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République tchèque

La présidence de l’UE fragilisée

par Piotr Moszynski

Article publié le 24/03/2009 Dernière mise à jour le 25/03/2009 à 02:17 TU

Et de cinq… La cinquième motion de censure déposée contre le gouvernement tchèque de Mirek Topolanek aura été la bonne. Le Premier ministre devrait annoncer rapidement sa démission. Or la République tchèque assure actuellement la présidence de l’Union européenne. Cette instabilité intérieure provoque des inquiétudes quant à la stabilité de l'Union européenne, qui plus que jamais, en pleine crise économique devrait pouvoir compter sur une présidence forte, capable de donner des impulsions de réformes.
Le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek sortant du Parlement après le vote de la motion de censure, à Prague, le 24 mars 2009.(Photo : Reuters)

Le Premier ministre tchèque Mirek Topolanek sortant du Parlement après le vote de la motion de censure, à Prague, le 24 mars 2009.
(Photo : Reuters)

Le gouvernement tchèque s’est retrouvé dans une situation très délicate. Et l’Union européenne, que la République tchèque préside jusqu’en juin, avec lui. Le cabinet de Mirek Topolanek a dû affronter, ce mardi, une cinquième motion de censure depuis sa formation. Cette fois, il n’a pas réussi à repousser l’assaut de l’opposition de gauche. Ainsi, sa capacité non seulement à assurer la gestion de l’Etat, mais aussi à exercer efficacement la présidence de l’UE est clairement remise en cause.

Un gouvernement depuis longtemps fragilisé

En effet, l’appui dont bénéficie une présidence européenne dans son propre pays est un facteur qui contribue beaucoup à la percevoir comme stable et forte. Or, c’est précisément le soutien politique qui tenait vraiment à un fil dans le cas du gouvernement de Prague. D’abord, le président eurosceptique Vaclav Klaus n’avait visiblement aucune intention de faciliter la tâche à ses anciens amis du parti ODS au pouvoir. Ensuite, l’opposition de gauche ne manquait aucune occasion pour compliquer la situation du gouvernement. Elle est faite pour cela, c’est vrai, mais, quand même, la précédente motion de censure a été déposée il y a seulement quatre mois – et c’était la quatrième du genre. Enfin, des tensions apparaissaient même au sein de la coalition gouvernementale.

Avant le vote, le Premier ministre s’est vu contraint de discuter pendant une heure avec deux députés verts rebelles pour essayer de les convaincre de ne pas soutenir la motion de censure. Les Verts font partie de la coalition, à côté des chrétiens-démocrates (KDU-CSL) et de la principale force politique du pays, les libéraux de l’ODS. Toutefois, les trois formations ne disposent ensemble que de 96 sièges à la Chambre basse du parlement, alors qu’elle en compte 200. L’opposition n’est pas beaucoup mieux placée. Pour voter la motion de censure, les sociaux-démocrates (CSSD) et les communistes (KSCM) peuvent réunir 97 voix, alors qu’il leur en faut 101 pour renverser le gouvernement. Les deux camps ont donc dû tout faire pour convaincre les sept députés indépendants de rallier leur cause et pour encourager les dissidents éventuels de leurs propres rangs à rester fidèles. Visiblement, l’opposition a été plus efficace.

Des attaques groupées

Le leader des socialistes tchèques, Jiri Paroubek, estime que « le gouvernement nuit à ce pays » et qu’il « n’est capable de résoudre ni l’impact, ni les causes de la crise ». Son homologue au niveau du Parlement européen, Martin Schulz, enfonce le clou : « Cela fait longtemps que je n’ai vu une présidence de l’UE aussi faible que celle conduite par Mirek Topolanek ». Selon lui, « les Tchèques n’arrivent pas à relever les défis qu’affronte actuellement l’Union européenne – ils n’ont rien fait ni dans le domaine de l’emploi, ni dans celui de questions institutionnelles ». Circonstance atténuante (qui a, en même temps, un petit air de cadeau empoisonné) : « ce n’est pas seulement Topolanek qui en est responsable », mais aussi Vaclav Klaus qui « essaie de déstabiliser la présidence tchèque ». Bien sûr, la République tchèque continuera d’exercer sa fonction de présidente de l’UE malgré le vote de défiance contre le gouvernement. D’ailleurs, la constitution tchèque ne fixe aucun délai de démission d’un cabinet après un vote parlementaire en sa défaveur. Le Premier ministre avait déjà annoncé que, dans l’hypothèse d’un tel vote, les législatives anticipées seraient organisées l’été prochain. Pas de doute, cela risque de déstabiliser encore plus la présidence tchèque, amenée, dans ce cas de figure, à s’occuper au moins autant – sinon plus – de la campagne électorale que de questions européennes.

Les précédents

Ce n'est pas la première fois qu'un pays en charge de la présidence tournante du Conseil européen connaît un changement de donne politique en cours de mandat. Au premier semestre 1996, l'Italie a ainsi vu la coalition de centre gauche pilotée par Romano Prodi succéder au gouvernement de centre droite de Lamberto Dini, après avoir remporté les élections législatives. Au tout début du premier semestre 1993, le Danemark avait entamé son mandat à la tête de l'UE avec la chute du gouvernement de Poul Schlüter et l'arrivée au pouvoir du social-démocrate Poul Nyrup Rasmussen. Pourtant, l’Europe n’a pas cessé de bien gérer ses affaires lors de ces présidences.