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Etats-Unis

De la communication de campagne à la communication présidentielle

Article publié le 09/02/2009 Dernière mise à jour le 09/02/2009 à 21:10 TU

Le président américain Barack Obama s'est démultiplié lundi pour faire adopter « immédiatement » un gigantesque plan de relance, à un moment critique pour ce projet et d'autres, face à une crise économique menaçant selon lui de devenir encore plus catastrophique. Moins de trois semaines après avoir prêté serment, M. Obama a repris le chemin de la campagne pour prendre à témoins les habitants d'une petite localité manufacturière de l'Indiana (nord) très durement touchée par la récession. Lundi soir, après son retour à Washington, il donnera sa première conférence de presse de président dans un salon de la Maison Blanche à 20H00 (01H00 TU, mardi). 

Le président américain lors d'un meeting à Elkhart, dans l'Indiana, le 9 février 2009.(Photo : AFP)

Le président américain lors d'un meeting à Elkhart, dans l'Indiana, le 9 février 2009.
(Photo : AFP)

De notre correspondante à Atlanta, Anne Toulouse

Vingt et un jours après sa prise de fonction, Barack Obama donne sa première conférence de presse à la Maison Blanche. Un exercice qu’il semble apprécier. Durant la période de transition après son élection, pendant le même laps de temps, il avait déjà donné quatre conférences de presse, dont trois pendant trois journées consécutives. Le genre prend plus de solennité lorsque le président est en exercice, l’intervention se déroule en prime time et les chaînes dites du réseau, celles qui émettent sur l’ensemble du territoire sans passer par le câble, sont tenues de donner de donner du temps d’antenne. 

En pleine bataille pour le passage d’un plan de relance de quelque milliards de dollars, qui pèsera lourdement sur l’avenir économique des générations futures, Barack Obama réactive le grand talent de communicateur qui l’a si bien servi pendant sa campagne électorale, mais les relations avec l’opinion publique ne sont pas les mêmes, selon que l’on est président ou candidat.

De la persuasion à la saturation

Politico, l’un des sites internet les plus connus de la politique washingtonienne, se demandait la semaine dernière si la nouvelle équipe présidentielle avait bien assimilé la transition de la campagne au gouvernement. Au vu des chiffres, sans doute passablement, puisque Barack Obama bénéficie toujours d’une cote de popularité élevée, entre 62 et 67% selon les sondages, contre 26% au Congrès.

Les sondages lui font également crédit sur la façon dont il a géré ses trois premières semaines au pouvoir, et ne semblent pas lui tenir rigueur des couacs à propos des nominations manquées, comme celle de Tom Daschle. On note cependant une érosion sur le front du soutien au plan de relance. Les personnes interrogées lui sont encore favorables à plus de 50%, mais avec une baisse de douze points sur le mois dernier. Les analystes soulignent que la Maison Blanche a laissé s’installer des formulations négatives, comme « plan de dépense ».

Le président essaie donc, soit de maintenir son avantage, soit de reprendre la main en s’adressant doublement au pays, à la fois en allant « vendre » son plan dans les zones les plus sinistrées des Etats-Unis, et en parlant à l’ensemble du pays.

Les présidents ont usé de cette tribune nationale avec plus ou moins de modération. Franklin Roosevelt a tenu sa première conférence de presse solennelle, quatre jours après son arrivée à la Maison Blanche, George Bush a attendu neuf mois. John Kennedy a été le premier à donner des conférences de presse télévisées et il a battu le record de fréquence : soixante-quatre en moins de quatre ans d’exercice. Doser la présence du candidat à la télévision est l’un des grands exercices du service de presse présidentiel. La plupart des apparitions du président étant télévisées, il est courant de la voir apparaître plusieurs fois par jour, jusqu’au phénomène de saturation. L’équipe qui gère la communication doit juger le moment où celle-ci devient contreproductive et où le public ne fait même plus attention à ce que dit le président.

Politico citait ainsi le moment où, la semaine dernière, Barack Obama s’est fait concurrence à lui-même, lorsque la signature de deux textes de loi importants a été programmée à quelques heures d’intervalle.

Les nouvelles technologies à l’épreuve de la Maison Blanche

L’une des stratégies de l’équipe Obama est de s’adresser directement à l’opinion publique par les moyens technologiques les plus récents. L’allocution hebdomadaire présidentielle n’a plus que le nom de « radiodiffusée », puisqu’elle est immédiatement mise sur UTube par la présidence. La Maison Blanche a continué à se servir du carnet d’adresses électronique de treize millions de noms compilés pendant la campagne, pour envoyer directement des e-mails répandant la bonne parole et demandant aux supporters de la transmettre. Mais dans ce domaine, le choc du pouvoir a été rude. La Maison Blanche est beaucoup moins bien branchée que l’ex-QG de campagne, et le système informatique s’est effondré à deux reprises sous le poids de sa nouvelle charge.

Un autre piège est celui du contenu. Jeudi dernier, après s’être montré conciliant avec l’opposition, Barack Obama s’est fâché et a dramatisé la situation économique, qu’il a qualifiée de « catastrophique ». Jusqu’où un président peut-il aller dans le délicat maniement du psychisme de ses concitoyens sans provoquer un vent de panique ? Franklin D. Roosevelt, lors de la grande dépression des années trente, a prononcé la fameuse phrase : « Nous ne devons avoir peur que de la peur elle-même ».

Reste enfin le rôle de la perception de l’exercice du pouvoir. Cela a été la faiblesse du nouveau président lors de ses débuts à la Maison Blanche. Il a donné l’impression de se laisser déborder par le Congrès en laissan les démocrates de la Chambre des représentants concocter et voter un texte sans la participation des républicains. Trois d’entre eux vont appuyer le texte du Sénat, mais il est différent de celui de la Chambre, ce qui suppose un nouveau tour de piste pour harmoniser les deux versions. Cette fois-ci, le président devra arbitrer non plus entre démocrates et républicains mais entre démocrates et démocrates. Un nouveau problème de communication !