Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Francophonie

Soutien accru à la langue française de l'OIF

par Marie Joannidis (MFI)

Article publié le 13/03/2009 Dernière mise à jour le 17/03/2009 à 14:53 TU

© Fabrice Coffrini/AFP

© Fabrice Coffrini/AFP

Le secrétaire général de la Francophonie explique pourquoi un soutien accru à la langue française a été décidé lors du Sommet d’octobre 2008 à Québec. Le besoin était patent dans au moins trois domaines : les systèmes éducatifs, l’environnement socio-économique et l’utilisation du français dans la vie internationale.

MFI : A Québec, vous avez placé la langue française au centre des préoccupations de la Francophonie. Est-ce parce que le monde est de plus en plus anglophone ?

Abdou Diouf : Si l’accent a été mis sur la langue française lors du Sommet de Québec – où elle a, pour la première fois, fait l’objet d’une résolution –, c’est avant tout pour répondre à une préoccupation de nos Etats et gouvernements membres, qui revendiquent pour cette langue un effort de promotion.

La tentation du monolinguisme que nous observons au niveau planétaire serait plutôt le corollaire d’une mondialisation déséquilibrée et uniformisatrice. Je ne dirais cependant pas que le monde devient de plus en plus anglophone : les chiffres les plus fantaisistes circulent – pas toujours sans arrière-pensées – mais leur disparité suffit à les décrédibiliser. Il est vrai qu’estimer le nombre de locuteurs d’une langue est très délicat. Par exemple, nous considérons, d’après nos enquêtes, qu’environ 200 millions de personnes sont capables de s’exprimer en français dans le monde. C’est moins que l’ensemble des populations de nos 70 pays membres et observateurs, et même moins que la somme des résidents des 32 Etats et gouvernements où le français est langue officielle. Mais nous essayons d’être rigoureux, quitte à ce que ce soit moins spectaculaire !

De plus, si j’en juge par la politique volontariste d’autres langues (chinoise, russe, allemande, anglaise…), je constate que le souci de promouvoir sa langue est partagé par beaucoup d’organisations, et c’est heureux pour la diversité linguistique. Enfin, je note qu’avec près de 110 millions d’apprenants, la langue française est enseignée dans la quasi totalité des pays de la planète et que la demande ne faiblit pas : nous la mesurons aux sollicitations qui sont faites à notre Organisation !

MFI : Soutenir le français, est-ce protectionniste ou est-ce défendre une vision du monde ?

A. D. : Je ne parlerai pas de protectionnisme, qui implique une attaque, ni de défense qui suppose un ennemi. Je préfère parler de promotion de la langue française, ce qui me semble non seulement traduire plus clairement notre ambition au service de toutes les langues, mais aussi mieux correspondre à la volonté exprimée dans la résolution sur la langue française adoptée à Québec.

Tous nos membres ont souhaité rappeler la valeur qu’ils attachent au français. Certains, parce que sa qualité de langue d’enseignement en fait un élément clef de la réussite de l’objectif de l’Education pour tous. D’autres, parce que son statut de langue officielle et de travail de la plupart des organisations internationales en fait un outil indispensable pour peser sur la scène mondiale. D’autres encore, en raison d’une vision revendiquée d’un monde pluriel, dont la diversité, notamment linguistique, serait menacée sans une politique de régulation.

Je considère que l’équilibre du monde repose, pour une grande part, sur la vitalité démocratique des organisations internationales. Non pas comme entités supranationales abstraites, mais en tant que lieux d’expression, de négociation et de conciliation des points de vue nationaux. D’où l’importance que j’attache au respect des règles du plurilinguisme dans ces organisations, notamment dans le système des Nations unies, qui connaît malheureusement une dérive unilingue, et à l’Union européenne, dont le grand nombre de langues officielles (23) ne doit pas nous faire renoncer à certaines exigences minimales en faveur de l’usage effectif de plusieurs langues, dont le français.


MFI : Quels sont les principaux obstacles qui freinent l’expansion linguistique, alors que sur le plan politique de plus en plus de pays veulent rejoindre l’OIF?

A. D. : La Francophonie, déjà présente sur les cinq continents, peut difficilement s’étendre au-delà ! Plus sérieusement, il faut bien voir que la francophonie réelle ne se limite pas à son espace institutionnel. Ainsi, de nombreux territoires, actuellement non membres de l’OIF, abritent au total plusieurs millions de francophones : l’Algérie naturellement, mais aussi Israël ou la Syrie, sans oublier la Louisiane ou la Nouvelle-Angleterre… Chacun a pu aussi faire l’expérience de la présence de la langue française dans un taxi à New York, une librairie à Moscou, un restaurant à Montevideo… Enfin, il est une terre sans limites que les francophones ne cessent de fertiliser : la littérature ! D’Atiq Rahimi à Le Clézio en passant par Tierno Monénembo ou Hubert Haddad, nous pouvons célébrer une certaine universalité de la langue française, dans l’acception qu’avait si bien pressentie Léopold Sedar Senghor.

Votre question n’en demeure pas moins pertinente concernant les obstacles non pas tellement à l’expansion, mais plutôt à la diversité linguistique. Nous croyons fermement à la nécessité de multiplier l’offre linguistique dans l’enseignement, dès les premières années de scolarisation, en proposant des langues d’origines variées : latine, arabe, germanique, africaine, slave, anglo-saxonne… Nous sommes convaincus que des femmes et des hommes bi- ou trilingues seront non seulement plus ouverts et plus riches sur le plan intellectuel, mais aussi plus efficaces et créateurs de richesses sur le plan économique.