par Monique Mas
Article publié le 06/02/2009 Dernière mise à jour le 10/02/2009 à 15:58 TU
Portraits de l'ayatollah Rouhallah Khomeyni (d), fondateur de la République islamique d'Iran, et de son successeur l'ayatollah Ali Khamenei (g).
(Photo : Caren Firouz/Reuters)
Trente ans après le renversement du régime policier et pro-américain du shah, Mohammad Reza Pahlavi, la République islamique revendique un statut de puissance régionale et une souveraineté nucléaire pour l’Iran. C’est un motif de confrontation avec l’Occident qui soupçonne Téhéran de nourrir des ambitions militaires atomiques et lui reproche son hostilité à Israël comme son soutien aux islamistes libanais et palestiniens. Affichant son anti-américanisme à l’extérieur, la Révolution islamique conduite par l’ayatollah Khomeyni entre 1979 et 1989 a mangé ses enfants libéraux, laïcs ou de gauche et réduit l’opposition à l’exil. Et dans un Iran pétrolier, aujourd’hui en proie à des difficultés économiques, le président Mahmoud Ahmadinejad allie répression et discours nationaliste pour faire vibrer les cordes populistes qui l’ont amené au pouvoir en juin 2005.
Comme chaque année le 1er février, à 9h33, les cloches du pays ont sonné à la volée le retour triomphal du premier guide de la Révolution islamique, l’ancien professeur de théologie chiite de la bonne ville de Qom, l’ayatollah Rouhallah Khomeyni arrivé sur un vol Air-France de Nauphle-le-Château, où il venait de passer l’année après quatorze ans d’exil en Turquie et en Irak.
« L'imam est arrivé », titraient alors les journaux iraniens du soir avec en une l’image du vieil homme de 76 ans. Le Premier ministre de transition nommé par le shah sur le départ, Chapour Bakhtiar, se félicitait alors du changement (il devait être assassiné en juin 1991 dans son exil en France, sous le règne à Téhéran du président Ali Akbar Hachemi Rafsanjani).
Prmier ministre iranien
« Nous avons aboli la dictature. »
Quelques mois après la consécration du guide Khomeyni, en novembre 1979, un groupe « d’étudiants » donnait l’assaut à l’ambassade du "Grand Satan" et prenait en otages 63 diplomates américains. La rupture des relations diplomatiques de Washington avec Téhéran, consommée le 7 avril 1980, ouvrait alors une ère de glaciation. 25 ans plus tard, l’administration Bush avait même relancé le slogan américain « bomb, bomb Iran ! », en réponse aux déclarations belliqueuses d’Ahmadinejad à l’endroit d’Israël.
Menace existentielle pour Israël
La course au nucléaire iranienne désormais considérée comme une « menace existentielle » pour Israël, l’avènement du nouveau président Barack Obama avait toutefois laissé espérer un changement de ton. Pour marquer sa différence avec George Bush et son « axe du mal », le candidat Obama avait en effet annoncé qu’il n’hésiterait pas à discuter avec l’Iran si cela pouvait avoir des effets bénéfiques. Il a dû rapidement mettre publiquement un bémol à sa volonté de dialogue avec l’Iran.
Tandis que les cérémonies du trentième anniversaire de la Révolution islamique battaient leur plein avec des slogans hostiles aux Etats-Unis et à l’Etat hébreu, le président Ahmadinejad annonçait urbi et orbi le lancement d’un satellite 100% iranien, baptisé Omid (espoir), une prouesse technique qui montre, selon les experts militaires, que l’Iran a les moyens technologiques de lancer tout aussi bien un missile longue portée capable d’atteindre Israël ou le sud de l’Europe.
Ce lancement « pourrait aboutir au développement d'un missile balistique », s’est d'ailleurs immédiatement inquiété le porte-parole du département d'Etat américain, Robert Wood, tandis que la nouvelle secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, faisait savoir que l’offre de dialogue américaine n’excluait pas l’usage de la force en cas de besoin. Elle ajoutait que les Etats-Unis ne renonceront à aucun de leurs « éléments de puissance nationale » pour amener la République islamique à renoncer à se doter de la bombe atomique. De quoi rassurer les partenaires occidentaux de Washington qui redoutaient un trop fort assouplissement de la politique américaine.
C’est l’Organisation des Moudjahidin du peuple, le groupe d’opposants islamo-marxiste aujourd’hui dirigé en exil (à Auvers-sur-Oise, en France) par Maryam Redjavi, qui a révélé en août 2002 l’existence du programme nucléaire iranien. Depuis lors, Téhéran poursuit son bras de fer avec l’Occident en revendiquant le droit à un programme nucléaire civil. En septembre 2008, quatre résolutions onusiennes ne sont pas parvenues à convaincre Téhéran de cesser ses opérations d’enrichissement d’uranium.
Anti-américanisme et grandeur perse
Avec l’anti-américanisme pour viatique, la République islamique joue la carte de la Russie - qui appuie la relance de sa centrale nucléaire de Bouchehr - et de la Chine, affamée de pétrole et hostile aux sanctions. Au passage, Téhéran noue des relations avec des personnalités tonitruantes telles que le président Chavez du Venezuela, le Bolivien Evo Morales ou les frères Castro à Cuba. Mais la République islamique revendique aussi la « grandeur perse » dans une région où son soutien ouvert au Hezbollah libanais et au Hamas palestinien, sans parler de son entregent en Irak, lui apportent une popularité certaine dans les rues arabes.
Saignée par huit ans d’une guerre avec l’Irak de Saddam Hussein (septembre 1980-juillet 1988) qui n’a épargné aucune famille et fait un million de morts, la Révolution islamique a survécu aux purges politiques sanglantes qui ont réduit l’opposition interne au silence. Le 21 juin 1881, Khomeyni avait destitué le premier président élu de la République islamique, Abdolhassan Bani Sadr, aujourd’hui encore réfugié en France. Entre 1982 et le milieu des années quatre-vingt, ce sont les anciens révolutionnaires de gauche qui ont été liquidés, à commencer par les communistes du parti Tudeh.
Sagesse musclée
Depuis la mort de l’ayatollah Khomeyni en mai 1989, c’est toujours son successeur désigné, Ali Khamenei, qui fait office de Guide suprême, l’arbitre au-dessus des partis censé s’imposer à tous. Une sagesse qui peut aussi se muscler en cas de besoin puisqu’il a la haute main sur les pasdaran, les Gardiens de la révolution, qui composent une armée parallèle à l'armée régulière iranienne et cela dans les trois corps Terre-Air-Mer.
Pour sa part, le président Ahmadinejad va devoir remettre son fauteuil en jeu le 12 juin. Son prédécesseur, aujourd’hui partisan d’un dégel avec l’Occident, le réformiste Mohammad Khatami sera candidat. Après l’avoir emporté en 2005 en promettant une vie meilleure à l’électorat populaire des campagnes et des bas-quartiers, Mahmoud Ahmadinejad, pourrait pâtir de la crise économique qui n’épargne pas l’Iran. Mais rien n’indique que la Révolution islamique en soit entravée pour autant.