par Monique Mas
Article publié le 26/01/2009 Dernière mise à jour le 27/01/2009 à 01:29 TU
Ni la France, ni l’Allemagne n’étaient d’avis de retirer les Moudjahidine du Peuple de la liste des organisations terroristes dressée par l'Union européenne après le 11-Septembre américain, début 2002, et actualisée depuis lors tous les six mois. Mais, selon le texte approuvé le 26 janvier à Bruxelles par les ministres européens des Affaires étrangères, en vertu du « jugement le 4 décembre du tribunal de première instance de la Cour européenne de justice, une organisation, les Moudjahidine du Peuple, n’a pas été incluse sur la liste » noire imposant le gel de leurs avoirs comme principale sanction à l’encontre des quelque 47 groupes incriminés. En conséquence, les opposants islamo-marxistes basés à Auvers-sur-Oise, en région parisienne, ne sont plus non plus considérés comme des terroristes en Europe où leur passionaria, Maryam Radjavi revendique une victoire juridique contre la France. Ils restent en revanche personae non gratae aux Etats-Unis et au Canada.
La très charismatique dirigeante de l'OMPI Maryam Radjavi salue les sympathisants venus l'accueillir, le 3 juillet 2003 à Auvers-sur-Oise.
( Photo : Reuters )
Fausse note tchèque après une présidence française plutôt volontariste de l’Union européenne ou simple couac des ministres des Affaires étrangères de sa Commission ? La décision européenne de supprimer la mention « terroriste » accolée aux Moudjahidine du Peuple iranien intervient au moment où la toute nouvelle administration américaine de Barack Obama s’apprête à reprendre les discussions avec l’Iran sur le très sensible dossier nucléaire. Des discussions auxquelles le nouveau locataire de la Maison Blanche a promis de donner un tour nouveau. Or, si Téhéran attache la plus haute importance à la position américaine, l’Iran néglige en revanche très largement le rôle que l’Europe s’efforce de jouer dans la région où sa volonté d’implication dans le différend nucléaire n’a pas vraiment eu d’effet jusqu’à aujourd’hui.
Ce n'est pas un geste très positif
Du Centre national de la recherche scientifique, spécialiste de l'Iran
« Ce n'est pas un geste très positif au moment où l'Union européenne, les Etats-Unis et l'Iran vont commencer des discussions de fond sur le nucléaire. »
D’inspiration marxiste et islamique, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple (OMPI) s’est dotée en 1987 d’une branche armée, l'Armée de libération nationale d'Iran, qui a revendiqué au début des années quatre-vingt-dix des attentats contre des installations pétrolières ou contre le mausolée de l'imam Khomeiny, près de Téhéran. Née en 1965 d'une scission au sein du Mouvement de libération de l'Iran (MLI, nationaliste) de Mehdi Bazargan en lutte contre le shah Reza Pahlavi, l’OMPI a connu une brève période de légalité en 1979, avant de voir sa première manifestation contre la Révolution islamique très sévèrement réprimée en 1981. L’organisation déclarée hors la loi, nombre de ses partisans sont partis en exil, en Amérique, ou en France, derrière leur chef Massoud Radjavi, le fondateur du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI).
Massoud Radjavi expulsé de France en 1986 pour cause de réchauffement entre Paris et Téhéran, c’est son épouse, Maryam qui dirige l’OMPI depuis 1989. En 2003, une vague d’interpellations avait vu le « Soleil de la révolution », Maryam radjavi, finalement libérée après des semaines de protestations marquées par l’immolation de deux de ses partisans. Aujourd’hui, l’existence politique de l’OMPI est surtout attestée dans la diaspora où elle se manifeste de manière éclatée entre son siège social d’Auvers-sur-Oise en région parisienne et le camp de réfugiés iraniens d’Achraf en Irak, au nord-est de Bagdad où quelque 3 500 combattants iraniens ont été officiellement désarmés et regroupés.
L’OMPI se refuse à chiffrer ses partisans, pour ne pas donner du grain militant à moudre à Téhéran, prétexte son porte-parole à Auvers-sur-Oise, Afchine Alavi, en affirmant que « la résistance dispose d’une très grande assise en Iran ». Une assertion qui soulève le plus grand doute compte tenu des accointances passées des Moudjahidine avec Saddam Hussein, en particulier pendant la guerre Irak-Iran qui les a vus faire le coup de feu contre leurs compatriotes. En revanche, l’OMPI ne semble pas manquer de subsides. Mais l’origine de ces fonds reste occulte et leur montant paraît excéder de loin les capacités de cotisation de la diaspora.
L'OMPI ressemble plutôt à une secte religieuse qu'à un parti politique
Professeur de sciences politiques à Paris VII spécialiste de l'Iran
« L'organisation des Moudjahidine du peuple ressemble plutôt à une secte religieuse qu'à un parti politique, sachant que plus de 3 000 moudjahidine se trouvent en Irak. »
En décembre dernier, Bagdad a exprimé sa volonté de fermer le camp d’Achraf ouvert 22 ans plus tôt et de passage à Téhéran, le conseiller à la sécurité nationale irakienne Mouaffak al-Roubaïe a indiqué que l’Irak pourrait extrader certains Moudjahidine du Peuple ayant « du sang iranien sur les mains ». Pour le reste, a-t-il dit, en dehors de ceux qui ont commis des crimes d’un côté ou de l’autre de la frontière et qui devront en rendre compte, « le seul choix qu'ont les membres de ce groupe est de rentrer en Iran ou de choisir un autre pays ». « Nous agirons dans le cadre des règles humanitaires et des lois internationales. Ces gens choisiront eux-mêmes où ils voudront partir », a-t-il déclaré en précisant que 914 d’entre eux ont « un passeport ou la résidence dans un pays tiers » et peuvent quitter l'Irak pour ces pays.
Washington a accordé le statut de « personnes protégées » au regard des conventions internationales aux exilés d’Achraf tout en les laissant inscrits sur sa liste des organisations terroristes. Pour sa part, Maryam Radjavi invoque la décision européenne de lundi pour demander qu’ils puissent rester en Irak. Elle appelle aussi le président Obama à marquer sa différence en retirant le mouvement de la liste noire, une mesure de « complaisance avec les mollahs », selon elle. Pour l’OMPI en effet, la décision de Bruxelles est effectivement un signal négatif à l’encontre de Téhéran.
Porte-parole du Conseil national de la résistance iranienne qui fédère l'opposition marxiste dont les Moudjahidine du Peuple
« Le tribunal a catégoriquement rejeté l'appel de la France qui s'appuyait sur un dossier juridique vide pour complaire au régime des mollahs. »
Trente ans après la chute du shah d’Iran et alors que la Révolution islamique ne paraît pas vraiment faiblir, l’OMPI a intérêt à grossir l’impact de la décision européenne, promettant de saisir l’occasion pour lancer en quelque sorte la « lutte finale ». Rien ne laisse présager qu’elle ait les moyens de la mener en Iran après avoir été effectivement considérée comme un instrument diplomatique par les adversaires occidentaux du régime islamique. Plutôt vainement, il est vrai.