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Suisse/Etats-Unis

Le secret bancaire sur la sellette

par Sophie Lemaire

Article publié le 20/02/2009 Dernière mise à jour le 21/02/2009 à 01:57 TU

L'affrontement sur le secret bancaire qui oppose la banque suisse UBS à la justice américaine a rebondi jeudi, moins de 24 heures après un accord à l'amiable qui, en échange d'une amende de 780 millions de dollars et d'informations sur environ 300 de ses clients américains, a permis à UBS d'échapper à des poursuites pénales. Les Etats-Unis réclament désormais d'en savoir plus sur les bénéficiaires américains de quelques 52 000 autres comptes secrets. Il s'agit d'une nouvelle brèche dans le sacro-saint secret bancaire que les autorités helvètes tentent par tous les moyens de préserver.

Un logo UBS apposé sur la façade d'un immeuble à Londres.(Photo : Reuters)

Un logo UBS apposé sur la façade d'un immeuble à Londres.
(Photo : Reuters)


UBS croyait pouvoir souffler : il n’en est rien. Mercredi, au terme d’un bras de fer juridique de plusieurs mois, la première banque de Suisse a conclu un accord amiable avec le département américain de la Justice. Celui-ci prévoit qu’UBS livrera les noms de 250 à 300 de ses clients américains, soupçonnés de fraude fiscale, et qu’elle paiera une amende de 780 millions de dollars à la justice américaine pour avoir aidé ces contribuables à échapper au fisc. En échange, la justice américaine renonçait à toute poursuite pénale contre la banque, qui vu ses graves difficultés financières, n’avait pas les moyens de se lancer dans un coûteux procès.

L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais à peine 24 heures après la conclusion de cet accord, le ministère de la Justice américain a annoncé qu’il portait plainte pour exiger qu’UBS livre des informations, non plus sur 300, mais sur 52 000 comptes secrets, identifiés par le fisc comme appartenant à des Américains, et qui recéleraient environ 14,8 milliards de dollars. La banque a aussitôt fait savoir qu’elle rejetait cette demande, à l’encontre du principe même du secret bancaire.

« Le secret bancaire reste intact »

Car c’est bien à ce sacro-saint principe que s’attaque la justice américaine. Sur le plan fiscal, le droit suisse fait la distinction entre évasion et fraude. Dans le premier cas, il s’agit d’une infraction : on considère que le contribuable distrait a simplement « omis » de déclarer ses impôts. Dans le second, le contribuable a produit de faux documents pour tromper délibérément l’administration : il est alors jugé au pénal et encourt une peine d’emprisonnement.

Ce n’est que dans les cas de fraude fiscale, ainsi définie, que le secret bancaire suisse peut être levé sur demande du fisc, de quelque pays qu’il soit. UBS a affirmé que les 300 clients dont elle s’est engagée à donner les noms avaient bien fraudé. Mais la justice, elle, n’a pas eu le temps de trancher sur la qualité de fraudeur ou non de ces clients. Ce qui n’a pas empêché le ministre suisse des Finances, Hanz-Rudolf Merz, de déclarer après l’accord amiable de mercredi : « le secret bancaire reste intact ». La justice américaine, elle, ne fait pas la différence entre fraude et évasion et avec cette nouvelle plainte, elle montre qu’elle compte bien obtenir la levée du secret bancaire dans tous les cas.

Les paradis fiscaux, dans la ligne de mire du G20

L’accord signé mercredi n’en constitue pas moins déjà une première brèche dans le principe du secret bancaire suisse. Une brèche dans laquelle l’Union européenne s’est d’ores et déjà engouffrée, réclamant que la Suisse traite les demandes européennes de levée du secret bancaire de la même façon que celles de Washington.

Avec la crise économique, de nombreux Etats redoublent d’efforts pour réduire la fraude, et certains d’entre eux, comme la France ou l’Allemagne, ont fait de la lutte contre les paradis fiscaux une priorité. Cette question sera également au cœur des débats du sommet des chefs d’Etats du G20, qui se réunit à Londres le 2 avril prochain.