Article publié le 17/02/2009 Dernière mise à jour le 18/02/2009 à 23:08 TU
Le Forum de Bamako a une histoire qui est, comme souvent, une histoire d’amitié et de persévérance. La persévérance tout d’abord : celle d’un chef d’entreprise malien rentré dans son pays avec l’envie de « faire bouger les choses » et doté du tempérament qui va avec cette belle résolution...
De notre envoyé spécial à Bamako, Thierry Perret
Lorsqu’il initie la première édition du Forum, Abdoullah Coulibaly est à la tête d’une structure d’enseignement privé malienne, l’Institut des hautes études en management. L’IHEM vise à former des cadres de haut niveau et des gestionnaires formés selon les standards occidentaux. L’amélioration et la mobilisation des « ressources humaines » en Afrique est alors son obsession et son credo, et c’est le thème du premier exercice de débat, consacré en 2001 à « la réhabilitation du capital humain et du savoir ». La physionomie du Forum se met en place, associant pour des échanges de points de vue et d’expériences des personnalités venues d’horizons très divers.
Eclectisme
Au fil des ans, cette option s’affirme. Se retrouveront désormais au Forum, des universitaires, des chefs d’entreprise, des représentants d’institutions de développement, mais aussi des acteurs politiques et de la société civile, des journalistes, le cas échéant des artistes. L’éclectisme est aussi géographique : les participants sont du Mali comme des autres pays africains, et ils viennent d’Europe ou d’Amérique. On rencontre au Forum de Bamako des anciens Premiers ministres (plusieurs sont Maliens, ou Centrafricains comme Jean-Paul Ngoupandé ou Martin Zinguélé) ; des universitaires de tout le continent, tel Vinesh Hookoomsing, vice-recteur de l’université de Maurice, et des professeurs à la Sorbonne, à l’image de Jean-Claude Berthélémy (qui fut un important artisan de l’essor pris par le Forum), ou encore Guy Schulders; des chefs d’entreprise et parmi eux le très influent patron des patrons ivoiriens, Marcel Zadi Kessy, et nombre de jeunes parmi lesquels Didier Acouetey, dynamique dirigeant du cabinet de chasseurs de têtes Afric Search. Parmi les journalistes, on peut relever les noms d’El Hadj Kassé, ancien directeur général du quotidien sénégalais Le Soleil, ou de Diomansi Bombote, et de Jean Mino, alors Directeur général de CFI (Canal France International).
Bien d’autres encore seraient à citer - on a pu ainsi croiser au Forum un ancien conseiller de Jimmy Carter et plusieurs représentants des grandes institutions de développement, tel Habib Ouane, directeur Afrique à la CNUCED - et l’originalité de ces rencontres se trouve là : elles visent à associer, sur un pied d’égalité, des ressources et des opinions du Nord comme du Sud, dans une approche qui privilégie la mixité. Acquis à l’idée du « métissage des compétences », le promoteur du Forum entend, en effet, jouer l’ouverture la plus large. Il y est aidé par quelques fidèles acteurs de la manifestation, eux aussi désireux de sortir des sentiers battus et de voir la réflexion sur le développement de l’Afrique prise en charge ailleurs que dans les seules enceintes officielles.
Qualité des débats
L’amitié et ses alchimies : elle aura fait le succès du Forum de Bamako. Ceux qui sont venus une fois au Forum reviennent les années suivantes, séduits par la qualité des débats et par leur écho, ainsi que par le climat convivial des réunions. De son côté, Abdoullah Coulibaly a un carnet d’adresses digne d’admiration, et il fédère autour de lui des personnalités qui mettent à leur tour en action leur réseau. Les échanges se multiplient, les autorités maliennes montrent leur intérêt, les bailleurs de fonds se mobilisent. Tous découvrent et appuient le rendez-vous de Bamako, et sa singularité lui vaut bientôt le qualificatif de « petit » Davos africain, où décideurs et intellectuels viennent se frotter les uns aux autres.
Le Forum de Bamako illustre donc un enjeu : celui de dépasser les cadres formels pour traiter du développement et de ses obstacles. Et créer une émulation, née en Afrique, autour de la nécessaire mobilisation des initiatives privées. La réflexion y occupe une part essentielle, mais le souci d’action y est présent. Ainsi est né le projet d’une Fondation du Forum de Bamako*, conçue pour pérenniser les engagements du Forum et mobiliser cette expertise africaine-européenne qui reste trop souvent éclatée, alors qu’elle serait apte à formuler des propositions concrètes de stratégie à l’adresse des dirigeants politiques.
* La Fondation du Forum de Bamako, créée en 2007, est présidée par l’actuel Premier ministre du Mali, Modibo Sidibé.