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Espagne

L'Eglise contre la libéralisation de l'avortement

par Patrick Adam

Article publié le 18/03/2009 Dernière mise à jour le 20/03/2009 à 03:20 TU

Alors que le gouvernement socialiste souhaite rendre pleinement légale l’interruption volontaire de grossesse, l’Eglise lance une campagne médiatique dans laquelle elle affirme que les espèces d’animaux menacées sont mieux protégées que l’embryon humain.

Affiche de la conférence anti-avortement de l'épiscopat espagnol, le 18 mars 2009. (Photo : AFP)

Affiche de la conférence anti-avortement de l'épiscopat espagnol, le 18 mars 2009.
(Photo : AFP)

C’est une mobilisation des catholiques comme l’Espagne n’en avait pas connu depuis 2005 et la loi sur le mariage entre homosexuels. À coups de pétitions et avec le renfort d’une campagne publicitaire, l’Eglise conteste un projet du gouvernement Zapatero qui prévoit un alignement de la loi espagnole sur celle en vigueur dans la plupart des pays européens.

A l’heure actuelle, l’interruption volontaire de grossesse est autorisée jusqu’à douze semaines en cas de viol, et vingt-deux semaines en cas de malformation. Mais il n’y a pas de limite de temps, dès lors que la santé de la mère est en danger. C’est cette dernière disposition qui est la plus contestée, y compris dans les rangs des pro-avortements, dans la mesure où un « risque psychologique » pour la mère peut suffire à justifier des avortements tardifs, parfois à plus de six mois de grossesse.

Limiter les abus

Ce que souhaite le gouvernement socialiste, c’est rendre pleinement légale l’IVG, mais dans un délai de grossesse limité. Autrement dit, « en finir avec la situation actuelle qui criminalise les femmes, parce qu’en dehors des viols et cas médicaux, l’avortement relève du code pénal et aussi en finir avec l’actuelle permissivité qui fait que des avortements puissent être pratiqués à huit mois, si un psychiatre décide qu’il y a danger pour la santé mentale de la mère », explique-t-on au ministère. L’objectif dès lors est « d’élaborer une loi à mi-chemin entre deux extrêmes : ceux pour un avortement libre et ceux contre tout avortement ».

Dans la majorité des pays de l’Union européenne, l’interruption volontaire de grossesse se pratique jusqu’à la douzième semaine.

L’animal mieux protégé

Mais en Espagne où 80% des habitants se déclarent catholiques, l’Eglise parvient à facilement mobiliser sur le thème des valeurs. Depuis le début de la semaine, les évêques ont lancé une campagne anti-avortement. Le message diffusé sur mille trois cents panneaux dans tout le pays met en parallèle la protection des animaux et celle du fœtus. Les affiches montrent un lynx ibérique, l’une des espèces les plus menacées d’Espagne, avec la mention « lynx protégé ». À côté, un bébé s’interroge « et moi ? », accompagné du slogan « protège ma vie ». Dans un bandeau en haut de l’affiche, apparaissent des embryons et des fœtus à différents stades de développement.

Lors d’une conférence de presse, le porte-parole des évêques a justifié le rapprochement entre l’homme et l’animal. « Si nombre d’espèces animales bénéficient d’une grande protection, y compris pénale, pourquoi protège-t-on moins la vie d’êtres humains qui vont naître ? », interroge Mgr Juan Antonio Martinez Camino.

Les milieux anti-avortement appuient cette campagne d’affichage par une pétition. L’association catholique HazteOir, « Fais-toi entendre », qui milite pour la famille en tant « qu’institution fondamentale pour l’ordre social », affirme « qu’un millier de scientifiques, professeurs et intellectuels », pour qui la vie humaine commence dès la fécondation, ont signé la pétition.

Pour sa part, le gouvernement de José Luis Zapatero espère boucler son projet de loi avant la fin du premier semestre de cette année.

Ailleurs en Europe

La législation varie selon les Etats, car il n’existe pas de « loi européenne » en matière d’avortement, même si le Parlement européen a voté en 2002 une résolution incitant les membres à légaliser l’avortement.

Dans quatre Etats membres, Irlande, Pologne, Malte et Chypre, l’avortement reste illégal.

En 1993, les Irlandais ont rejeté par référendum sa légalisation. Il est toléré uniquement si la vie de la mère est en danger.

En Pologne, l’IVG a été légalement pratiquée pendant plus de quarante ans. Interdit depuis 1997, elle est uniquement autorisée pour des raisons médicales strictes.

Longtemps l’un des Etats les plus restrictifs, le Portugal a revu sa législation en 2007.

Ailleurs dans l’Union, l’avortement est en moyenne autorisé jusqu’à la douzième semaine. Parfois plus comme en Grande-Bretagne, jusqu’à vingt-quatre semaines.