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Guantanamo / Royaume Uni

L’ex-détenu Binyam Mohamed de retour à Londres

par Maud Czaja

Article publié le 23/02/2009 Dernière mise à jour le 24/02/2009 à 06:09 TU

Binyam Mohamed, ex-résident britannique libéré du camp de Guantanamo où il était détenu depuis 2004, est arrivé au Royaume-Uni ce lundi en début d'après-midi, a annoncé le ministre des Affaires étrangères David Miliband. Ce transfert est le premier depuis l'arrivée à la Maison Blanche de Barack Obama. Dès son arrivée, Binyam Mohamed a mis en cause les services de renseignement britanniques, demandant que la vérité soit faite sur son calvaire.

Binyam Mohamed, premier détenu de Guantanamo est arrivé en Grande-Bretagne, le 23 février 2009.(Photo: AFP)

Binyam Mohamed, premier détenu de Guantanamo est arrivé en Grande-Bretagne, le 23 février 2009.
(Photo: AFP)

L’avion privé dans lequel l’ancien résident britannique Binyam Mohamed a voyagé s’est posé peu après 13h15 (TU) sur la base aérienne militaire de Northolt, au nord-ouest de Londres.

Ce détenu de nationalité éthiopienne a en effet obtenu le droit de résidence en Grande-Bretagne en 1994. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient annoncé vendredi un accord sur le transfert au Royaume-Uni « dès que possible » de Binyam Mohamed. Le ministre des Affaires étrangères britannique David Miliband s’est félicité de ce retour, âprement négocié avec les Américains. Washington et Londres discutent du sort de ce détenu depuis plus d’un an et demi.

« On a signé un accord sécuritaire avec les Britanniques de façon volontaire, explique son avocat Clive Stafford Smith au micro de RFI. Binyam n’a rien à cacher, donc il se moque de voir signer des accords. Je pense qu’il pourra rester en Grande-Bretagne définitivement. Après tout ce qu’il a vécu, je ne pense pas que qui que ce soit oserait le renvoyer et refuser qu’il reste. D’autres prisonniers ont également besoin d’un pays d’accueil. J’espère que la France, par exemple, acceptera certains prisonniers ».

De son côté, la ministre de l’Intérieur britannique Jacqui Smith a précisé que Londres n’avait accordé pour l’instant qu’un droit de séjour temporaire.

Torturé au Maroc

Vêtu d’un jean et d’un pullover, Binyam Mohamed, âgé de 30 ans, a foulé pour la première fois depuis 2002 le sol britannique. Il a pu descendre de l’avion sans assistance médicale, bien qu’affaibli par une grève de la faim entamée lors de son séjour à Guantanamo. Dès son arrivée, il a été interrogé par la police des frontières dans le cadre de la loi sur le terrorisme. Scotland Yard a ensuite précisé que Binyam Mohamed était libre et qu’aucune poursuite n’était engagée contre lui.

Binyam Mohamed. (Photo : AFP)

Binyam Mohamed.
(Photo : AFP)

Selon son avocat, c’est uniquement sous la torture que Binyam Mohamed a reconnu avoir participé à des activités terroristes. « Ce pauvre Binyam a été transféré au Maroc par la CIA. Ils ont tailladé son pénis avec une lame de rasoir. Voilà en quoi ont consisté les dernières sept années de Georges W. Bush », souligne Clive Stafford Smith.


Ses avocats ont également lu une déclaration où Binyam Mohamed réaffirme avoir été torturé par des agents secrets, qui recevaient notamment des ordres de services de renseignements britanniques. Kate Allen, la directrice d’Amnesty international, a demandé l’ouverture d’une enquête sur le rôle de la Grande-Bretagne dans le transfert des prisonniers vers Guantanamo.

Même si toutes les accusations portées contre lui ont été abandonnées, Washington maintient que Binyam Mohamed a été entraîné dans un camp d’al-Qaïda. Il a été arrêté à l’aéroport de Karachi le 10 avril 2002 à l’âge de 23 ans, et envoyé au Maroc. Il restera 18 mois au Maghreb avant d'être transféré près de Kaboul en Afghanistan.

Il a ensuite été détenu à Guantanamo pendant quatre années.

Près de 240 prisonniers sont encore détenus à Guantanamo

Près de 240 prisonniers sont encore détenus à Guantanamo. Une soixantaine d’entre eux doivent trouver un nouveau pays d’accueil car ils ne peuvent pas rentrer chez eux où ils risqueraient notamment d’être torturés. Tous ne peuvent pas non plus être accueillis par les Etats-Unis.

L’ONG Reprieve, dont fait parti l’avocat de Binyam Mohamed, espère que les Européens feront un geste. Pour l’instant, les 27 sont partagés. Le Portugal et la Lituanie ont donné leur aval quant à l’arrivée d’anciens détenus sur leur sol. Les Pays-Bas ou l’Autriche ont au contraire refusé. La France a précisé qu’elle déciderait « au cas par cas ».

Certains pays souhaitent une réponse commune de l’Union européenne notamment en raison de l’existence de l’espace Schengen, qui permet la libre circulation des personnes en Europe. Ainsi, un prisonnier accepté à Lisbonne pourra, sans mal, se rendre à Vienne.

De nombreux eurodéputés ont déclaré lors d’une session du Parlement européen en janvier dernier que l’UE devait faire face à ses responsabilités. Pendant des années, des prisonniers munis d’un aller simple pour Guantanamo ont survolé l’espace aérien européen. Plusieurs gouvernements avaient alors fermé les yeux.