par Corinne Mandjou
Article publié le 16/03/2009 Dernière mise à jour le 17/03/2009 à 15:16 TU
Deux générations devant le portrait peint du Pape Benoît XVI, dont la calotte et la chasuble représentent le drapeau du Cameroun à Yaoundé, le 15 mars 2009.
(Photo : Reuters)
La visite du pape au Cameroun est une réponse à l'invitation de la Conférence épiscopale nationale et du président Paul Biya. Pendant trois jours, du 17 au 20 mars, Benoît XVI assouvira ainsi la ferveur de nombreux chrétiens, mais pas seulement. L'engouement pour le souverain pontife a gagné toute la population camerounaise. Les pagnes imprimés à son effigie et proposés à 7 500 francs CFA, soit 12 euros, se sont vendus comme des petits pains. Un peu partout circulent des gadgets portant l'image du Saint-Père : des calendriers, des tee-shirts, des casquettes, mais aussi des foulards et des briquets.
Benoît XVI est le deuxième pape que le Cameroun accueille, après les visites historiques de Jean-Paul II en 1985 et en 1995. C'est cette année-là à Yaoundé que le pape Jean-Paul II avait promulgué l'Exhortation Apostolique Post Synodale Ecclesia in Africa.
Concurrence d'autres Eglises
Le programme de Benoît XVI, dont le séjour se limitera à Yaoundé la capitale, est bien chargé. Outre les rencontres avec les dirigeants politiques dont le premier d'entre eux le président Paul Biya, le pape, qui veut encourager les chrétiens dans leur engagement oeucuménique, s'entretiendra avec les chefs de la communauté musulmane, des prêtres animistes mais aussi les responsables d'autres confessions chrétiennes à savoir les protestants, évangéliques notamment.
Il faut dire que la poussée des Eglises et sectes évangéliques en Afrique porte un rude coup à l’Eglise catholique. Par ces temps de marasme économique, les populations se tournent de plus en plus vers des assemblées évangéliques et pentecôtistes qui promettent des miracles sous forme de guérison et d’enrichissement rapides. Le pape devra réfléchir aux moyens de faire face à cette rivalité.
Les fidèles de l'Eglise catholique ne seront pas négligés, loin de là. Benoît XVI leur consacrera beaucoup de temps. Une messe papale sera célébrée, le jeudi 19 mars au grand stade Omnisports Ahmadou Ahidjo de la capitale. Mais pour y assister, il faudra montrer patte blanche. Pour éviter tout débordement, la hiérarchie de l'église catholique locale a demandé aux chrétiens de s'inscrire auprès des curés de paroisses. Une condition qui provoque quelques grincements de dents.
Il faut dire qu'en Afrique, le nombre de fidèles est en nette croissance. L'Eglise catholique connaît un dynamisme important. Selon les dernières statistiques officielles du Vatican, le nombre de fidèles a encore progressé en Afrique de 3% en 2007, alors qu'il est resté stable ou s'est amenuisé partout ailleurs dans le monde. Benoît XVI est bien décidé à capitaliser cet atout.
A la rencontre du monde de la souffrance
Le souverain pontife a également prévu d'aller à la rencontre du monde de la souffrance. Pour cela, il visitera le centre national de réhabilitation des handicapés de Yaoundé, mais aussi un hospice, occasion pour lui d'évoquer le fléau du sida. Plus de 25 millions d'Africains sont morts du sida depuis le début des années 1980, et un nombre presque équivalent ont contracté le VIH. L'Eglise catholique présente la fidélité dans le mariage et l'abstinence comme les meilleurs moyens de prévenir l'extension de l'épidémie.
Autre temps fort de cette visite pastorale : le 19 mars, les représentants des conférences épiscopales de 52 pays se réuniront autour de Benoît XVI pour préparer la deuxième Assemblée spéciale du Synode pour l'Afrique, prévue du 04 au 25 octobre 2009, à Rome. Un deuxième synode qui se tiendra quinze ans après le premier convoqué par son prédécesseur, Jean-Paul II, en 1994.
Après le Cameroun, l’Angola. Benoît XVI est attendu le 20 mars à Luanda pour les trois derniers jours de sa visite africaine. Une occasion pour le souverain pontife de célébrer solennellement le 500e anniversaire de l’évangélisation de ce pays. Les préparatifs pour l’accueil du pape vont bon train. Les scouts sont mis à contribution et s’entraînent déjà à l’aéroport international de Luanda. Six mille d'entre eux sont déjà en campement au grand séminaire de Luanda.
A l'instar du Cameroun, le programme prévoit notamment une visite au chef de l’Etat, José Eduardo Dos Santos, des rencontres avec les responsables politiques et les leaders religieux de diverses confessions. Dans cette ancienne colonie portugaise qui se relève d’une guerre civile sanglante de près de 30 ans, le pape évoquera aussi les moyens de règlement des conflits dans les pays africains en proie à ce fléau.
Paix et développement |
Une vingtaine de pays du continent ont connu une guerre civile depuis 20 ans. Au cours d’une rencontre, le 20 mars avec les diplomates en poste à Luanda, Benoît XVI interpellera la communauté internationale sur ses responsabilités en Afrique. Il est vrai que la venue du pape intervient dans un climat où les pays donateurs, frappés par une crise économique sans précédent, ont tendance à délaisser l’Afrique. Un continent qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans la pauvreté. Selon l’ONU, le nombre d’Africains vivant avec moins d’un dollar par jour devrait atteindre 400 millions de personnes d’ici 2015. Et à ce jour, aucun pays d’Afrique n’est en voie d’attendre les objectifs de développement du millénaire décrétés par les Nations unies en matière de pauvreté, d’écologie, de santé ou d’éducation. Les Africains espèrent que les déclarations de Benoît XVI vont insuffler un renouveau spirituel à leurs dirigeants. Ils comptent, en effet, sur le souverain pontife pour délivrer des messages contre la corruption et les détournements de fonds publics, responsables en grande partie de la misère et de la pauvreté des populations. Et si l’Eglise se défend d’avoir des objectifs économiques et politiques, le pape devra se rappeler qu’il est porteur d’espérance sur les plans spirituel et social. |
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