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Fespaco

Hommage à Sembène Ousmane

par Catherine Ruelle

Article publié le 24/02/2009 Dernière mise à jour le 26/02/2009 à 06:44 TU

Sa sempiternelle pipe à la bouche, Sembène Ousmane aura marqué de sa présence bougonnante les quarante premières années du Fespaco, dont il fut l’un des créateurs et dont il ne rata qu’une édition, en 2007, l’année de sa mort.

 

Né le 1er janvier 1923 à Ziguinchor, au Sénégal, mort le 9 juin 2007, dans sa maison, Calle Ceddo, à Dakar, Sembène Ousmane vécut pleinement plusieurs vies, et plusieurs carrières : docker, écrivain, cinéaste, il fut un des plus grands créateurs contemporains, dont les œuvres sont enseignées comme des classiques dans les plus grandes universités américaines.

De son enfance, il a gardé le goût de la rébellion, contre les «maîtres», de sa mobilisation dans l’armée française et les tirailleurs sénégalais, le sentiment d’une grande injustice, de sa vie de docker noir sur le port de Marseille, le souvenir des grandes luttes militantes, et la découverte de la littérature.

En 1956, il publie son premier roman, Le Docker noir, qui relate son expérience de docker. Puis en 1957, Ô pays, mon beau peuple. En 1960, il publie un nouveau roman, Les Bouts de bois de Dieu, qui raconte l’histoire de la grève des cheminots en 1947-1948 sur la ligne de chemin de fer reliant Dakar à Bamako. En 1960, l’année de l’indépendance, Sembène Ousmane voyage à travers l’Afrique. C’est sur le fleuve Congo qu’il aura l’intuition du cinéma, de la force des images, et de l’importance de ce média comme « école du soir ». Sans hésiter, à plus de quarante ans, il recommence tout à zéro, et va apprendre le cinéma au VGIK à Moscou.

La suite on la connaît : l’étonnement créé au plan international par ses premiers films, Borrom Sarret, la Noire de… Le début d’une carrière de cinéaste qui se terminera avec un autre film magnifique, Moolade, en 2003, un nouveau combat de femme.

Mais le cinéma n’est pour Sembène qu’une partie de sa vie et de son engagement. Sembène est de tous les combats. De son passé de docker et de militant politique, il a gardé l’amour des petites gens, l’envie de les défendre, de leur donner une voix, eux qui sont réduits au silence. Très vite avec son complice de toujours, Tahar Chéria, il engage le cinéma dans une voie politique et crée, avec d’autres, la semaine du cinéma africain, qui allait devenir le Fespaco.

Toute son oeuvre documente les problèmes contemporains des sociétés africaines – corruption, népotisme, utilisation néfaste de la tradition - (Le Mandat, Xala) et raconte l’histoire de son continent (Emitaï, Ceddo, Camp de Thiaroye) et de la lutte contre les forces coloniales et néo-coloniales.

En 2000, avec Faat Kiné, il débute un triptyque sur «l’héroïsme au quotidien» et la condition de la femme africaine. Le second, Mooladé (2003), aborde de front le thème très sensible de l’excision. Malade depuis plusieurs mois, il meurt à l'âge de 84 ans à son domicile de Yoff, le 9 juin 2007, en pleine préparation du troisième volet du tryptique, La Confrérie des rats. Mais le seul vrai projet qu’il n’aura pu mener à bien, malgré trente années d’efforts, projet qui lui tenait si profondément à cœur, que tout son bureau était couvert de gravures et de documents, c’est l’histoire de l’Almamy Samory Touré.
Salut l’ancien !

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