par Stéphane Lagarde (avec AFP et Reuters)
Article publié le 16/01/2009 Dernière mise à jour le 16/01/2009 à 21:41 TU
Une bombe sur une moto a explosé devant l’hôpital régional de Yala. Un officier de police inspecte les lieux, le 15 janvier 2009.
(Photo : AFP)
Même pas peur ! Abhisit Vejjajiva entame sa première visite, en tant que Premier ministre, dans le sud de la Thaïlande. Il devra surtout y jouer les pompiers. Dans la nuit de jeudi, une bombe sur une moto a explosé devant l’hôpital régional de Yala. Six personnes ont été blessées dans l’explosion dont deux membres de la police. Un signe de bienvenue pour le moins décourageant même si la visite du Premier ministre est maintenue. Un mois après son élection, Abhisit Vejjajiva estime « la violence normale dans le sud. » Une normalité toute relative lorsque l’on sait que 30 000 membres des forces de sécurité y sont déployées et que l’état d’urgence est toujours en vigueur.
Séparatisme musulman
Malgré une volonté affichée de relâcher la pression militaire, le précédent gouvernement du Premier ministre Samak Sundaravej n’a attendu que quelques mois avant de reprendre la politique du bâton. Depuis 5 ans, plus de 3 500 personnes ont été tuées dans les violences qui affectent les trois provinces, les plus méridionales du pays. Cette question du séparatisme musulman dans la Thaïlande bouddhiste remonte à plusieurs siècles.
Nous sommes là tout près de la frontière avec la Malaisie et la province de Yala où se rend le nouveau chef du gouvernement, ce week-end, n’est thaïlandaise que depuis un siècle. Comme Narathiwat, Yala faisait autrefois partie du royaume malais de Patani. Elle en a été détachée suite à l’annexion du royaume par le Siam dans le cadre d’un traité avec les Anglais en 1902. La question n’est donc pas nouvelle mais elle n’a toujours pas trouvé de solution.
Avec l’appui d’une coalition gouvernementale, renforcée par les élections législatives partielles de dimanche dernier, Abhisit Vejjajiva semble avoir une approche pragmatique de la question. « Le résultat des partielles signifie que les électeurs veulent que le pays aille de l’avant et soit moins divisé », a déclaré le Premier ministre au sortir des résultats. Difficile de voir pour l’instant une unanimité des points de vue notamment sur cette question du sud musulman.
« Torture systématique »
L’option de la fermeté a atteint son paroxysme sous le gouvernement Thaksin Shinawatra (2001-2006) qui n’a pas hésité à fermer les yeux sur les violations répétées des droits de l’homme. Le 25 octobre 2004, 78 personnes ont ainsi trouvé la mort par asphyxie dans des camions de l’armée après une manifestation. La politique de l’ouverture n’a, pour l’instant, pas eu plus de succès, pas plus que celle « de l’autruche ». Les autorités à Bangkok ayant longtemps considéré cette insurrection comme une simple question de maintien de l’ordre pouvant être réglée par une présence policière.
Que va faire Abhisit ? Cette visite du Premier ministre intervient dans un contexte de violences. En 2008, les rebelles du sud ont mis le feu à plusieurs dizaines d’écoles. Voitures piégées sur des marchés, bombes dans les cafés, la riposte des militaires a été féroce. Dans son dernier rapport (cf.-ci-dessous), Amnesty International affirme que « les forces de sécurité thaïlandaises dans les provinces du sud (ont) systématiquement recours à la torture et à d’autres formes de peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants pour obtenir des informations ou des aveux ».
Ce rapport porte sur la période de mars 2007 et mai 2008. L’organisation internationale des droits de l’homme entend faire pression sur le nouveau Premier ministre afin qu’il s’emploie à apaiser les tensions et mettre fin à ces mauvais traitements. Amnesty dénombre 34 cas de mauvais traitements de suspects soumis à des bastonnades ou à des décharges électriques, enterrés jusqu’au cou ou piqués avec des aiguilles, y compris les yeux.
Abhisit Vejjajiva a rejeté mercredi ces accusations tout en reconnaissant l’existence de possibles « subordonnés égarés ». Le nouveau Premier ministre entend également lancer une enquête pour connaître d’éventuelles pratiques extrajudiciaires lors des opérations menées par les forces de sécurité dans le sud du pays.