son autre appellation, celle de « procédure de retardement » que l’opposition juge nécessaire ne serait-ce que parce que, selon elle, face à la certitude du résultat des débats, il faut jouer sur l’incertitude quant à leur durée. Mieux : aux yeux de certains, l'arme fatale, la seule façon d'enliser le débat, c’est le recours aux amendements. Il suffit de se reporter aux récents projets de loi sur le travail du dimanche ou sur l'audiovisuel public pour s'en persuader. Près de 8 000 amendements, une polémique et un report de l'examen du texte dans les deux cas. Dès lors, on peut comprendre que le gouvernement, désireux de réformer vite, crie à l’obstruction systématique.

Ambition du gouvernement

De quoi s'agit-il pour le gouvernement ? Tout d'abord de légiférer moins pour légiférer mieux, dit-il. Et ensuite d'en finir avec l'obstruction en imposant un crédit temps à chaque groupe politique, ces groupes devant eux même le répartir entre la présentation des motions de procédure pour rejeter un texte, la discussion générale et la défense des amendements. Cette volonté de limiter les débats est qualifiée de liberticide par l'opposition. Les socialistes considèrent en effet que ce "temps global" se résume en réalité en un «temps guillotine» puisqu’il limite les débats sans se soucier de savoir si les arguments ont été ou non épuisés. Un point de vue que partagent les centristes pour des raisons différentes. Ils craignent, avec cette réforme, d'être privés de parole au profit des grandes formations. Le choix du gouvernement conforterait, selon eux, les progrès du bipartisme défendu par certains dans la majorité.

Volonté de rassurer

Le combat promet donc d’être homérique. Majorité et opposition jurent qu’elles ne baisseront pas les bras. En début de semaine, Jean-François Copé a même présenté un clip diffusé sur internet pour dénoncer les ravages de l’obstruction parlementaire de droite ou de gauche, clip auquel la gauche a promis de répondre par un autre clip qui donnera à voir ses plus belles batailles parlementaires.

Face à cet affrontement annoncé, Bernard Accoyer et Roger Karoutchi cherchent des solutions. Le premier, président de l’Assemblée nationale   propose un «statut de l'opposition» pour calmer les esprits. Quant au second, ministre des Relations avec le Parlement, il assure que le gouvernement n’est pas fermé aux propositions et que le texte est susceptible d’être modifié.