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Mauritanie

Controverse sur la médiation de Kadhafi

Article publié le 12/03/2009 Dernière mise à jour le 13/03/2009 à 14:33 TU

Le Colonel Kadhafi, désormais président de l’Union africaine, vient de passer trois jours à Nouakchott. Médiateur dans la crise mauritanienne, il a pris acte du coup d’Etat et encouragé les Mauritaniens à regarder vers l’avenir. Une visite qui a semé le trouble dans le pays.
Le guide lybien, Mouammar Kadhafi (g), avant de reprendre son avion, jeudi 12 mars 2009, accompagné du chef de l'Etat mauritanien, le général Mohamed ould Abdel Aziz (d).(Photo : M. Rivière/RFI)

Le guide lybien, Mouammar Kadhafi (g), avant de reprendre son avion, jeudi 12 mars 2009, accompagné du chef de l'Etat mauritanien, le général Mohamed ould Abdel Aziz (d).
(Photo : M. Rivière/RFI)


De notre correspondante à Nouakchott, Manon Rivière

L’avion de Mouammar Kadhafi a décollé vers 14 heures ce jeudi, après trois jours d’une visite à la fois religieuse et diplomatique. A l’occasion de la fête du Mouloud, qui marque la naissance du prophète, le Guide libyen a dirigé mardi soir une grande prière collective à Nouakchott. Mais ce n’est pas tout. En tant que président de l’Union africaine, il a aussi profité de ce déplacement pour tenter de dénouer la crise politique qui ronge le pays depuis sept mois, depuis le putsch militaire du 6 août dernier. Des contacts ont ainsi été noués entre les différentes parties mauritaniennes et son émissaire spécial, Raffa El-Madani. Le Guide libyen a de son côté rencontré plusieurs leaders politiques du pays. Mais à l’heure du bilan, il est bien difficile de dire si cette médiation a été une réussite ou un échec.

Echec ou réussite ?

D’après un observateur étranger, « cette visite a contribué à cristalliser les positions des différentes parties ». En effet, alors que l’on s’attendait à un apaisement et une incitation au dialogue, Mouammar Kadhafi a clairement pris position en faveur du régime en place. « Il faut préparer de bonnes élections, c’est ça le plus important désormais », a-t-il ainsi déclaré juste avant son départ, dans le salon d’honneur de l’aéroport de Nouakchott. Avant d’ajouter : « Le dossier des sanctions de l’Union africaine contre la junte est clos ». Des petites phrases qui ont mis le feu aux poudres et entrainé la colère des leaders du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD).

« Mouammar Kadhafi a adopté l’agenda des militaires, qui prévoient  une présidentielle anticipée le 6 juin ! », déplore Mohamed ould Maouloud, le président de l’Union des forces de progrès, un parti opposé au coup d’Etat. « De la part du président de l’Union africaine, nous attendions autre chose qu’une prise de position en faveur de l’une ou l’autre des parties ! ».

« Nous sommes très déçus, estime pour sa part Abdelkoudous ould Abeidna, président en exercice du FNDD. Le colonel Kadhafi est sorti de son cadre de médiateur et il a renforcé la crise en Mauritanie ! » ; Abdelkoudous ould Abeidna qui se dit aussi écœuré de la manière avec laquelle cette médiation a été orchestrée. « Le Colonel nous a dit que nous pourrions nous arranger avec le Général, par exemple en acceptant des postes ou quelques petites faveurs. Tout cela pour lui permettre d’être candidat le 6 juin. Nous avons bien sûr refusé ! ».

Leader de l’opposition démocratique avant le putsch, Ahmed ould Daddah, le président du RFD, attendait lui aussi plus de choses concrètes de la part de Mouammar Kadhafi. Pour Ahmed ould Daddah, une candidature des militaires à la date du 6 juin est inenvisageable, mais sur ce point précis par exemple, il n’a pas obtenu les engagements qu’il souhaitait. « Cette médiation a ajouté à la confusion, dit-il. Nous restons ouverts à la discussion mais pour le moment, nous restons sur notre faim ! ».

Satisfaction dans le camp du Général Aziz

Du côté du pouvoir, en revanche, on se frotte les mains. « Ce qu’il faut retenir, c’est que le dialogue a été entamé ! », martèle Moustafa ould Abeiderrahmane, un député de la majorité qui soutient le coup d’Etat. Pour lui, le discours de Mouammar Kadhafi est intéressant car il n’est ni tout blanc, ni tout noir. « C’est vrai qu’il a dit qu’on ne pouvait plus revenir à la situation d’avant le putsch. Mais il a aussi clairement insisté sur le fait qu’on ne devait pas légitimer le coup d’Etat ! », précise encore cet élu.

Plus pragmatique, le député Mohamed Ali Chérif estime que le dialogue n’a pas été rompu entre les différentes parties. « Ce n’est que le début des discussions. Dans ce genre de situation, on peut très bien se fâcher un jour et se réconcilier le lendemain », a-t-il admis.

Au cours d’une conférence de presse, organisée après le départ du Guide, El Kory ould Abdel Mola, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, s’est lui aussi félicité de l’intervention libyenne. « L’image de la Mauritanie a été écornée ces derniers temps à l’extérieur. Mais celui qui vient ici, se rend bien compte qu’il n’y a aucun problème dans ce pays », a déclaré El Kory ould Abdel Mola. Avant de poursuivre : « Mouammar Kadhafi a dit qu’il n’y avait pas de problème en Mauritanie et qu’il fallait juste organiser des élections le 6 juin. C’est donc ce que nous allons faire », a conclu le ministre.