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Justice française

L’appel du berger

par Franck Alexandre

Article publié le 02/03/2009 Dernière mise à jour le 27/05/2009 à 22:15 TU

Le 9 février dernier, s’ouvrait à Paris l’un des procès les plus attendus de l’année : le procès en appel d’Yvan Colonna. Le berger de Cargèse, condamné une première fois à la prison à perpétuité pour le meurtre du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, comparaît à nouveau devant une Cour d’assises spéciale. Le récit des trois premières semaines d’audience.
9 février au matin, la grande salle de la Cour d’assises de Paris est comble. Les bancs de la presse sont pleins. Le public est venu nombreux avec, au premier rang, la famille et les proches d’Yvan Colonna. Sa sœur Christine, son frère Stéphane et leur père Jean Hugues attendent l’ouverture des débats avec une certaine anxiété.

La sonnerie retentit… « La Cour », annonce le greffier, comme le veut la tradition judiciaire… Moment solennel, on se lève quand arrivent les magistrats. Ils sont neuf au total. Ici pas de jurés populaires, c’est une affaire de terrorisme. Afin d’éviter toute pression, l’accusé sera jugé par des professionnels. Didier Wacogne préside cette Cour. Crâne rasé, fines lunettes, âgé d’une cinquantaine d’années, c’est un magistrat rompu au travail d’une Cour d’assises.

Pascal Garbarini (g) et Patrick Maisonneuve, avocats d'Yvan Colonna.(Photo: AFP)

Pascal Garbarini (g) et Patrick Maisonneuve, avocats d'Yvan Colonna.
(Photo: AFP)

Au centre : la barre, où viennent déposer les témoins. A gauche, dans une sorte de perchoir qui domine la salle, siège l’accusation. Deux magistrats généraux, Christophe Tessier et le célèbre procureur Jean-Claude Cross, représentent le Parquet. A droite, sont installés les avocats de la défense. Une véritable armada. D’abord Antoine Sollacaro, bâtonnier d’Ajaccio, truculent, le verbe haut, il est prêt à toutes les audaces. Comme il le dit lui-même : « Je n’ai peur de personne ». Moins remuant mais tout aussi déterminé, Gilles Siméoni vient de Bastia. C’est le fils du docteur Edmond Siméoni, figure du nationalisme corse. Avocat méticuleux, il connaît dans le détail les 140 tomes du dossier. Pascal Garbarini et Philippe Dehapio s’occupent des questions de procédure, enfin Yvan Colonna s’est assuré les services d’un ténor du barreau parisien : Patrick Maisonneuve. Cette défense à des allures de machine de guerre.

« Faites entrer l’accusé »…

Yvan Colonna.(Photo : AFP)

Yvan Colonna.
(Photo : AFP)

« Faites entrer l’accusé », ordonne le président Wacogne. Encadré par deux gendarmes, Yvan Colonna pénètre dans le box des accusés…Comme à son premier procès, il n’a pas voulu renoncer à ses vêtements de sport. Colonna porte une veste de jogging rouge et blanche. Il fait de petits gestes de la main et multiplie les clins d’œil à ses proches qui lui sourient.

Face à lui, assise sur le banc des parties civiles, la famille Erignac, ne laisse rien paraître. Madame Erignac, sa fille Christophine et son fils Charles-Antoine, forment un bloc. Philippe Lemaire est leur conseil. Cinquante-et un ans d’activité, Philippe Lemaire est une figure du Barreau parisien, c’est un avocat respecté. Lorsque l’épouse de Claude Erignac prend la parole, elle ne prononce que quelques mots : « Je conjure Yvan Colonna de dire enfin la vérité, nous avons le droit de savoir et Claude a droit à la justice ».

« Ma famille ne viendra pas témoigner »

Au deuxième jour de son procès, Yvan Colonna surprend la Cour d’assises. Les magistrats procèdent alors à l’examen de personnalité, et souhaitent entendre sa famille. Ces témoignages profitent généralement à l’accusé, mais Colonna s’y refuse : « C’est moi qui leur ai demandé de ne pas venir », dit-il à la Cour, « c’est un jeu hypocrite, on dit des choses bien sur moi et personne n’écoute… Ce qui est important, c’est de savoir si je suis coupable ou innocent… Depuis mai 1999, la vérité officielle, c’est que je suis l’assassin du préfet. En 2003, quand j’ai été interpellé, Sarkozy a dit : on a arrêté le tueur du Préfet. La présomption d’innocence, c’est pour ses amis, pas pour moi. Comment voulez-vous que j’ai confiance en la justice ? ».

Le regard sévère, le président Didier Wacogne rétorque : « La Cour n’a pas reçu de pressions politiques, je le dis une fois pour toute ». Et l’examen de personnalité reprend.

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Réalisation  Farid ACHACHE / RFI