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Cuba

L’héritage de Fidel Castro disparaît

par Michèle Gayral

Article publié le 03/03/2009 Dernière mise à jour le 03/03/2009 à 21:56 TU

Après le large remaniement ministériel auquel a procédé Raúl Castro, la portée de cette décision, annoncée le 2 mars, pourrait être limitée. Les changements au sein de l'équipe dirigeante qui entoure le nouveau chef de l'Etat cubain n'annoncent pas forcément un changement de stratégie, au moins dans l'immédiat...
Des habitants de La Havane découvrent la liste des nouveaux membres du gouvernement, le 3 mars 2009.(Photo : Reuters)

Des habitants de La Havane découvrent la liste des nouveaux membres du gouvernement, le 3 mars 2009.
(Photo : Reuters)


Avec ce remaniement, Raúl Castro prend avant tout clairement ses distances avec les hommes de son frère Fidel. Parmi les évincés, les deux poids lourds qu'étaient, d'une part le ministre des Affaires étrangères Felipe Perez Roque, d'autre part le chef de cabinet - sorte de Premier ministre - Carlos Lage. Les deux hommes devaient tout au Lider Maximo. Trop jeunes pour avoir participé à la Révolution de 1958, ils n'avaient accédé aux premiers rôles que du fait de leur proximité avec Fidel Castro, l'un comme secrétaire personnel, l'autre comme chargé des réformes économiques imposées dans les années 90 par l'éclatement de l'URSS.

Le nouveau chef de l'Etat remplace donc les « fidélistes », soit par des « raúlistes », en général compagnons d'armes de celui qui est resté pendant près de 50 ans ministre de la Défense - par exemple le général José Ricardo Guerra, qui remplace Carlos Lage, a longtemps été le bras droit du général Raúl Castro -, soit par des personnages de second plan qui, à leur tour, devront tout à leur bienfaiteur. Les civils promus font en effet plus figure de techniciens que de fiers idéologues. Le nouveau chef de la diplomatie Bruno Rodriguez est ainsi un diplomate discret, mais fin connaisseur des dossiers, et qui a beaucoup œuvré en coulisses pour le retour de plein pied de Cuba en Amérique latine, retour consacré par l'intégration de l'île au Groupe de Rio, puis par la visite, à La Havane, de huit chefs d'Etat de la région au cours des deux derniers mois.

Un remaniement annoncé presqu'en catimini

Raúl Castro a montré une évidente volonté de dédramatiser les changements intervenus : le remaniement a été rendu public à la télévision d'Etat, à la fin d'un journal, comme s'il s'agissait d'une information de peu d'importance. Il s'agit pourtant d'un remaniement d'envergure, et le premier de cette ampleur depuis que Raúl Castro est officiellement devenu chef de l'Etat il y a un peu plus d'un an, après avoir été chargé de l'intérim de son frère malade en juillet 2006.

D'envergure, parce que parmi la douzaine de mouvements ministériels ainsi annoncés presque à la sauvette, deux personnalités apparemment intouchables du régime, longtemps présentées comme la relève des deux frères vieillissants qui avaient fait la Révolution, disparaissent du premier cercle du pouvoir. Et aussi parce qu'un secteur ministériel au moins est collectivement touché, celui des affaires économiques : la plupart des collaborateurs directs de Carlos Lage, les ministres de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur, laissent leur place à d'autres hommes, semble-t-il de moindre relief.

Le président cubain Raúl Castro.(Photo : Reuters)

Le président cubain Raúl Castro.
(Photo : Reuters)

L'appareil d'Etat se trouve réduit : le gouvernement ne compte plus que 27 ministères au lieu de 30. Mais sous prétexte d'équipe resserrée et plus efficace, le nouveau président cubain éprouve le besoin de s'entourer d'hommes de confiance plus que d'hommes nouveaux, non pour bouleverser un régime dont il fut l'un des piliers, mais pour faire face peut-être à une possible nouvelle donne aux Etats-Unis, tout en cultivant son assise latino-américaine. On prête en effet à Barack Obama l'intention d'assouplir l'embargo imposé par Washington à l'île communiste il y a plus de 45 ans. Des secteurs de plus en plus larges s'insurgent aux Etats-Unis contre les restrictions aux voyages et au commerce. Y compris au sein de la communauté cubano-américaine de Floride.

Mais ce remaniement est-il annonciateur de relations nouvelles entre La Havane et Washington ? Non, en tout cas pas immédiatement, estiment la plupart des analystes. Certes, Felipe Perez Roque se complaisait dans de rudes attaques verbales contre les Etats-Unis, tenus responsables de tous les problèmes auxquels s'est heurtée la révolution cubaine. Raúl Castro est moins adepte des éclats de voix à la tribune que l'était son frère, et par mimétisme le jeune protégé de Fidel. Il est vraisemblable que le style de celui qui incarne le nouveau visage de la diplomatie cubaine correspond mieux à sa nature.

L'impact de ce remaniement reste donc pour l'instant difficile à mesurer, même s'il ne faut sans doute pas le sous-estimer. Il est vrai que la restructuration ainsi lancée pourrait ne pas s'arrêter en si bon chemin. Raúl Castro a même prédit que les changements ministériels intervenus ne seraient pas les derniers, car, a-t-il précisé, il faut « perfectionner » les institutions, garantes de « l'invulnérabilité de la Révolution »...