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Madagascar

Coup politique ou coup d'Etat ?

par Bruno Minas

Article publié le 18/03/2009 Dernière mise à jour le 18/03/2009 à 22:18 TU

Le nouveau président malgache, Andry Rajoelina, a prononcé, mercredi matin, un discours devant ses partisans rassemblés place du 13-Mai à Antananarivo. Il s'est engagé à rédiger une nouvelle Constitution et à organiser des élections d'ici deux ans. Un peu plus tôt dans la journée, la Haute cour constitutionnelle avait validé la transmission du pouvoir à l'ancien maire de la capitale par un directoire militaire. Comme Marc Ravalomanana, sept ans plus tôt, Andry Rajoelina est arrivé à la présidence après un étrange bras de fer, une forme de coup de force, qui ne se veut pourtant pas un véritable coup d’Etat. Plus encore qu’en 2002, se pose la question de la constitutionnalité de cette prise de pouvoir, même si elle a été validée par la plus haute juridiction du pays. Analyse.
Andry Rajoelina, chef de l'Etat de transition et candidat à la présidentielle ? (Photo : AFP)

Andry Rajoelina, chef de l'Etat de transition et candidat à la présidentielle ?
(Photo : AFP)


Le 6 mai 2002, Marc Ravalomanana était officiellement investi président de la République de Madagascar, et enfin reconnu comme tel par la communauté internationale. Il lui avait alors fallu près de six mois pour venir à bout d'une confrontation avec le président sortant de l'époque Didier Ratsiraka.

Ce dernier affirmait qu'un deuxième tour était nécessaire après l'élection présidentielle de décembre 2001, alors que Marc Ravalomanana se disait sûr de sa victoire au premier tour et s'autoproclamait président.

Madagascar s'était retrouvée avec deux présidents, deux gouvernements, deux administrations de l'Etat. Marc Ravalomanana officiait depuis la capitale Antananarivo, dont il avait auparavant été le maire; tandis que Didier Ratsiraka s'était retranché dans sa ville d'origine, Toamasina (Tamatave). L'ancien président avait « coupé les ponts » avec la capitale, au sens propre puisque les ouvrages routiers reliant à la côte avaient été dynamités.

Une multitude de médiations avaient été tentées par l'Union Africaine, l'Union Européenne, la France, les Nations Unies, l'Organisation de la Francophonie. Jusqu'à ce que Paris décide d'exfiltrer Didier Ratsiraka et que tous finissent par reconnaitre une victoire de Marc Ravalomanana, consacrée par la Haute Cour constitutionnelle, même si l'on n'a jamais su ce qui était vraiment sorti des urnes.

« Vous pouvez m’appeler président »

L'ascension d'Andry Rajoelina - surnommé TGV - a été  plus rapide. Un peu plus de deux mois après la première manifestation massive sur la Place du 13 Mai, le voilà maintenant aux commandes du pouvoir malgache. « Vous pouvez m'appeler président »,  se plait-il à répéter à ses interlocuteurs.

Cependant, l'habillage  juridique de cette victoire est beaucoup plus difficile à élaborer. A première vue, aucune des dispositions prises depuis ce mercredi 17 mars n'est conforme à la constitution malgache. Rien dans la loi ne permet de dire que Marc Ravalomanana puisse nommer un « directoire militaire », et encore moins de transmettre le pouvoir à Andry Rajoelina. La Constitution prévoit que le président du Sénat assure un intérim en cas de démission ou d'empêchement, or cette solution n'a pas été retenue.

L'ancien président de la Haute Cour constitutionnelle, Norbert Ratsirahona, est à la manoeuvre pour légaliser ce changement de régime.  « Il ne faut pas qu’on se voile la face, aucun article de la constitution ne prévoit ce genre de transfert du pouvoir. Mais, précise-t-il, je ne dirai pas que c’est anticonstitutionnel, je dirais que c’est extraconstitutionnel, car une délégation de pouvoir est toujours prévue quelque part. En outre, ajoute-t-il, ce n’est pas inédit, cela c’est déjà produit en 1972 et à l’époque la Haute Cour constitutionnelle n’avait rien dit. L’important est de respecter l’esprit de la constitution et de revenir à la stabilité et à un climat apaisé. » 

Quoiqu’il en soit, si Andry Rajoelina confirme son souhait d'être élu président de la République, il faudra changer l'actuelle constitution. Elle fixe un âge minimum de 40 ans, M. Rajoelina n'a que 34 ans.

Norbert Ratsirahonana, juriste, ex-président de la Haute Cour constitutionnelle malgache

« J'avoue que ce n'est pas écrit dans la Constitution de Madagascar mais c'est une pratique qui s'est faite et que la Haute Cour a toujours considéré comme constitutionnelle. »

18/03/2009