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Francophonie

Les entreprises françaises ne résistent pas au "debriefing"

Article publié le 13/03/2009 Dernière mise à jour le 15/03/2009 à 19:16 TU

Sculpture de Jacques Villeglé.© Elisabeth Bouvet/RFI

Sculpture de Jacques Villeglé.
© Elisabeth Bouvet/RFI

Si au Québec, la Charte de la langue française institue dès 1977 le droit fondamental de tout Québécois à travailler en français, en France ce n’est qu’en 1994 qu’est introduite l’obligation d’emploi du français au travail, à laquelle la jurisprudence ne donne corps que depuis 2006. Pourtant, la situation en Europe est critique.

«La situation ne fait qu’empirer, s’indigne Albert Salon. Malgré les procès gagnés et les réactions qui ne cessent de s’amplifier, les mauvaises pratiques dans les entreprises actives en France continuent : on impose aux salariés de travailler dans une langue qui n’est pas la leur – le plus souvent en anglais. Cette pratique, qui concernait surtout les cadres, s’étend désormais de plus en plus aux relations internes et aux techniciens, parfois par logiciel interposé. On prétend que l’anglais serait la langue du commerce extérieur. Mais la langue du commerce extérieur, n’est-ce pas la langue du client ?», s’interroge l’ancien ambassadeur, qui préside à la fois la section française du Forum francophone international (FFI) et l’association Avenir de la Langue française (ALF).

L’Europe en pleine «reconversion linguistique» ?

«Nous assistons à l’effacement du français en France», où des travailleurs sont parfois confrontés à des instructions en anglais qu’ils ne maîtrisent pas, ce qui entraîne «souffrance, acculturation et problèmes de sécurité», confirme Jean-Loup Cuisiniez, syndicaliste de la CFTC qui entame sa «dixième année de vigilance et d’action sur la question linguistique». C’est presque naturellement qu’il était devenu le porte-parole du collectif intersyndical pour le droit de travailler en français en France, collectif né en 2006 à la suite de l’affaire de sur-irradiation à l’hôpital d’Epinal, dans l’Est de la France. Si ce collectif intersyndical, dont la finalité était de sensibiliser les grandes confédérations sur l’importance de la question de la langue au travail, a vécu, son action se poursuit sous l’égide des organisations syndicales elles-mêmes et des associations partenaires qui restent mobilisées.

C’est ainsi qu’à la suite d’une première manifestation réussie le 8 février 2007 à Paris sur le droit de travailler en français en France, a été organisée, le 9 mars 2009 à Paris toujours, une conférence de sensibilisation pour le droit de travailler dans sa langue nationale dans son pays. Le concept, en effet –conformément à l’idée francophone de diversité culturelle, pourrait-on dire !–, a été étendu. Etaient ainsi invités, outre les syndicats, associations et parlementaires français, des syndicalistes et associations de pays européens voisins ainsi que du Québec. Car si la question est d’une évidente actualité en France, «c’est toute l’Europe, alerte Jean-Loup Cuisiniez, qui fait face –bien après la reconversion industrielle– à une reconversion linguistique. L’anglais se substitue aux langues nationales avec le consentement inconscient des citoyens. Et pendant que les anglophones améliorent leurs compétences techniques, les francophones sont contraints d’améliorer leurs compétences en anglais…»
 

Des utilisateurs qui se déclarent gênés de devoir lire des documents dans une autre langue

Il est certain qu’en France, les dispositions légales garantissant l’usage du français dans le monde du travail sont insuffisamment connues, comme l’ont montré différentes études lancées par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). C’est la loi du 4 août 1994, dite «loi Toubon», qui a introduit dans le droit du travail l’obligation d’emploi du français pour certaines informations délivrées au salarié par l’employeur, notamment celles contenues dans le contrat de travail, le règlement intérieur et tout document nécessaire au salarié.

Le dernier rapport au Parlement sur l’emploi de la langue française de la DGLFLF précise la réalité des pratiques linguistiques dans le monde du travail. On y apprend que 26% des salariés des entreprises de 20 salariés et plus sont amenés à parler ou à écrire une langue étrangère dans le cadre de leur activité professionnelle, soit environ 1,8 million de personnes. La langue étrangère qu’ils utilisent principalement est l’anglais dans 89% des cas, une autre langue étrangère répandue dans 8% des cas (allemand 5%, espagnol 2% et italien 1%), une autre langue dans 3% des cas. Par ailleurs, 32% des salariés sont amenés à lire des documents rédigés dans une langue étrangère, soit environ 2,27 millions d’individus, parmi lesquels 22% en ressentent une gêne, soit 7% du total ou environ 500 000 salariés des entreprises de 20 salariés ou plus considérés comme des utilisateurs gênés.

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