par Patrick Adam
Article publié le 16/01/2009 Dernière mise à jour le 16/01/2009 à 22:08 TU
Pour le visiteur qui pose le pied pour la première fois en Albanie, un élément du paysage ne manquera pas de retenir son attention. A moitié enterré dans le bas-côté, parfois en partie comblé de terre, à demi basculé par le temps, subsiste l’un des éléments les plus voyants de ce qui fut la paranoïa du régime d’Enver Hoxha, à savoir plusieurs centaines de milliers de petits bunkers. Presque un par famille. Le dictateur communiste qui a dirigé d’une main de fer le pays, de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à sa mort en 1985, craignait une invasion soviétique autant qu’une agression de l’Occident. Il a donc ponctué le paysage d’ouvrages défensifs dont la réplique en miniature est l’un des rares souvenirs typiques que le touriste peut emporter des boutiques de l’aéroport.
Matériel bradé
Plus grave, Enver Hoxha, qui consacrait 13% du budget de l’Etat à la défense et fait de son pays le plus militarisé des Balkans, a légué à l’Albanie un arsenal militaire conséquent dont les autorités encore aujourd’hui peinent à se débarrasser.
Ces dernières années, le pays a mis en vente des avions de combat soviétiques qui dataient des années soixante. Le gouvernement a aussi cherché à se débarrasser de stocks de fusils Kalachnikov. Il a même envisagé de se défaire de vieux navires et sous-marins hors d’usage bradés au prix du métal.
Un dangereux héritage
Mais le véritable danger vient des armes disséminées à travers le pays, fusils, obus de mortier, mines antipersonnel, et bien sûr les munitions. Pendant les émeutes de 1997, la population a pillé les arsenaux militaires avant bien souvent d’abandonner dans la nature des armes en dehors de tout contrôle. Si plusieurs milliers de fusils ont été récupérés, il demeure que les autorités peinent à se débarrasser de ce dangereux héritage.
Mené sous contrôle de l’OTAN, il n’y a guère que le programme de déminage qui ait été mené à terme. Selon des documents de l’Alliance atlantique, « mis bout à bout, tous les fils-piège des mines antipersonnel couvriraient la distance aller-retour entre Tirana et l’Australie ».
Le danger au quotidien
Reste donc les armes. Selon le nouveau ministre de la Défense Gazmend Oketa, « il existe au moins 85 000 tonnes d’armes et de munitions qui doivent être détruites car elles représentent un danger pour la sécurité nationale et la sûreté de la population ». Le ministre reconnait que « stockées dans des conditions précaires, à proximité des zones habitées, elles présentent des risques d’explosion ». Le passé récent le confirme. Début janvier, une femme a été tuée par la déflagration d’un engin à proximité d’une usine de récupération des armes. Surtout, en mars 2008, l’explosion d’un dépôt militaire près de Tirana a provoqué la mort de vingt-six personnes et en a blessé trois cents autres.
Alors que l’Albanie frappe à la porte de l’Union européenne et intègre l’OTAN, le ministre affiche ses ambitions. Il souhaite que les matériels les plus dangereux soient détruits avant 2010. Il est temps, selon les chiffre de la police, depuis 1997 au moins quarante cinq enfants ont été tués et soixante autres blessés dont la moitié grièvement, dans des explosions d’armes ou de munitions retrouvées à proximité d’anciens dépôts militaires.