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Brésil

Les Indiens de la Raposa Serra do Sol, seuls maîtres de leur réserve

Article publié le 20/03/2009 Dernière mise à jour le 20/03/2009 à 15:18 TU

La démarcation de la réserve Raposa Serra do Sol, objet de discorde entre cinq ethnies d´Indiens et des fermiers blancs, a été confirmée. La Cour suprême reconnaît le droit des 19 000 Indiens, obligeant les planteurs de riz à quitter leurs parcelles. Une décision symbolique, qui fera jurisprudence.

A l'extérieur de la Cour suprême du Brésil, plusieurs dizaines d'indigènes, torse nu et en peintures traditionnelles, ont fêté la décision.  

		(Photo : Reuters)
A l'extérieur de la Cour suprême du Brésil, plusieurs dizaines d'indigènes, torse nu et en peintures traditionnelles, ont fêté la décision.
(Photo : Reuters)

De notre envoyée spéciale à Brasilia,
Annie Gasnier

En bermuda ou en pagne, le corps peint et la tête ceinte de cocardes en plumes, trente Indiens sont sortis jeudi soir de la Cour suprême en chantant victoire sur l´Esplanade des Trois pouvoirs de Brasilia. Dessinés dans le dos, les contours de leur réserve, la Raposa Serra do Sol, où 19 000 Indiens sont désormais les seuls maîtres de leur destin.

Les juges de la Haute cour ont approuvé la démarcation « en continu » d´un territoire de 17 000 km², légalisé par un décret du président Lula en avril 2005. Le groupe de planteurs de riz qui contestait la démarcation est débouté, à l´issue d´une bataille judiciaire épique et symbolique, qui durait depuis plus de vingt ans.

Dans la salle d´audience, les Indiens en costumes traditionnels faisaient face aux fermiers blancs et leurs avocats en costume-cravate séparés par les onze juges en toge. « Nous espérons que la Cour suprême mettra fin aux violences dont nous souffrons depuis des années », a déclaré, radieux, Julio, de l´ethnie Macuxi, président du Conseil indigène du Roraima, venu à Brasilia écouter les juges.

« Cette décision conforte la politique suivie par les autorités depuis la Constitution de 1988, qui a reconnu des droits aux peuples indigènes », précisait à l´issue de l´audience le président de la Fondation nationale de l´Indien (Funai) qui supervise les 616 réserves du Brésil. « Les terres indigènes appartiennent à l´Etat et sont de fait retirées du marché capitaliste, précise Marcio Meira, leur exploitation économique dépendant du vote d´un projet de loi, bloqué au Congrès ».

Les autorités de l´Etat du Roraima, gouverneur en tête, s´étaient alliées aux fermiers contre le décret présidentiel. Mais les derniers riziculteurs à refuser les indemnisations devront abandonner leurs 15 000 hectares où d´énormes moissonneuses tentent encore d´achever la récolte en cours. « Nous sommes fatigués de cette lutte, et on se laissera expulser par les policiers surarmés qui sont déjà sur place », a avoué le leader des « résistants ».

« On assiste à une politique de terre brûlée en Amazonie, comme firent les Russes devant l´armée allemande pendant la Seconde guerre mondiale, dénonce Paulo Quartiero, or cette politique est un génocide contre les Indiens, qui meurent de faim sur leurs terres ». Selon lui, « cette décision bénéficie uniquement aux ONG de pays mis en faillite par la crise financière ».

Les défenseurs de la cause indienne saluent une victoire, dans un contexte « où les secteurs les plus rétrogrades de la société, se sont exprimés dans les médias contre les habitants ancestraux de la Raposa Serra do Sol ».

Mais les 19  « conditions » ajoutées par les juges à leur sentence, préoccupent déjà les Indiens et leurs alliés : « Une victoire à la Pyrrhus , estime Vincenzo Lauriola, conseiller pour l'environnement à la Funai, par exemple, l´impossibilité d´amplifier certaines réserves, va poser problèmes dans des zones toujours en litige ».