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Fespaco

Paroles de cinéaste

Article publié le 03/03/2009 Dernière mise à jour le 03/03/2009 à 16:24 TU

Daouda Coulibaly, 32 ans, est malien, mais il réside en France où il a monté sa propre structure de production audiovisuelle il y a 4 ans. Son film Il était une fois l'indépendance est en compétition au Fespaco, dans la catégorie des courts-métrages.

L'Indépendance du Cameroun, à la Une de France-Soir.

L'Indépendance du Cameroun, à la Une de France-Soir.

RFI: Il était une fois l'Indépendance est un film qui superpose l’histoire d’un couple africain avec l’Histoire du continent africain. Dès les premières images, le ton donné, c’est un film entièrement en noir et blanc, on voit une fête de mariage avec en bande-son les déclarations d’indépendance du Niger, du Cameroun, du Sénégal, etc… pendant à peu près 5 minutes. Puis, on passe à l’histoire du couple après son mariage. Une voix off déclarant «au début, l’indépendance, c’était une promesse» alors qu’on voit les gens danser. Daouda Coulibaly, pourquoi avoir choisi de mêler ainsi l’histoire personnelle, intime d’un homme et d’une femme avec l'Histoire africaine ?

Daouda Coulibaly : Je voulais me replonger dans ce qui définit peut-être le mieux les histoires africaines:  le conte. Donc, je me suis inspiré d’un conte d’Amadou Hampâté Bâ qui est Les Trois Choix du marabout que j’ai librement adapté. J’ai voulu respecter le récit du conte… ça, je ne l’ai pas inventé. En revanche, j’ai inséré les récits politiques et tous les récits politiques qui jalonnent le récit nous font traverser l’histoire des 50 dernières années.

RFI: Vous parlez d’un conte, effectivement, c’est une fable, puisqu’après on passe à l’histoire de ce couple qui va se désunir avant de revenir ensemble. Il y a Dieu qui va apparaître au mari qui est un ascète très vertueux et Dieu va lui accorder trois vœux. En quoi, cette histoire spécifique, pensez-vous, peut être une parabole justement des 50 dernières années de l’Histoire africaine ?

D.C.: On termine le film par une morale. Je pense effectivement que faire le bilan des 50 dernières années, sans rien apporter de plus, ça aurait été dommage. Donner une morale après avoir vu le conte, sans faire le lien avec ce qu’on vit aujourd’hui, ça aurait été dommage aussi. Donc, l’idée, c’était de mélanger les deux.

RFI: Mais justement, la morale, quelle est-elle la morale de l’histoire ?

D.C.:
La dernière phrase du film, c’est «si tu supportes la fumée, tu te réchaufferas avec la braise». Donc…

RFI: C'est-à-dire qu’il faut pour arriver à plus de progrès, il faut supporter les défauts, les soubresauts de l’Histoire ?

D.C.:
C’est comme ça que le progrès se définit, il faut connaître des échecs, des déceptions pour pouvoir un jour arriver à être satisfait de ce qu’on veut construire. Les 50 années qui viennent de s’écouler, on peut les voir de différentes manières. On peut voir la frustration, la déception de ceux qui ont pu connaître ces moments-là, parce qu’on se rappelle qu’à l’époque, c’était beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’espoir. [...]

RFI : Vous êtes plutôt optimiste, Daouda Coulibaly, sur l’avenir et le présent de l’Afrique ?

D.C.: Bien sûr, pourquoi on ne le serait pas ? On entend beaucoup de pessimistes par-ci, par-là. Mais, quand je me ballade dans les rues de Ouaga ou de Bamako, je vois des gens avec le sourire, je vois beaucoup de joie... bien sûr, si l’on veut se contenter de regarder la misère et la poussière sur nos baskets, on peut le faire aussi, mais on peut très bien déplacer notre regard sur les choses positifs et retirer beaucoup de raisons de croire en avenir meilleur.

RFI: Dans quelles conditions et avec quel producteur, quelles aides vous avez réalisé ce film ?

D.C.: Disons, le principal ingrédient de ce film… c’est le cœur. Le cœur des gens qui ont participé à ce projet. Pour ce qui est des conditions financières, elles consistent en mes économies…

RFI: … Que vos économies ?

D.C.: Mes économies, oui... Dis comme ça, ça occulterait le fait qu’on est peut-être une centaine à avoir participé à ce petit film et c’est une richesse…

RFI: … Forcément des gens que vous n’avez pas pu payer, peut-être ?

D.C.: Non, tout juste dédommager pour les transports… ils ont eu une boisson à la fin de la séquence, mais c’est tout… On n’a pas fait ce film avec de l’argent, on l’a fait avec le cœur des gens…

RFI: Vous avez le sentiment que les autres jeunes réalisateurs font un peu comme vous, à l’énergie, en travaillant au numérique avec une petite caméra ?

D.C.: Oui, je pense que c’est le numérique qui permet ça aujourd’hui. Il suffit d’avoir une caméra, les cassettes sont bon marché. On peut très bien se débrouiller et avoir la possibilité de tourner un film, sans se ruiner.

RFI: Mais quelle idée de dépenser toutes vos économies pour un film ? Qu’est-ce qui vous donne envie de faire du cinéma ?

D.C.: Avec ce que m’a coûté le film, j’avais le choix entre m’acheter une voiture d’occasion et faire le tour de mes amis avec… Ou bien continuer à prendre le bus et faire un film. J’ai choisi de faire un film.

                        (extrait de l'émission Culture Vive de Pascal Paradou du 3 mars 2009, entretien Pascal Paradou et Sophie Torlotin)

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